Crise de l’asile: réconcilier responsabilité et solidarité en Europe

Il est toujours difficile de concilier l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction, commentait au lendemain du sommet européen l’un des acteurs de ces jours agités, en référence aux concepts de Max Weber. Et il est même dangereux que ces deux approches entrent en conflit. Un conflit où Viktor Orban a incarné l’éthique de responsabilité poussée à son extrême, tandis qu’il désignait comme l’autre extrême « l’impérialisme moral » d’Angela Merkel. ► Où sont les opposants à Viktor Orban? Dans la crise grecque, on avait aussi brandi le diptyque responsabilité-solidarité. Mais c’est le volet « responsabilité » – en l’occurrence l’austérité – qui dans le chef des dirigeants et aux yeux de l’opinion semblait avoir pris le dessus. Dans la crise des réfugiés, sous le coup de la seule impulsion de la chancelière allemande, c’est le volet solidarité qui a primé. Provoquant, on a bien été obligé de le constater, le chaos sur nos routes et nos frontières. Réunis mercredi soir, les dirigeants européens ont conclu que l’Europe ne pourra assumer la solidarité, qu’à la condition expresse qu’elle reprenne le contrôle des frontières et des flux de réfugiés et autres migrants. ► L’Union européenne mobilise un milliard pour les réfugiés et va créer des «hotspots» Les deux crises ont montré une fois de plus que dans le gouvernement, les bons sentiments ne peuvent se passer de saine gestion. Laquelle à son tour ne peut se légitimer sans aucune éthique de solidarité. Cette crise-ci, incontestablement plus large et plus profonde que la grecque, en a fait une démonstration d’autant plus spectaculaire. Accueillir et protéger, oui, mais pas ouvrir toutes les portes et les fenêtres. Rétablir une surveillance des frontières, oui, mais pas pour les fermer, et encore moins en diabolisant ceux qui souhaitent les franchir vers nous. Les crises… On se lasse de constater à intervalles réguliers que l’Europe ne progresse qu’à travers elles. Elles paraissent chaque fois plus graves, mettant à jour des divisions chaque fois plus profondes. L’explication est ailleurs. C’est parce que l’UE s’étend et poursuit son intégration, que chaque crise successive produit sur elle des effets plus amples. Les manquements, faiblesses ou erreurs de l’un ou de quelques-uns, seront plus vite ressentis par tous. La difficulté ou l’incapacité de la Grèce et de l’Italie à garder leurs côtes et à gérer l’afflux de migrants chez eux, ont eu un impact sur toute la zone Schengen. Les excès des méthodes et du discours d’Orban ont un impact considérable sur les opinions publiques, pardon, l’opinion publique européenne. Et une seule annonce nationale d’Angela Merkel (« on accueillera tout le monde ») a ébranlé l’ordre public sur une grande partie du territoire européen. ► Les «hotspots» expliqués en 4 points Paradoxalement, ce sont les dirigeants nationaux de l’Europe qui viennent de faire l’expérience, presque à l’image d’apprentis sorciers, que l’Union européenne est finalement une réalité beaucoup plus avancée qu’eux-mêmes ou leurs peuples ne le pensaient. On croyait l’Europe un ensemble de 28 entités dirigées chacune par un leader. Elle est de plus en plus une seule entité, mais avec 28 dirigeants à sa tête. Alors forcément, cela multiplie par un exposant 28 la difficulté de concilier responsabilité et conviction.

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