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Abelardo Moreno: «Les relations entre Cuba et l’UE s’améliorent, et cela devrait continuer»

Le vice-ministre des Affaires étrangères cubains, à Bruxelles pour le sommet UE-Amérique latine et Caraïbes, détaille les grands enjeux et points de friction. Sans langue de bois.

Journaliste au service Monde Temps de lecture: 5 min

Ces mercredi et jeudi, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne et leurs homologues des 33 pays de la Communauté d’Etats latino-américains et caraïbes (Celac) se retrouvent pour un sommet à Bruxelles. Il sera question « d’avenir commun », de prospérité et de solidarité. Les ministres des affaires étrangères ont travaillé lundi et mardi pour préparer le terrain et élaborer les trois documents qui doivent être approuvés : un document bref comprenant les principes et objectifs de la relation bi-régionale, un document plus volumineux qui s’appellera Déclaration de Bruxelles, où seront reprises les positions des deux régions à propos des principaux thèmes d’intérêt commun. Et enfin un plan d’action qui définira quelles seront les initiatives qui seront prises avant le prochain sommet qui aura lieu en 2017 en Amérique latine.

Pour faire le point sur tout cela, nous avons rencontré Abelardo Moreno, vice-ministre des Affaires étrangères cubain. Cuba, en pleine normalisation de ses relations avec les Etats-Unis, sera en effet une des vedettes du sommet.

Qu’espérez-vous de ce sommet ?

Il est très important pour nous qu’il y ait, dans la déclaration courte, la nécessité de mandater nos ministres des Relations extérieures des deux régions pour qu’ils révisent la relation bi-régionale et redéfinissent quels sont les objectifs de cette relation. Car s’il est vrai qu’il existe une augmentation des relations commerciales, économiques et financières entre nous, l’Amérique latine reste marginale pour l’UE. Sur le plan du commerce, seuls 6 % des importations extra-UE viennent des pays d’Amérique latine-Caraïbes. Si l’on veut une relation bi-régionale plus étroite, il manque plusieurs choses. Il faut des relations commerciales plus étendues, une relation politique plus fluide, il faut que tous les principes du droit international reconnus par les deux parties soient totalement appliqués. Il existe aussi des thèmes d’intérêt commun, et notamment la nécessité d’une reconnaissance par l’UE de l’importance de la proclamation de l’Amérique latine et des Caraïbes comme « zone de paix », qui avait été approuvée lors du 2e Sommet de la Celac à La Havane. Zone de paix, cela veut dire que les conflits sont réglés par la voie pacifique, sans usage de la force, dans le respect des différents systèmes politiques et culturels de la région. Les principes de souveraineté, d’intégrité du territoire sont également reconnus par tous. Il existe une importante probabilité que l’UE reconnaisse la validité et la transcendance de cette proclamation. Nous avons aussi négocié à propos de plusieurs thèmes qui devraient être inclus dans la déclaration de Bruxelles : la coopération en matière d’environnement, de désarmement nucléaire, de lutte contre le trafic de drogue et de la migration. Il y a de nombreux thèmes à aborder et, même si nos deux régions ont des caractéristiques assez différentes et qui, dans de nombreux cas, n’ont pas les mêmes conceptions en matière politique, économique et sociale. Un sommet que celui-ci aura donc forcément des effets limités, mais, dans le cadre de ces limitations, nous faisons tous nos efforts pour rapprocher nos points de vue le plus possible et arriver au plus grand nombre possible d’accords de coopération possible.

Quels sont les points de friction entre l’UE et la Celac ?

Le point le plus difficile actuellement concerne le Venezuela. La Celac a une position claire sur ce qui se passe dans ce pays, et a refusé l’ordre exécutif du gouvernement contre le Venezuela (ndlr : Washington a imposé des sanctions contre certains dirigeants de ce pays, qui est accusé de menacer la sécurité nationale intérieure et la politique extérieure des USA). Nous estimons que ces mesures doivent être levées, mais cette position n’est pas partagée par l’UE. Mais nous en parlons. Il y a d’autres aspects qui sont source de contentieux, en relation avec le changement climatique, le désarmement nucléaire. Mais nous essayons de limer au maximum ces points de friction.

Et plus particulièrement, que souhaitez-vous pour Cuba ?

La position de l’UE par rapport au blocus américain économique, commercial et financier imposé à notre île par les États-Unis nous intéresse évidemment beaucoup. La position européenne a évolué. Jusqu’à maintenant, l’UE rejetait les mesures coercitives unilatérales de caractère extraterritorial. En d’autres mots, l’UE rejetait les mesures prises par les USA et qui avaient des effets en dehors du territoire américain. Mais depuis qu’a été annoncée la négociation du rétablissement des relations entre Cuba et les USA, depuis les déclarations du président Obama déclarant qu’il demandera au Congrès de mettre rapidement fin à ce blocus, la position européenne a commencé à évoluer de façon positive. Elle appelle maintenant à ce qu’il soit mis fin à ce blocus dans son intégralité et non plus seulement dans ses effets extraterritoriaux. Nous espérons que surgira de ce Sommet une formulation qui s’inspire de la position européenne actuelle de rejet total de ce blocus.

Mais il y aura aussi, la semaine prochaine à Bruxelles, la 4e ronde de négociations entre l’UE et Cuba…

Oui, le 15 et le 16 juin, nous mènerons un dialogue politique et de coopération. Lors des trois rondes précédentes, nous avions réalisé des progrès en matière de coopération et nous espérons pouvoir le conclure cette fois-ci. Nous espérons pouvoir avancer plus sur des thèmes liés comme celui du commerce et du dialogue politique. Nous espérons pouvoir conclure cet accord à brève échéance, cette année peut-être ? Il existe cependant d’importantes différences d’appréciation entre nous. Mais nos relations avec les 28 pays membres de l’UE sont actuellement normales, nous avons eu des visites de responsables de pays de l’UE à Cuba : le président français Hollande notamment. Cela veut dire que nos relations marchent bien. Nous espérons qu’elles marcheront mieux avec la conclusion de l’accord politique et de coopération. Nous faisons des efforts de part et d’autre pour augmenter les relations commerciales et les investissements des pays membres de l’UE à Cuba. Mais on peut dire que nos relations s’améliorent de façon systématique et nous espérons que cela va continuer. Nous avons cependant des points de divergence. Nous estimons que certaines libertés sont menacées en Europe : il y a l’augmentation du chômage, la crise sociale, les brutalités policières. Mais cela ne nous empêche pas de négocier, on veut arriver à des points de convergence.

 

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