Volkswagen: à Wolfsbourg, les gens se font du souci pour leur avenir

A la « sortie 17 », le principal accès pour les piétons vers l’usine Volkswagen, l’ambiance est déprimante. « C’est un choc pour tout le monde. J’ai très peur pour l’avenir de l’entreprise », lâche Christian, un ouvrier travaillant à la centrale thermique de la plus grande usine d’Europe. Lorsqu’on interroge les salariés, on ressent une incompréhension totale face aux agissements de la direction. « Pourquoi faire ça quand on s’appelle Volkswagen ? », rage José qui travaille à la production. « Comment peut-on être aussi bête ? », ajoute un autre salarié qui souhaite rester anonyme. Le scandale Volkswagen, sujet numéro 1 A Wolfsbourg, siège du premier constructeur automobile européen, on ne parle que de ce scandale dans la grande rue commerçante du centre-ville. « C’est le sujet de discussion numéro 1 », confirme Rafael Kisiala, patron du café « Supperleggera ». « Les gens se font du souci pour leur avenir. Surtout les plus faibles qui vont trinquer », ajoute le fleuriste Antonio Vipiano. « Vous n’imaginez pas à quel point la peur a envahi la ville, confie Ursula, une vendeuse d’un centre commercial. Pour Wolfsbourg, c’est comme si un château de cartes s’écroulait », dit-elle. « On est dans un sacré pétrin, résume Hendrik Rasehorn, journaliste local au quotidien de Wolfsbourg, Wolfsburger Nachrichten. Tout ce qu’on a connu depuis 20 ans : la corruption du comité d’entreprise, le combat des chefs ou le rachat de Porsche… ce n’était rien par rapport à ce que nous vivons actuellement », ajoute-t-il. Malgré la démission du président Martin Winterkorn, hier, toute la ville vit dans l’attente d’un nouveau départ. « Il faut attendre pour mesurer l’ampleur des dégâts. Mais je peux déjà vous dire que la semaine prochaine, Volkswagen ne vivra plus dans le même univers. Le monde entier et tous les salariés attendent cela », insiste Hartwig Erb, le responsable d’IG Metall à Wolfsbourg, le tout-puissant syndicat de la métallurgie. Front commun pour sortir de la crise Pour l’instant tout le monde fait front commun pour sortir de la crise. A la sortie de l’usine, certains parlent même d’une « interdiction » de parler à l’extérieur. « C’est une réaction naturelle chez Volkswagen. Les employés et les cadres de l’entreprise font bloc en se retranchant dans leur tour d’ivoire pour défendre l’entreprise », explique Hendrik Rasehorn. Pour lui, le scandale a pris une dimension symbolique en raison du caractère « environnemental » de l’affaire. « L’écologie est un sujet essentiel pour les clients à l’heure du changement climatique. Volkswagen s’est présenté ces dernières années comme une entreprise les plus à la pointe en termes de développement durable. C’est une catastrophe en termes d’image », insiste le journaliste. En termes d’emplois aussi. « Nous recevons beaucoup de courriels de salariés qui craignent un licenciement. Je peux vous dire que ce sont surtout les intérimaires qui risquent de trinquer », insiste le syndicaliste Hartwig Erb. Sur les 59.000 salariés à Wolfsbourg plus de 10 % disposent des contrats à durée déterminée. Certains perdront leur emploi. Mais les autres savent qu’ils devront payer les pots cassés, y compris les salariés « maison ». « Les responsables politiques demandent que les employés soient épargnés par le scandale. Ils paieront quand même », insiste le journaliste Hendrik Rasehorn. Pas de prime d’intéressement Les ouvriers de Volkswagen peuvent déjà dire au revoir à leur prime d’intéressement, l’une des plus importantes de toute l’industrie allemande (6.200 euros en 2013, 5.900 euros en 2014). « Elle sera nulle cette année mais aussi l’année prochaine », estime le journaliste local. Avec le « scandale Volkswagen », c’est toute la ville de Wolfsbourg et sa région qui vont souffrir. Les dix dernières années de vaches grasses chez Volkswagen avaient permis à la ville de vivre un boom sans précédent grâce aux rentrées fiscales. Ce scandale devrait interrompre brutalement cet essor économique. « Lorsque Volkswagen tousse, c’est toute la Basse-Saxe qui s’enrhume », a rappelé en début de semaine l’ancien chancelier Gerhard Schröder qui a été longtemps ministre-président de la région et membre du conseil de surveillance du constructeur automobile (la Basse-Saxe détient 20 % des actions). « Un emploi à Volkswagen génère cinq emplois dans la région », remarque le syndicaliste Hartwig Erb. Pour l’ancien maire de Wolfsbourg, les responsables du scandale ont non seulement ruiné la réputation de « sérieux et de fiabilité du travail des Allemands » mais aussi l’avenir de la ville. « Une chose est sûre : Volkswagen peut déjà renoncer à son objectif de devenir le numéro 1 mondial de l’automobile », insiste Rolf Schnellecke.

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