Des preuves obtenues de manière irrégulière peuvent être utilisées par le fisc
La Cour de cassation élargit la jurisprudence pénale en matière de preuves « illégales » à l’administration fiscale. Ce qui ne plaît pas aux avocats fiscalistes ni au syndicat des indépendants SNI.


Le fisc belge peut à présent utiliser des preuves « irrégulières » contre un contribuable, a tranché la Cour de cassation. D’après son arrêt du 22 mai, le fisc a désormais le droit d’utiliser ces preuves quand un procès équitable s’avère possible.
La Cour a rendu cet arrêt suite à une affaire d’exemption de TVA opposant l’Etat belge à une entreprise anversoise. L’administration fiscale belge n’avait pas suivi les procédures légales pour obtenir des informations de leurs collègues portugais. Ce que contestaient les avocats de l’entreprise qui avait été amenée à payer une lourde amende pour non-paiement de la TVA, prétextant qu’elle avait été payée par sa filiale portugaise.
Cette décision, qui va faire jurisprudence, ne plaît pas aux avocats fiscalistes. « Il n’y aura plus de contestation possible, par exemple, dans le cas d’une liste volée, comme on l’a connu avec HSBC », estime l’avocat fiscaliste Hubert Dubois cité par l’agence Belga.
Une critique que réfute Damien Vandermeersch, avocat général à la Cour de cassation. « Il y aura toujours la possibilité de contester puisqu’il y a le critère du principe de bonne administration, du procès équitable et aussi le fait que la loi prévoit explicitement une sanction. L’arrêt du 22 mai parle bien de cas où la loi ne prévoit pas de sanction. Cela veut dire que l’administration ne peut pas se comporter comme des bandits ou des gens sans foi ni loi ».
Pour Damien Vandermeersch, « tout dépend de l’impact de l’irrégularité sur le droit protégé. Si la preuve est obtenue sous la torture, cela ne va pas évidemment. Ce qui compte, c’est la proportionnalité entre la gravité de l’infraction fiscale et l’irrégularité commise… Si l’administration est de mauvaise foi, cela reste évidemment un élément d’appréciation. En matière pénale aussi, si la police foule volontairement et en connaissance de cause la loi pénale et la met de côté, on dira que ça ne va pas ».
Toujours d’après Damien Vandermeersch, « c’est une première en matière fiscale, la jurisprudence Antigone étant déjà consacrée en matière pénale. Ici, on l’adapte en y ajoutant le critère du principe de bonne administration. On préfère parler de preuve irrégulière plutôt qu’illégale ».
Uniquement fiscal ? « Non, dans tout ce qui pourrait conduire à des sanctions administratives, poursuit Damien Vandermeersch. En matière sociale, environnementale et autres sanctions administratives au sens large. Pour des matières civiles entre citoyens, c’est tout autre chose ».
Pour le Syndicat neutre des indépendants, « l’usage de preuves obtenues illégalement est inacceptable dans un Etat de droit ». « La porte est ouverte à l’arbitraire du fisc tout puissant », estime Christine Mattheeuws, présidente du SNI qui demande au ministre des Finances d’appliquer au plus vite l’accord de gouvernement dans ce domaine. Dans cet accord, il est mentionné que le système fiscal doit apporter aux entreprises la sécurité juridique et que les droits fondamentaux du contribuable doivent être préservés.
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