Didier Gosuin suite au dossier «Noir Jaune Blues»: «Nous, politiques, sommes en échec»

Il voulait réagir. Didier Gosuin (Défi), ministre bruxellois de l’Economie et de l’Emploi, a sollicité la rédaction du Soir, suite à la publication de l’enquête « Noir Jaune Blues ». Et il faut admettre qu’il est à peu près… le seul homme politique à l’avoir fait. Mis à part les quelques tweets le jour de la première publication et les réactions un peu « encouragées » par notre service politique, les mandataires politiques ne se sont pas pressés au portillon. Il est vrai que ce sondage les traitait avec assez peu d’égards. 63 % des Belges jugent que notre système politique est globalement en échec. Un Belge sur deux admet qu’il n’irait plus voter si le vote n’était plus obligatoire. Les responsables politiques crédités de 11 % de confiance… Réagir à ce sondage imposait donc pour un politique de balayer franchement devant sa porte. [scald=2554124:sdl_editor_representation] « Incontestablement nous avons une responsabilité, tranche d’emblée Didier Gosuin. Nous devons admettre aujourd’hui un gâchis de 20, 30 ans. Depuis le premier choc économique des années 70, on s’est illusionné sur notre maîtrise des outils économiques et financiers sans les remettre en cause. Aujourd’hui, devant la financiarisation débridée de notre société, nous devons l’admettre : nous sommes en échec. » « Je ne crois plus aux recettes d’austérité » Le ministre bruxellois de l’économie ne s’épargne pas : lui aussi, il y a cru ; lui aussi, il a participé à ce système. Avant une prise de conscience il y a une dizaine d’années. « Je ne crois plus aux recettes néolibérales d’austérité : elles mènent à l’impasse et ne font qu’augmenter les inégalités, qui mettent en péril notre système démocratique et la crédibilité même du politique. » Pour Didier Gosuin, le monde politique actuel continue de s’illusionner, « parce que la classe politique, comme tout citoyen, a peur du changement et préfère s’accrocher à cette idée qu’on va s’en sortir, que les choses s’amélioreront si on comprime encore un peu plus le budget de la Sécurité sociale. C’est faux ! Ce qui ne veut pas dire, comme le prétendent à l’inverse d’autres discours populistes, qu’il faut complètement ouvrir les vannes. » Au-delà du constat socio-économique, le ministre Défi s’inquiète également de « l’absence de force de cohésion » de notre société et le rejet de l’autre. Là encore, il pointe une classe politique qui banalise les discours de rejet, qui véhicule surtout l’idée que si on accueille des réfugiés, c’est surtout parce qu’on y est obligé : « Pourquoi le citoyen aurait-il une attitude plus humaniste que M. Francken, qui est quand même le représentant de tous les Belges ? », s’interroge-t-il. Didier Gosuin se revendique d’une société ouverte, d’une « société aux valeurs universelles », comme le porte son parti. Selon lui, il est indispensable, d’une part, de reconnaître les discriminations dont fait l’objet une certaine population étrangère, voire belge mais d’origine immigrée. Et, d’autre part, de promouvoir un socle de valeurs communes à inscrire dans la Constitution. Et d’être très clair là-dessus : faire passer les lois de l’islam au-dessus des lois belges, par exemple, comme l’admettent 29 % des musulmans, n’est pas admissible. Le ministre n’est donc pas tendre avec la classe politique… dont il fait partie. En charge des matières économiques et de l’emploi, il a fait de la lutte contre les discriminations une de ses priorités. Et plaide pour des mécanismes de contrôle indépendants des politiques mises en place : « Pour l’instant, c’est la guerre des communiqués. Tel gouvernement affirme qu’il a créé x milliers d’emplois. Six mois plus tard, un autre parti livre sa propre analyse. Le politique doit accepter de se soumettre à la rigueur de l’évaluation, comme le fait davantage le monde anglo-saxon. » Exemplarité du politique Didier Gosuin en appelle aussi à l’exemplarité du politique. Kazakhgate, Publifin… : autant d’affaires où la réaction politique est un peu faible, juge le ministre. « “Ils vont dire pardon”, “ils vont rembourser”… Non, pour moi, ces gens ne sont plus dignes d’être des représentants de la démocratie ! » Quid de la classe politique elle-même ? Doit-elle changer, se renouveler ? « Si on ne change pas la méthodologie, la pratique politique, changer les individus – tirer au sort, etc. – ne serait qu’un artifice. Je ne me fais pas d’illusions : cela sera très difficile pour le politique de se remettre en question. Ce dont nous avons besoin, c’est qu’un autre discours politique émerge. Pour l’instant, les seuls discours qui émergent sont ceux de l’extrême droite ou des populismes, de l’extrême gauche et de la droite extrême. Et soit on joue sur l’impuissance – ce n’est pas notre faute, c’est l’Europe – soit sur l’ambiguïté, sur les questions de migration surtout. Nous avons besoin d’un discours clair qui offre un récit politique plus enchanteur que celui qu’on propose aujourd’hui. » Le ministre Défi en appelle aussi au citoyen et salue les nombreuses initiatives de « renaissants », usant des catégories de l’enquête : « Notre société n’est pas morte ! Même s’il nécessite des changements, notre modèle démocratique apparaît encore comme le meilleur. Personnellement, je ne veux pas d’un petit Mussolini ici, ni de sociétés fracturées. J’appelle les citoyens, les gens raisonnables à s’emparer du débat politique ! »

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