Etats-Unis: le pizzagate et les nouveaux monstres
Chaque fois qu’un politique, qu’un média ou qu’un parti arrange ou travestit la vérité, il participe à un processus de destruction mentale.


Le « pizzagate » pollue les réseaux sociaux. Le pizzagate, c’est un buzz énorme dans lequel se débat un restaurateur américain accusé d’avoir alimenté un réseau de pédophiles organisé par… Hillary Clinton. Le détournement d’un mail démocrate par des proches de Donald Trump a conduit à cette mystification planétaire mêlant politique, sexe et satanisme. Un cocktail explosif qu’une enquête policière, pourtant favorable au suspect, n’a pas réussi à éteindre. Et ce qui devait arriver arriva : un « chevalier blanc » a fait irruption dans la pizzeria armé d’un fusil d’assaut pour y délivrer des enfants imaginaires. Il n’y a pas eu de blessés.
Ce qui frappe au-delà des faits, c’est la vitesse à laquelle le poison de la rumeur s’est instillé dans les têtes. Les supporters de Donald Trump qui ont échafaudé cette histoire « abracadabrantesque » l’ont fait migrer sur Twitter et Facebook afin qu’elle se répande comme un acide sur toute la planète numérique. Résultat : il existe aujourd’hui des dizaines de faux articles et de vidéos qui touillent dans cette vase malodorante.
Des histoires mensongères comme celle-là, le web en est plein. Elles contribuent à alimenter la part de délire qui parcourt toute collectivité. Elles nuisent à la compréhension du monde et de ses rouages. Elles font le lit du populisme.
A cette différence que la recette du « pizzagate » a été inventée au sommet du pouvoir. Donald Trump, qui a fait assaut de violence verbale tout au long de sa route vers la Maison-Blanche, est aussi l’homme le plus puissant de la planète. Son triomphe et sa nouvelle position confèrent à cette escroquerie la dimension d’une vérité d’évangile auprès d’un nombre incalculable de personnes.
Ce qui peut apparaître anecdotique contribue en réalité à saper les fondements de la relation de confiance qui devrait lier la population à celles que l’on nomme les élites. Chaque fois qu’un politique, qu’un média ou qu’un parti arrange ou travestit la vérité, il participe à un processus de destruction mentale. Qui le sert peut-être (momentanément), mais qui aboutit à transformer la vie en société en un dialogue de sourds.
Un sentiment d’impuissance envahit ceux qui voudraient aujourd’hui éteindre cet incendie. Puisqu’il est question ici de pédophilie, on se rappellera à quel point reste vivace la théorie des réseaux qui naquit de l’affaire Dutroux. Vingt ans plus tard, les réseaux dits « sociaux » démultiplient à l’infini la diffusion d’informations, vraies comme fausses. La question qui se pose ne peut être a priori celle de la censure, mais bien de la manière de donner le change à ces mensonges qui raclent aussi sûrement nos cerveaux que les filets maillants détruisent les fonds marins.
La solution ? L’éducation. Le dialogue. Le respect. Au cas contraire, du désert moral qui s’étend et des angoisses qui s’y tordent naîtront assurément de nouveaux monstres. Qu’il nous faudra combattre. Cette lutte-là est loin d’être gagnée.
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