Le cours de stratégie de Bruno Mégret au FN

Depuis huit ans, il a pris sa retraite politique. Et s’il reste président du MNR, le mouvement concurrent du FN qu’il avait fondé lors de la violente scission de 1998, il dit lui-même que cette structure est désormais en sommeil. Bruno Mégret n’a pourtant rien sacrifié des idées qu’il espérait déjà il y a quinze ans porter au pouvoir. Dans un roman d’anticipation, Le Temps du phénix, il imagine même ce que pourrait être une France dirigée par un président de son camp. Glaçant. Le pouvoir ? Bruno Mégret est le premier à l’avoir vraiment voulu au sein de l’extrême droite française. « Jean-Marie Le Pen disait : le pouvoir, Dieu m’en garde ! », se souvient-il, en chuchotant dans une brasserie parisienne où il a ses habitudes. En cherchant il y a plus de quinze ans à tuer « César », « Brutus », qui avait réussi à entraîner derrière lui de nombreux cadres du parti, n’était parvenu qu’à affaiblir temporairement la maison-mère. Le FN s’est reconstruit depuis et a même multiplié ses scores de façon vertigineuse. Marine Le Pen pourrait-elle réussir là où lui avait échoué ? « Il y a une similitude dans la démarche », explique Bruno Mégret. « Notre démarche aussi visait la dédiabolisation. Nous voulions mettre un terme aux provocations qui discréditaient nos idées. Mais il y avait aussi une différence importante. Aujourd’hui, le FN se dit ni de droite ni de gauche. Le parti dit que ce clivage n’existe plus. C’est idéologiquement faux. Il est vrai qu’il y a une même pensée unique à gauche et à droite. Mais il y a des points de vue qui restent de gauche et de droite. La droite, c’est l’enracinement, l’identité. La gauche, c’est l’internationalisme, l’universalisme ». Inutile de dire de quel côté il penche… Bruno Mégret fustige la dimension « social-socialisante » du FN actuel. À en croire l’ancien stratège du parti, si le Front national de Marine Le Pen connaît aujourd’hui de tels scores, ce n’est pas au talent de sa présidente qu’il le doit. C’est au contexte. Il cite « l’immigration galopante » et « une classe politique qui n’a jamais été aussi discréditée. » Il moque le slogan choisi par le parti de Marine Le Pen. « La France n’a pas besoin d’apaisement mais d’autorité ! Marine Le Pen est contre des accords avec le parti Les Républicains (LR). C’est une erreur. En politique, il faut toujours désigner son adversaire principal et pour moi, c’est la gauche socialiste. » [scald=2513665:sdl_editor_representation] Si elle ne ressemble qu’en partie à la démarche de Marine Le Pen, celle qu’avait entreprise à l’époque Bruno Mégret ressemble à s’y méprendre à celle tentée aujourd’hui par la petite fille de Jean-Marie Le Pen. « La stratégie de Marion-Maréchal-Le Pen peut en effet être comparée à celle de Bruno Mégret », analyse le politologue Joël Gombin, spécialiste de l’extrême droite. « À une différence près : Bruno Mégret allait plus vite en besogne. Le rapport de forces n’était pas pareil. Le FN n’était pas aussi haut. Mais Bruno Mégret était favorable à des alliances même si au sein de ces alliances le FN aurait été minoritaire. Ce qui n’est pas le cas de Marion Maréchal Le Pen aujourd’hui. Elle veut aborder les alliances en position de force » L’historien Nicolas Lebourg confirme que l’aspiration actuelle au pouvoir ressemble à celle que nourrissait l’extrême droite à la fin des années nonante. « Le FN d’aujourd’hui ressemble au FN de Bruno Mégret sans Mégret. À quelques distinctions près. En 1991, au congrès de Nice, Bruno Mégret pense que le FN peut prendre le pouvoir tout seul. Ensuite, il se rend compte qu’il n’y arrivera pas et met au point sa stratégie d’alliance avec la droite. C’est l’un des points qui les différencie. » L’historien en cite un autre : « Mégret était beaucoup moins dans l’ambiguïté que Marine Le Pen ne l’est aujourd’hui. Avec lui au moins, on savait qu’il venait du Club de l’Horloge et qu’il était obsédé par la défense de la race blanche ». Aujourd’hui, l’ancien numéro deux de Jean – Marie Le Pen explique toujours doctement que l’islam n’est pas compatible avec la république et susurre en buvant son thé qu’il veut faire sauter les carcans que représentent à ses yeux le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme. Un FN diabolique qui n’a plus rien à voir avec la formation aseptisée qu’on voudrait aujourd’hui nous présenter ? Voire. Comme Jean-Marie Le Pen, Bruno Mégret dit avoir gardé des liens avec le Front national d’aujourd’hui. Il dit maintenir le contact avec Steeve Briois et Nicolas Bay, notamment. Pas des seconds couteaux. L’un des vice-présidents et le secrétaire général du parti.

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