Grosses tensions dans le monde théâtral

Au départ, le 16 janvier n’était qu’une date butoir dans un formulaire de l’administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pas n’importe quelle date puisqu’il s’agit de l’ultime limite pour rentrer une demande de contrat-programme dans le secteur des Arts de la scène. Ce qui permet de bénéficier de subsides durant cinq ans en répondant aux obligations fixées par le ministère. Mais cette date butoir est devenue un symbole pour tout un secteur qui ne sait plus trop sur quel pied danser. D’un côté, on se réjouit de voir enfin une remise à plat complète de l’attribution des subventions. De l’autre, on craint de multiples effets pervers. Dans les deux cas, on reconnaît volontiers que le système actuel n’est plus viable. Les contrats-programmes liant différents opérateurs culturels (théâtres, compagnie, associations…) à la Fédération Wallonie-Bruxelles étaient en effet renouvelés (ou non, mais c’était extrêmement rare) à la date anniversaire de la signature du contrat précédent. Ainsi, tandis que l’un se voyait reconduit le 7 janvier d’une année, l’autre pouvait l’être le 30 août de l’année suivante. Pas vraiment l’idéal pour avoir une vue claire de l’ensemble du secteur. Une longue attente Déjà à l’époque des États Généraux de la culture, lancés en 2004 par la ministre de la Culture Fadila Laanan, le problème était mis sur la table. Annoncée pour la dernière période du mandat de la ministre socialiste, cette révision globale des contrats-programmes n’avait finalement pas eu lieu. Lui succédant, Joëlle Milquet avait repris le flambeau dans le cadre de l’opération « Bouger Les Lignes ». On en était arrivé à l’idée d’une remise à plat générale amenant tous les nouveaux contrats-programmes à démarrer à la même date et selon des critères plus objectifs. La ministre ayant dû démissionner, c’est à Alda Greoli, qui lui a succédé, que revient la responsabilité de mener la réforme à son terme. Du côté positif, beaucoup espèrent que les subventions seront ainsi mieux réparties et permettront de mieux soutenir l’emploi artistique. Bon nombre de ceux (notamment parmi les compagnies) qui n’en ont jamais bénéficié jusqu’à aujourd’hui, espèrent pouvoir enfin avoir droit, eux aussi, à ces fameux contrats-programmes de cinq ans. Du côté négatif, certains craignent déjà un éparpillement encore plus grand des moyens financiers en raison d’un nombre nettement plus important de demandes. D’autres assurent que tout cela n’est que poudre aux yeux et que, comme toujours, les plus forts et les mieux (politiquement) soutenus, obtiendront la plus grosse part. Ces dernières semaines, à mesure qu’approchait la fameuse date du 16 janvier, la tension n’a cessé de monter, essentiellement dans le secteur du théâtre, traditionnellement le plus en vue et le plus revendicatif. Il faut toutefois rappeler que ce sont tous les Arts de la scène et leurs différentes subdivisions qui sont concernés. Soit, le théâtre avec art dramatique, théâtre-action et théâtre jeune public ; la danse ; les musiques avec musique classique et contemporaine ainsi que musiques non classiques (chanson, musique du monde et urbaines, chanson jeune public, pop, rock, jazz, blues, folk, traditionnel, musiques électroniques) ; les arts forains, du cirque et de la rue ; le secteur de l’interdisciplinaire et du conte. Question d’index Tandis que la tension montait, l’annonce par la ministre de subventions supplémentaires à diverses institutions de Charleroi et de Mons n’a fait qu’enflammer les esprits. La ministre a eu beau expliquer par la suite que ces augmentations seraient conditionnées à l’obtention des nouveaux contrats-programmes, le mal était fait, certains parlant de passe-droit et laissant entendre que cela montrait déjà que tout était joué d’avance. Par ailleurs, l’annonce par la ministre de l’augmentation de 3 % du budget général de la culture aurait dû calmer le secteur. Seul problème : le théâtre (et d’autres secteurs) ne bénéficie pas de cette augmentation que la ministre a choisi d’utiliser essentiellement pour l’éducation permanente et les centres culturels. Et l’indexation automatique des subsides n’ayant plus eu lieu ces dernières années (tandis que les coûts continuent à croître), quelques-uns ont vu rouge. Dont Michel Kacenelenbogen, directeur du théâtre le Public, qui appelait dès le 30 décembre à une manifestation ce lundi. Mercredi dernier, en réponse aux interpellations de parlementaires, Alda Greoli a précisé que le décret des Arts de la scène prévoit une indexation dès 2018. Et que, si des marges de manœuvre se dégagent, elle tentera de l’appliquer dès 2017. Quant aux réactions du secteur, elle affirmait : « Je n’ai pas encore reçu de demande d’entretien pour ce lundi, en marge de la probable manifestation. Si c’est le cas, je recevrai avec plaisir une délégation. » Depuis, les choses ont évolué. Vendredi, un communiqué annonçait que la CONPEAS (Concertation Permanente des Employeurs des Arts de la Scène), la CPEPAS (Chambre Patronale des Employeurs Permanents des Arts de la Scène), la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques), l’UAS (Union des Artistes du Spectacle) et l’ATPS (Association de Techniciens des Arts de la Scène) organisaient une conférence de presse au Théâtre du Parc ce lundi avant le rassemblement place Surlet de Chokier devant le cabinet de la ministre et du Ministre-Président, avant une rencontre avec la ministre. Une rencontre qui en suit beaucoup d’autres et qui ne devrait pas être la dernière puisqu’Alda Greoli a déjà confirmé qu’en marge de la procédure d’examen des dossiers (lire ci-contre), « nous continuerons à organiser des rencontres car c’est essentiel. » [scald=2555345:sdl_editor_representation]

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