Le Front national à la recherche de ralliements

Au soir du deuxième tour des élections régionales, il y a tout juste un an, le sourire de Marine Le Pen est crispé sur les écrans de télé. « Les désistements mutuels ont révélé les liens jusqu’ici occultes de ceux qui partagent le pouvoir pour en jouir », grince la patronne du FN, masquant mal sa déception. Après un premier tour propulsant l’extrême droite à plus de 40 % dans plusieurs régions (dont le Nord et Paca), le Front ne décroche finalement aucun trophée. Entre les deux tours s’est produit ce qui, treize ans plus tôt, avait déjà conduit les électeurs de gauche à voter pour Jacques Chirac en 2002, histoire d’écarter à l’époque en masse Jean-Marie Le Pen. Le « barrage républicain » reste la hantise d’un FN qui peine à franchir la barre des 50 %. « Dans ma région, en Provence-Alpes Côte d’Azur (PACA), Christian Estrosi est passé ric-rac. Et maintenant les électeurs de gauche crient à la trahison. La prochaine fois, ils se mobiliseront peut-être moins pour ne pas être à nouveau cocufiés ! », dit Stéphane Ravier, le sénateur FN de Marseille. Dans le Nord, l’ancien ministre LR Xavier Bertrand l’avait emporté aussi grâce aux voix de la gauche. [scald=2513669:sdl_editor_representation] Le scénario va-t-il se reproduire à la prochaine présidentielle ? « On verra comment s’effectuera le report de voix des électeurs de gauche dans le contexte d’un Parti socialiste en déroute », explique l’historien Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême droite. « La présidentielle de 2017 ne ressemble vraiment à aucune autre ». Le FN veut malgré tout croire à ses chances de décrocher une majorité. « Entre les deux tours, de toute façon, à gauche et à droite, ils appelleront à voter les uns pour les autres », anticipe Florian Philippot, le bras droit de Marine Le Pen. « Mais la présidentielle, ce ne sera pas la même chose que les régionales », veut croire le vice-président du FN. « Aux régionales, on se prononce sur la gestion des lycées et des transports. La présidentielle, c’est un choix politique historique. Voudra-t-on d’une France libre ou soumise à Bruxelles ? Voudra-t-on d’une France laïque ou pas ? La présidentielle, c’est la rencontre d’un homme ou d’une femme et d’un peuple », dit-il en reprenant la formule de De Gaulle. Cet ancien chevènementiste connaît son général sur le bout des doigts. Dans son bureau trône une miniature de la DS de l’ancien président et plein d’autres gadgets qui rappellent l’homme de « La France libre ». [scald=2512503:sdl_editor_representation] [scald=2513680:sdl_editor_representation] Un désaccord stratégique Mais si Philippot nourrit de grandes ambitions, le FN est encore lesté d’un gros handicap. Il reste un parti isolé. « La grande question n’est pas tant celle du barrage républicain. Ce dont il s’agit, c’est de la stratégie explicite et consciente du FN de ne pas nouer des alliances », explique le politologue Joël Gombin (« Le Front national », éditions Eyrolles), spécialiste de l’extrême droite. « Il y a un désaccord stratégique entre la ligne Philippot et la ligne Marion Marechal-Le Pen. Philippot est dans une logique plus “révolutionnaire”. Il pense que le FN peut arriver au pouvoir, malgré le système électoral actuel, en étant majoritaire tout seul. Il veut substituer au clivage gauche/droite un clivage entre mondialistes et patriotes. Marion Maréchal Le Pen, se place au contraire dans une perspective plus réformiste. Elle pense qu’on ne changera pas le clivage gauche/droite dominant mais qu’il y a un coup à jouer en nouant une alliance avec la droite. Mais pour cela, elle veut d’abord arriver en position de force. Elle veut parvenir à la masse critique en amenant à elle De Villiers, Dupont-Aignan, etc. Elle pense qu’ensuite les ralliements suivront. Dans le Vaucluse, c’est ce à quoi elle s’emploie. Avec un certain succès d’ailleurs. » [scald=2513671:sdl_editor_representation] « Pour se marier, il faut être deux » Attirer à lui les déçus de tous bords ? Telle est la seule stratégie que poursuit le FN, qui refuse tout net de tenter de négocier avec les états-majors des partis traditionnels. « Pour se marier, il faut être deux. Or on ne sent pas cette envie », balaye David Rachline, le directeur de campagne de Marine Le Pen. Mais le sénateur maire de Fréjus est prêt à accueillir tous les déçus de la gauche et de la droite qui ne se reconnaîtraient plus dans leur formation. Chaque frontiste a semble-t-il déjà même visé sa cible. Florian Philippot cite un nom parmi d’autres : Henri Guaino, l’ancienne plume de Nicolas Sarkozy qui avait estimé lors de l’attentat de Nice que le pire aurait pu être évité si les policiers avaient été armés de lance-roquettes. « Ce serait un enrichissement ! » [scald=2513670:sdl_editor_representation] Voilà pourquoi tous les lieutenants de Marine Le Pen répètent qu’elle n’est pas la candidate du seul FN. « Son programme peut encore évoluer », ajoute même son directeur de campagne David Rachline. Le pari du Front : une fois la présidentielle gagnée, la dynamique serait telle que les ralliements viendraient autour de la gagnante et qu’elle n’aurait ensuite « aucune difficulté » à remporter les législatives qui suivraient. [scald=2513681:sdl_editor_representation] Aux yeux des spécialistes, le pari reste pourtant très hasardeux. En jouant sa partition personnelle, le FN va tenter de gonfler ses scores là où ils sont les plus faibles. « C’est le cas de la façade atlantique de la France. On verra si un accent particulier est mis sur l’Ouest dans les meetings de campagne », décode l’historien Nicolas Lebourg. Si Marine Le Pen n’arrive pas seule à décrocher la barre des 50 %, le Front national en restera à ce paradoxe : il pourra faire une percée historique, même « un raz-de-marée » dixit Nicolas Lebourg, et n’obtenir au second tour des législatives qu’à peine 10 députés sur 577. [scald=2513679:sdl_editor_representation]

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