«Noir Jaune Blues»: «La législation divine propose le meilleur modèle de société»

Il lit Le Monde diplomatique, cite Foucault et Chomsky à peu près toutes les dix minutes. Oumar1, 29 ans, termine un master en sciences politiques et poursuit des études de médecine. Simultanément. Bref, il a tout l’air d’un étudiant brillant… Un étudiant rêvant de vivre dans une société islamique, sous la charia. Oumar est né en Belgique, dans une famille d’immigrés marocains plutôt conservatrice. Pourtant, « à l’adolescence, j’étais dans une posture de contestation par rapport à l’islam », explique le jeune homme, qui a fréquenté des groupes anarchistes au début de ses études. Une longue réflexion (nourrie surtout de lectures occidentales d’ailleurs) sur la présence ou l’absence de dieu d’abord, sur la préséance de l’islam ensuite, l’a mené à une conclusion sans appel : si Dieu est parfait, le système qu’il a mis en place doit nécessairement être le meilleur pour les hommes. « Je ne comprends pas cette idée d’islam des lumières. Pour moi, c’est tout ou rien. » [scald=2548376:sdl_editor_representation] Selon son idéal, l’axe central d’une société islamique serait d’abord une redistribution des richesses sur une base beaucoup plus juste qu’aujourd’hui… Même s’il a conscience qu’à l’heure actuelle, c’est bien l’Etat providence des sociétés occidentales qui répond le mieux à ce projet et non les sociétés musulmanes contemporaines. Les jeux de hasard comme la spéculation et les intérêts seraient proscrits : « Cela me paraît aberrant d’accepter une société basée sur une économie qui n’est pas réelle ! » L’interdiction de l’alcool et de la prostitution apparaissent comme une évidence et la séparation du politique et du religieux n’a aucun sens. Certaines questions laissent pourtant Oumar plus perplexe. Dans cette société, toutes les femmes devraient-elles être voilées ? « Ça se discute… », concède Oumar. Quid des châtiments corporels ? Coupe-t-on la main des voleurs ? « Oui, répond sans hésitation le jeune homme, même si cela me choque moi-même de le dire. Mais en réalité, ces cas se présenteraient très peu. Par exemple, pour punir l’adultère, il faut quatre témoins qui auraient vu le coït de leurs yeux. Cela a donc davantage une valeur d’exemple. Je me suis beaucoup posé de questions sur la supposée barbarie d’une telle société. Mais il y a là un corps qui me paraît hypercohérent, face à un corps vide, celui des sociétés occidentales. » Alliance volontaire Problème : cette société islamique n’existe encore nulle part. L’Arabie saoudite ? L’Iran ? Autant de modèles islamiques dévoyés par le pouvoir exercé par les hommes, juge Oumar. Quid de Daesh ? Le jeune homme rejette ce modèle, même si pour lui, aller combattre Bachar el-Assad, éventuellement dans la perspective d’établir un califat faisait sens… Raison pour laquelle il est parti trois mois en Syrie en 2013, soit avant que Daesh ne proclame le califat. « Quand j’ai vu que tous les groupes se tapaient sur la figure, je suis rentré », explique rapidement Oumar, qui a évidemment été interrogé à son retour. Il se dit par contre opposé à toute attaque contre des civils. Pour lui, le modèle idéal d’une telle société est alliance volontaire entre musulmans désireux de vivre selon les préceptes de la charia. Pas question donc de l’imposer dans un pays non musulman comme la Belgique. Devant l’absence d’offre convaincante, Oumar poursuit ses études, et rêve de l’avènement d’une nouvelle société islamique, telle qu’elle est annoncée dans le Coran. « Je fonctionne selon un logiciel religieux, donc je crois que cette société adviendra, comme les marxistes croyaient en l’avènement d’une société sans classe. » (1) Prénom d’emprunt. [scald=2548375:sdl_editor_representation]

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