«Il faut tout faire pour préserver la satire»

« Je pense qu’on doit toujours accueillir les gens qui sont en détresse. » © Pierre-Yves Thienpont C ’est la première fois de ma vie que je parle de politique, hein, » nous fait-il, moitié blagueur, moitié sérieux, alors qu’on l’invite à commenter les événements de l’actualité. Alain Altinoglu s’avance prudemment. L’artiste engagé, peu pour lui ? « Disons qu’il y a une limite en-dessous de laquelle l’artiste n’a pas à se mêler de politique. Quand par contre on entre dans des moments importants de l’histoire, on doit si on le peut aider les autres, ceux qui sont en difficulté. » Pas évident, du coup, d’amener le directeur musical de la Monnaie sur le terrain politique. On lui parle du caractère satirique du Coq d’or, qu’il dirige dès ce mardi à Bruxelles. Il embraie sur la tradition de la satire politique, très ancrée en France. « La satire est une de nos grandes richesses. Est-elle menacée aujourd’hui ? Il y a des menaces, mais il faut tout faire pour la préserver. La liberté de la satire et de la caricature est très importante. Après, on peut toujours se demander si on peut rire de tout, avec tout le monde... Dans ma vie privée, j’apporte beaucoup d’importance au respect des autres. À vouloir faire un bon mot, dans la satire, on peut parfois blesser. L’impertinence doit reposer sur une analyse pertinente. Mais à part ce bémol, oui, il faut bien sûr vraiment préserver la satire, qui est un contre-pouvoir essentiel. » Alain Altinoglu, révélé à l’âge de dix ans dans une émission télé que présentait... Patrick Sabatier, confesse ses préoccupations quant à l’avolution de la place de la culture. « Le niveau général ambiant s’est appauvri. Quand j’étais petit, il y avait Jacques Chancel, et parfois même chez Jacques Martin, le dimanche après-midi, un pianiste ou un violoniste invité à L’école des fans. Ce genre de choses ne se fait plus. Pourquoi ? Ca vient de l’éducation. La télé est aussi devenue mercantile, il faut absolument vendre de la pub... et la culture est moins vendeuse. Ceci dit, j’ai vu qu’à la Scala de Milan, ils ont diffusé il y a une semaine Turandot, de Puccini, et ils ont fait 2,5 millions de téléspectateurs, quand même. Alors... Je me souviendrai toujours, quand j’étais jeune et que j’habitais un HLM, avoir fait, un jour, monter chez moi trois copains... et je leur ai joué du Chopin. Eux qui ne connaissaient pas du tout de musique classique, ils étaient scotchés. L’impact de la musique classique sur des gens qui ne connaissent absolument rien est énorme. » Vivant en partie à Bruxelles, pour les besoins de son métier, Alain Altinoglu n’en reste pas moins intéressé par les remous de la vie politique française. Voit-il Marine Le Pen à l’Elysée ? « Il y a un an, je vous aurais dit non. Aujourd’hui, tout est possible. Faut-il avoir peur ? Oui et non. L’arrivée du FN serait une catastrophe pour la France mais les Français auront la capacité d’aller dans les rues, de manifester et de refuser l’extremisme au pays des droits de l homme. Je pense que jamais les Français ne se laisseront guider vers des choses trop extrêmes. Mes parents ont émigré en France parce que c’était le pays des droits de l’homme. Et on est des millions dans mon cas. » Ses parents, Arméniens, étaient en quelque sorte des migrants. « Je suis né en France et je me sens complètement Français. Mais chez moi, on parlait arménien, la cuisine était arménienne... Je n’ai appris le français qu’à la maternelle. » Ses origines arméniennes sont demeurées fortes. Et se marquent particulièrement quand nous l’invitons à parler des événements récents qui frappent la Turquie. Mais, nous dit-il, « il n’est peut-être pas bon que je m’exprime là-dessus, notamment sur le plan des droits de l’homme. Mes parents ont quitté la Turquie car au début des années 70, on n’était pas à l’aise d’être d’origine arménienne. Alors vous pensez... » Sur le si difficile accueil des migrants ? Le refus du secrétaire d’Etat Theo Francken d’accorder des visas à une famille syrienne d’Alep, malgré la décicion de justice le choque. « Philosophiquement, je pense qu’on doit toujours accueillir les gens qui sont en détresse. On ne peut pas laisser les gens dans des pays en guerre dans de telles conditions, c’est hallucinant. »

Votre compte

«Il faut tout faire pour préserver la satire»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Culture

Critique Avec «Tori et Lokita», les frères Dardenne bouleversent à nouveau Cannes

David Cronenberg au Festival de Cannes: «Tous mes films sont incroyablement intimes»

«Crimes of the Future», «Les passagers de la nuit», «Clara Sola»: les trois sorties cinéma à ne pas manquer cette semaine

Entretien Les frères Dardenne: «Si notre film pouvait faire réfléchir les décideurs au niveau européen…»

Le petit moment qui fait du bien: Figaro prend l’avion à l’aéroport de Berlin-Brandenbourg

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Fusillade aux États-Unis: le tireur avait annoncé son attaque sur Facebook

Fusillade dans une école primaire: les Etats-Unis malades de leurs armes

Vincent Kompany quitte officiellement Anderlecht, il devrait s’engager à Burnley

Guerre en Ukraine: la Commission veut mettre la main sur les avoirs «gelés» des oligarques russes

Entretien Les frères Dardenne: «Si notre film pouvait faire réfléchir les décideurs au niveau européen…»

L’AS Roma bat Feyenoord et s’offre la première édition de la Conference League (1-0, vidéo)

“Le gouvernement a grandement besoin de l’expertise des personnes handicapées”

« Nos collaborateurs sont des empereurs, les clients sont rois »

6 Belges sur 10 sont de plus en plus sensibles à la politique climatique de leur emploi

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel