Olivier Remels: «Il faut renforcer l’excellence dans chaque filière»

La Fondation pour l’Enseignement a pour mission de développer des projets et mettre en évidence de bonnes pratiques pédagogiques. Récemment, elle a pointé du doigt les faiblesses dans le qualifiant et proposé des solutions qui permettraient de redonner ses lettres de noblesse à la filière, et de mieux organiser le choix des options. Olivier Remels est le secrétaire général de la Fondation. [scald=53383:sdl_editor_representation] Quels sont les constats, à l’heure actuelle, en ce qui concerne le qualifiant ? Depuis des années, on constate qu’une image négative émane de l’enseignement qualifiant, que ce soit aux yeux des élèves, des parents ou des enseignants. C’est le premier constat, le premier problème et il réside dans le fait que la voie vers le qualifiant est souvent empruntée par dépit plutôt que par choix. Il s’agit d’un souci d’orientation négative par relégation successive : l’élève a raté dans le général ? Pas grave, il peut continuer en technique ou professionnelle. C’est donc une réorientation négative, qui à la fois entraîne une dévalorisation de facto de ces filières puisque jugées dotées d’un enseignement « plus facile », mais qui entraîne également un décrochage scolaire pour bon nombre d’élèves. En effet, ce sont des jeunes qui sont souvent en situation d’échec, et qui arrivent avec un bagage fragile, un bagage en moins dans le qualifiant. Au final, soit ils en ressortent avec moins de qualifications, soit ils ne font qu’accumuler du retard, puisque largués dans un enseignement différent, avec des bagages manquants. La faute à qui ? C’est plutôt une question de responsabilité. Les enseignants ont la responsabilité importante d’orienter les élèves, dès la fin du fondamental et au début du secondaire. Ils doivent donc être bien informés, connaître le contexte socio-économique et les filières de l’enseignement pour pouvoir orienter positivement les élèves. Les centres psycho médico sociaux (CPMS) doivent aussi être bien informés et connaître le monde de l’entreprise, les perspectives, les compétences qui incombent à chaque métier. Pourquoi ? Parce qu’il y a énormément d’options, en particulier dans le qualifiant. C’est le second constat, donc second problème : il y a environ 180 options, mais à peine une dizaine rassemble 46 % des élèves qui fréquentent le qualifiant. Et surtout, ce ne sont pas celles qui offrent le plus de débouchés. À l’heure actuelle, le chômage chez les jeunes crève les plafonds et pourtant il y a des métiers qui sont en pénurie ; ce ne sont pas forcément des boulots moins intéressants que d’autres, mais ils ne sont pas assez valorisés, ces options ne sont pas assez mises en avant dans le qualifiant. À côté de ça, il y a une surcharge de demandes d’élèves et de parents pour s’inscrire dans certaines filières alors qu’elles n’amènent qu’à peu ou prou de débouchés. Cela reflète le manque de contact entre le monde de l’enseignement et celui de l’entreprise. Et quelles sont les recommandations de la Fondation face à ces observations ? Dans un premier temps, nous recommandons de renforcer l’excellence dans chaque filière de métier. Aujourd’hui, il y a une espèce de concurrence qui s’est établie entre les différentes formes d’enseignement pour un même métier. On peut inscrire son enfant en général, en technique, en professionnel ou en alternance. C’est justement cette multiplication de filières différentes pour un même métier qui contient les germes d’une dévalorisation de certaines filières. Et certains enseignements ne sont pas pertinents pour tous les boulots. Il y a des options qui nécessitent une base théorique plus étoffée, alors que d’autres nécessitent plutôt une formation et de la pratique. Il faut donc, pour chaque option, développer une filière qui soit une filière d’excellence, déterminer la meilleure forme d’enseignement pour chaque métier. Mettons-y, en regard de cela, une ou plusieurs formes d’interactions adaptées à chaque stade de l’apprentissage pour les élèves ; des stages de courte ou longue durée, des formations… C’est une fois que les gens verront et seront convaincus qu’on a ramené l’excellence dans certaines filières, et donc en l’occurrence dans le qualifiant, que la question de beaucoup de parents « est-ce que je peux envoyer mon enfant dans l’enseignement de qualification ? » ne se posera enfin plus. Ensuite, il s’agit de mobiliser autour de la table les acteurs de l’entreprise et les acteurs de l’enseignement, pour établir une meilleure communication entre eux et pour mettre en relation les demandes avec les offres. Il faut identifier, au niveau local, les entreprises qui sont présentes et ce qu’elles proposent comme métiers. D’un côté, il importe de demander à ces entreprises de s’engager en ouvrant des portes, en proposant des stages et, d’un autre côté, on doit demander aux élèves de s’engager en priorité sur les métiers où il y a demandes et pénuries. Les entreprises doivent donc aussi le faire savoir. C’est ça, faire de l’orientation positive. Il faudrait donc réorienter en fonction du marché ? Non, je ne dis pas ça. Je ne dis pas qu’il faut à tout prix orienter les élèves dans les boulots en pénurie. Il ne faut pas sortir de la mission de l’école, qui doit donner à chacun la possibilité de se développer dans les options souhaitées. Il faut toutefois mettre chacun en état de tenir compte de ces aspects, savoir qu’un métier a plus ou moins de chances de mener à un emploi, à un potentiel développement. Après, c’est aux politiques à décider.

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