Ali al-Nimr sera-t-il décapité?

Ali al-Nimr sera-t-il décapité (puis crucifié) ? C’est le supplice imminent qui attend ce Saoudien de 20 ans. Son crime ? Participation à des manifestations contre le gouvernement, attaque à l’encontre des forces de sécurité, possession d’une arme à feu automatique et vol à main armée. Arrêté le 14 février 2012, il a été condamné à mort le 27 mai 2014. Il avait 17 ans au moment des faits incriminés, il était donc mineur. Selon Amnesty International, qui prodigue l’ensemble de ces précisions, ses aveux - qui semblent fonder la décision du juge - ont en outre été extorqués sous la torture, pratique banale en Arabie Saoudite. Ce pays recourt de manière intensive à la peine de mort, le plus souvent administrée par décapitation au sabre en place publique. Les chiffres : 2.200 mises à mort depuis trente ans, au moins 130 cette année (contre 87 en 2014). Les crimes passibles de cette peine découlant de la loi islamique (charia) : meurtre, viol, trafic de drogue, vol à main armée, apostasie, adultère et sorcellerie. Il n’y a pas que la peine de mort : les flagellations restent monnaie courante. Le cas de Raif Badawi a aussi défrayé la chronique des droits de l’homme cette année : ce blogueur qui avait osé critiquer le poids de la religion a été condamné à notamment mille coups de fouet (après la première session de 50 coups en janvier, la sentence a été suspendue en raison du tollé international immense qu’elle avait suscité). Soupçons antichiites Le contexte qui entoure la condamnation d’Ali al-Nimr charrie une connotation politique évidente. Le jeune homme participait à des manifestations dans l’est de l’Arabie Saoudite menées dans le contexte des « printemps arabes » par des membres de la minorité chiite, nombreux dans cette région du pays. Or le régime de la famille Saoud considère que l’Iran, épicentre du monde chiite, représente une menace pour son leadership du monde islamique et aussi pour son pré carré régional. Riyad soupçonne d’ailleurs Téhéran de favoriser les troubles dans les zones chiites du pays. Qui plus est, le jeune condamné n’est autre que le neveu d’un dignitaire chiite, cheikh Nimr Baqr al-Nimr, lui-même également condamné à mort en 2014. Impossible, donc, d’échapper à l’évidence : ces verdicts d’une très grande sévérité s’inscrivent dans un contexte tendu, où l’on voit les Saoudiens recourir aux méthodes de dissuasion les plus extrêmes pour mater toute velléité de contestation de leur minorité chiite. Les pressions internationales en faveur d’une annulation de l’exécution d’Ali al-Nimr ne manquent pas. Elles émanent surtout des milieux « droitdel’hommistes ». Les Etats se contentent de quelques souhaits émis sans conviction. C’est que les intérêts économiques continuent à prévaloir, grincent les mauvaises langues, qui pointent les liens d’argent qui unissent depuis longtemps les Saoud aux Américains et aux Britanniques. Et à de nombreux autres, comme la France, qui a récemment conclu pour 11 milliards de contrats de vente d’avion à Riyad. L’hommage du vice à la vertu Est-ce à dire que le roi Salmane qui a été intronisé en janvier dernier ne caresse pas le projet de plus se soucier des droits de l’homme (et de la femme, mineure à vie) ? « Jusqu'au début des années 90, nous explique le journaliste français spécialisé Olivier da Lage, l'Arabie Saoudite, qui ne reconnaît pas la déclaration universelle des DDH de 1948, niait le principe même de l'universalité des droits de l'Homme et lui opposait le concept islamique des droits de l'Homme. Et puis il y a eu un retournement spectaculaire, les Saoudiens cherchant au contraire à démontrer qu'ils les respectaient, à leur façon. L'hommage du vice à la vertu, en quelque sorte. D'où les efforts pour se faire désigner au Conseil des droits de l'homme de l'ONU et même à sa présidence. La pratique offensive de Salmane depuis le début de son règne - comme l’intervention armée au Yémen voisin, NDLR - semble indiquer une indifférence aux critiques. Mais dans un autre domaine, l'accord sur le nucléaire iranien, a montré qu'il pouvait aussi se montrer pragmatique. Cela se vérifiera-t-il aussi dans le domaine des droits humains, face à la montée des critiques ? On va le savoir très vite. » Il n’y a en tout cas guère de raisons de se montrer optimiste.

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