Les visiteurs de prison cherchent des musulmans

Auditionnée en commission « attentats » il y a peu, Solange Pourveur est ancienne présidente de la commission de surveillance de la prison de Lantin. Elle fait également partie du groupe des « Visiteurs de prison » et plaide pour que les contacts entre les membres de l’association et les détenus radicalisés soient facilités. Ceux qui y sont enfermés donneraient tout pour sortir. Les visiteurs de prison, eux, demandent régulièrement à y entrer. Ils sont aujourd’hui plus de 200, pour l’ensemble de la Belgique, à rendre régulièrement visite à ceux qui ont été mis au ban de la société. Des accidentés de la vie, des repentis mais aussi des violents, des prédateurs, des manipulateurs et, de plus en plus, des radicalisés. Bénévoles depuis de longues années, Claire Capron, fondatrice des Visiteurs francophones de prison, et Solange Pourveur, présidente actuelle de l’ASBL, ne cachent pas que, face à ces personnes qui évoluent dans un univers forcément austère et violent, il arrive que les visiteurs de prison se sentent désemparés. Et que n’étant ni psychologues, ni assistants sociaux, ni représentants de culte, ni avocat, ni membre de la famille, ils peinent parfois à trouver leur place. Et le ton juste pour s’adresser aux condamnés. Tête froide, cœur ouvert « Psychologiquement, un visiteur de prison doit se montrer fort pour pouvoir aider les détenus mais aussi pour se préserver soi-même. Il est impératif qu’il soit bien dans sa tête et qu’il sache exactement ce qui le pousse à faire ça, expliquent les deux bénévoles. Car nous sommes convaincues que les associations de bénévoles comme la nôtre peuvent faire de grandes choses à un moment où l’humanité peut être en difficulté ». Raison pour laquelle 25 bénévoles du réseau ont bénéficié l’an dernier d’une formation en « Communication et gestion difficile » avec le soutien du Fonds Contigo, géré par la Fondation Roi Baudouin. « L’objectif était de fixer certaines balises, de repréciser le rôle du visiteur mais aussi de nous demander comment les détenus peuvent nous percevoir. La première rencontre, le premier regard, par exemple, sont très importants. Car, par la suite, on va passer des heures et des heures à les écouter. Et que nous ne pouvons tout de même pas nous laisser manipuler non plus. Il faut garder la tête froide et le cœur ouvert ». Il est rare, confient par ailleurs Claire Capron et Solange Pourveur, que le bénévole continue à entretenir des contacts avec le détenu après sa sortie de prison. Grader ses distances, c’est aussi rester discret sur sa vie privée et sur ses données personnelles. Peur de ne pas trouver les mots S’ils apportent une écoute à ceux qui le souhaitent et tentent de les guider vers le chemin de la réinsertion plutôt que celui de la récidive, les visiteurs de prisons sont aujourd’hui confrontés à un phénomène inédit qu’ils voient grandir avec inquiétude : le radicalisme. En effet, s’ils amènent généralement les détenus sur le terrain de la communication non violente et de l’expression de leurs émotions ou de leur colère, méthode qui permet à nombre d’entre eux de canaliser leur agressivité, ils n’ont pas l’habitude d’être confrontés à des prisonniers qui leur parlent de ceintures d’explosif et de paradis pour martyrs. « Les détenus qui arrivent radicalisés en prison sont souvent très isolés car ils ont été rejetés par leur famille, surtout le père. Seule la mère se présente encore au parloir », illustrent les deux visiteuses. Et puis, il y a ceux qui se radicalisent en prison et qui se confient à elles. Pour leur faire part de leurs convictions, voire de leurs projets terroristes une fois qu’ils seront dehors. Mais aussi de leurs doutes, de leurs craintes de se retrouver à nouveau isolé dans un milieu carcéral qui ne fait pas de cadeau aux faibles. Ou encore des représailles s’ils se détournent de ce « groupe » qui les avaient innocemment invités pour la prière et qui aujourd’hui attend d’eux qu’ils prennent les armes (lire les témoignages ci-contre). « Moi, le dis honnêtement, j’ai peur. J’ai peur et je ne sais pas très bien quoi leur dire à ces gens ». Certains visiteurs de prison ont établi des contacts avec des imams ou des professeurs de religion mais, soulignent Claire Capron et Solange Pourveur, les bénévoles de confession musulmane ou d’origine maghrébine sont les bienvenus au sein de l’ASBL. Ils pourraient, estiment-elles, aider les membres à trouver les mots justes. « Je me fais sauter. Comme ça, je tomberai martyr » Claire Capron visite essentiellement des prisonniers détenus à Forest et Saint-Gilles. Elle dresse le portrait de trois détenus confrontés à la radicalisation. 1. Pour la Palestine. « Partout, les Palestiniens sont traités comme des bêtes, lui a un jour lancé un détenu. Dès que je rentre au pays, je choisis un endroit et je me fais sauter. Comme ça, je tomberai martyr ». 2. « J’ai un groupe ». Il est né en Ethiopie mais a passé une partie de son enfance en Allemagne. A 7 ans, il est abandonné par son père. Il fugue de l’orphelinat et arrive seul à Bruxelles. En prison, il a été approché par d’autres détenus qui lui ont proposé de devenir l’un des leurs. Lui qui n’avait personne. « J’ai trouvé un groupe », disait-il à la visiteuse. Avec eux, il faisait la prière, le ramadan. Puis, un jour, ils lui ont dit qu’à sa sortie, ils lui donneraient des armes. « Ce n’est pas mon choix mais s’ils m’attendent dehors ? ». 3. « Ils vont penser que je suis radicalisé ». « Ma famille est bien connue dans le quartier. Je suis croyant mais pas pratiquant, confiait un jeune d’une vingtaine d’années à un imam. Quand je sortirai de prison, tout le monde pensera que j’ai été radicalisé ».

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