Cela s’est passé un 27 janvier : «Princesse Marie-José, reine éphémère»

(article paru le 29 janvier 2001) Elle fit sa dernière apparition publique chez nous sur le petit écran: Marie-José, soeur de Léopold III et du prince Charles fit l'objet, l'an dernier, d'un portrait du magazine «Histories» de la VRT dont il ressortit que son existence, toute princière et royale qu'elle fût, n'avait pas été épargnée par le malheur. Tant dans sa vie publique que privée. Mais elle avait conservé une certaine joie de vivre, l'ironie subtile des Saxe-Cobourg et une passion sans mesure pour les arts. Marie-José, princesse de Belgique, était née à Ostende, le 4 août 1906. Dernier enfant d'Albert Ier et d'Elisabeth, elle unit sa destinée à celle d'Umberto de Piémont, très éphémère roi d'Italie, du 9 mai au 2 juin 1946. Quatre enfants naquirent de ce mariage: Maria-Pia (1934), Victor-Emmanuel (1937), Marie-Gabrielle (1940) et Marie-Béatrice (1943). Très proche de son frère Charles dont elle partageait l'espièglerie, Marie-José vit l'Italie entrer très tôt dans sa vie: en 1916, ses parents la confièrent à une célèbre pension pour jeunes filles de Florence. A l'époque, son chemin croisa celui de son futur mari à Padoue! Elle se retira en Suisse et écrivit l'Histoire après n'avoir pu l'infléchir Dès 1922, l'on signala la présence d'Umberto à Anvers... mais les fiançailles n'eurent lieu qu'en 1929. Un professeur d'histoire de l'art aurait négocié le mariage entre les Saxe-Cobourg et les Savoie. Mais cette version prosaïque se double d'une autre, plus souriante, qui eut pour cadre le château de Losange, l'actuelle résidence des parents de la princesse Mathilde! Ce château bastognard aurait reçu à plusieurs reprises la visite d'Umberto, voyageant incognito sous le nom du comte de Saint-Maurice. Comme Philippe avec Mathilde, il y aurait souvent accompagné Marie-José dans les bois... Moins romantique: le pouvoir italien appartenait depuis 1922 à Mussolini et le 24 octobre 1929, à Bruxelles, le fiancé échappa à un attentat perpétré alors qu'il rendait hommage au Soldat inconnu. Un jeune socialiste italien, Fernando De Rosa, 21 ans, tira sur lui un coup de revolver «dédié à tous les amis de Mussolini». De Rosa fut défendu aux assises du Brabant par Mes Bock, Soudan et un jeune avocat nommé Paul-Henri Spaak. L'accusé fut condamné à cinq ans de prison et grâcié après deux ans par Albert Ier, beau-père de sa cible. La presse italienne parla du «régime belge social-maçonnique» et rappela 1915 quand «l'entrée en guerre de l'Italie nous évita d'être encore provinces allemandes». Selon l'historien Georges-Henri Dumont, Marie-José (dont le mariage fut célébré le 8 janvier 1930 à Rome par le cardinal Maffi, archevêque de Pise dans un pays dominé par le fascisme) serait entrée très vite en lutte avec le régime italien. Ce qui ne l'empêcha pas de s'engager comme infirmière pendant la campagne d'Ethiopie en 1936. Mais Mussolini se méfiait cependant d'elle, la faisant même mettre sous surveillance. Des historiens italiens affirment même que des membres de la famille royale italienne, la princesse fut la première à mener une réelle action antifasciste. Mais en 1940, elle fut aussi à la base des contacts entre Hitler et Léopold III. Elle alla rencontrer Hitler à Berchtesgaden le 17 octobre 1940 et d'aucuns allaient plus tard lui faire grief aussi de son affiliation au parti fasciste (en tant qu'infirmière, par Mussolini, pour la compromettre, selon Jo Gérard), d'une photo controversée avec des officiers allemands sur les ruines du fort belge d'Eben-Emael et de la fréquentation de réunions de détente d'aviateurs du Duce renforçant la Luftwaffe pour bombarder Londres. En juillet 1943, le débarquement des alliés en Sicile précipita le déclin de la monarchie italienne. Marie-José proposa vainement à son beau-père d'instaurer une régence pendant la minorité de Victor-Emmanuel IV. Lorsque Victor-Emmanuel III abdiqua le 9 mai 1946, Umberto n'occupa le trône que pendant 25 jours, la monarchie étant balayée par le référendum du 2 juin 1946 qui opta pour la République (12,7 millions de voix contre 10,7). Le roi déchu se retira au Portugal alors que Marie-José s'installait en Suisse au château de Merlinge où elle écrivit l'histoire après l'avoir faite et subie. Rétablie de troubles graves de la vue, elle se partagea entre l'écriture - ce qui lui valut des lauriers académiques français et la rosette de la Légion d'honneur - et la musique. Ecrivaine, elle se fit historiographe de la maison de Savoie et consacra à ses parents un livre qui vient d'être réédité (1). Veuve depuis 1983, Marie-José resta très proche de sa mère, Elisabeth. Elle avait choqué les esprits réactionnaires en l'accompagnant en 1960, dans un voyage à l'époque hardi, découvrant l'URSS et la Chine. Son non-conformisme se manifesta aussi dans sa résidence mexicaine de Cuernacava. Y trônait, en effet, un immense tableau représentant le... révolutionnaire Zapata. Elle expliqua qu'il méritait le respect: il a eu le courage de mourir pour les valeurs auxquelles il croyait, la terre et la liberté... (1) «Albert et Elisabeth de Belgique, mes parents», Le Cri, 1999. Elle aimait l'art contemporain Depuis une trentaine d'années, le chanoine Joseph Moerman partageait l'amitié de la reine Marie-José à Genève, davantage dans le rôle du confident que comme un aumônier privé. Dimanche matin, entre la célébration de deux offices, cet ecclésiastique belge fut dès lors particulièrement surpris et ému lorsque nous lui avons appris la nouvelle de son décès après sa brève hospitalisation. Avec trois autres compatriotes de Genève, nous lui avions encore rendu visite à l'occasion de la nouvelle année et rien ne nous permettait de croire que ce serait la dernière , explique notre interlocuteur. Comme à l'accoutumée, nous avions pris le thé sur fond de discussions animées sur l'art. Malgré son grand âge, la reine nous semblait encore en bonne forme. Notre interlocuteur retiendra de la défunte qu'elle s'était pliée sans réserves à la décision du peuple italien qui avait opté pour la République en 1946. Elle faisait preuve d'une très grande indulgence à ce sujet... Le chanoine se souvient aussi qu'elle avait accueilli avec beaucoup de sympathie son propre projet de lancer une année internationale de l'enfant: La première réunion se fit chez elle avec, notamment, le ministre Maurice Schuman qui n'eut aucune peine à la convaincre. Elle manifestait aussi une très grande ouverture d'esprit à l'art contemporain, ne comprenant guère pourquoi certains étaient tellement réticents à son égard. Dans cette optique, elle était encore très jeune d'esprit... Sa résidence de Merlinge reçut aussi souvent la visite de membres de la famille royale belge. Je me souviens surtout des passages de Baudouin et de Fabiola mais lors de sa visite en Suisse, en novembre dernier, le roi Albert II avait insisté pour qu'on le tienne davantage au courant de la santé de sa parente.

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