Le Pacte d’excellence : la première urgence francophone et une chance historique
La carte blanche de Joëlle Milquet sur le Pacte d’excellence.

Le Pacte d’excellence : la première urgence francophone et une chance historique à saisir pour chaque élève, enseignant, directeur ou parent
- Qui donc, en Belgique francophone, peut prétendre, au regard des chiffres nationaux et de l’OCDE, que notre enseignement est suffisamment égalitaire et efficace, suffisamment adapté aux nouveaux défis du 21ème siècle ? Qui donc parmi tous les représentants des acteurs de l’enseignement (syndicats, pouvoirs organisateurs, parents) n’ont pas demandé, voire exigé, avant la formation du gouvernement une « refondation de l’école », une réforme, voire pour certains, une révolution ambitieuse de l’école ? Qui estime qu’il est normal que notre taux de redoublement soit un des plus élevés de l’OCDE ? Quel est l’enseignant qui ne voit pas à quel point son métier évolue et qui ne demande pas d’être mieux soutenu, formé, valorisé, responsabilisé avec plus d’autonomie pédagogique ? Qui estime que notre enseignement qualifiant est suffisamment performant et que ses options sont toutes adaptées à la rapidité des changements des secteurs professionnels ?
- C’est pour ces raisons que ce fut dans un consensus collectif positif et volontaire, tant de la société civile et politique, que des acteurs de l’enseignement que le Pacte d’excellence, que j’ai préparé, initié et nourri avec eux, est né. Il s’est développé par la suite, après le passage de flambeau à Marie-Martine Schyns, dont je soutiens vivement l’action et qui poursuit cet élan indispensable. C’est également dans ce consensus collectif de tous les représentants des acteurs de l’enseignement, syndicats y compris, que les constats et diagnostics ont été posés et partagés, que les options et contenus prioritaires ont été choisis, et qu’enfin, le projet de texte actuel a été décidé, après un large processus participatif impliquant des milliers d’acteurs de terrain, de débats, contributions, forums, etc.
- Ce texte accepté et défendu par tous les acteurs et qui vient d’être soumis aux instances est un texte de plus de 300 pages, porteur d’une vision forte, d’orientations claires en vue d’une réforme systémique et globale audacieuse de l’ensemble des aspects de notre enseignement. Il s’agit avant tout, non d’une Xième réforme, mais d’une démarche transversale de renforcement ambitieux de la qualité de l’enseignement pour chaque élève et acteur de l’enseignement :
- Pour chacun des élèves qui constituent, ne l’oublions jamais, la première priorité d’une politique d’enseignement, il s’agit en effet du renforcement de la qualité d’un accompagnement plus personnalisé, des parcours plus cohérents, harmonisés et mieux orientés en vue de leur permettre de mieux réussir, sans diminution des exigences ni nivellement par le bas et ce, dans le cadre d’une meilleure équité entre élèves. Il s’agit aussi du renforcement de la qualité des savoirs, compétences et valeurs, mieux adaptés en outre aux besoins de la société du 21ème siècle acquis par chaque élève de 3 à 18 ans avec un accent historique mis enfin notamment sur l’enseignement maternel ;
- Pour chacun des acteurs de l’enseignement dont les enseignants, autre priorité du Pacte, il s’agit d’un renforcement important de la qualité de la formation initiale et continuée, de la qualité du soutien et de l’accompagnement, mais aussi et surtout du renforcement de leur valorisation et de leur autonomie pédagogique allant de pair avec une responsabilisation plus motivante et efficace permettant notamment une meilleure diversité et adéquation des modes d’apprentissage et une meilleure diversité et souplesse de leurs fonctions ;
- Pour chaque école, il s’agit du renforcement d’une dynamique collective librement choisie par ses acteurs dans le cadre de la définition, par établissement, d’un plan de pilotage et d’objectifs plus précis englobant l’ensemble des aspects de la politique scolaire et d’une évaluation permettant une meilleure garantie de l’efficacité de l’enseignement dispensé.
Qui ne partage pas ces objectifs indispensables ?
- Nous sommes, par ailleurs, dans un processus évolutif. Le projet de texte actuel (l’avis n°3) n’a jamais eu pour ambition de comprendre à ce stade les plans d’actions précis qui devront être définis dans les mois qui viennent avec les acteurs après avoir avalisé le cadre de base. Il ne peut dès lors lui être reproché d’être « flou » ou de laisser des « zones d’ombre » dans les modalités d’exécution car ces dernières doivent être décidées de manière participative et précise après l’adoption de la vision de base.
- Peut-on subitement craindre des pertes d’emplois que les représentants syndicaux ne craignaient pourtant pas il y a quelques mois en acceptant le texte ? Non ! Vu l’augmentation démographique, il y aura plus d’emplois pour l’école demain. En outre, de nouveaux métiers de l’école plus diversifiés vont voir le jour et créer de nouveaux besoins : conseillers pédagogiques, soutien à la gestion pédagogique dans le cadre d’un leadership enfin distribué dans l’école, tutorat pour enseignants débutants, responsabilité pour les relations avec les partenaires de l’école, les stages en entreprises, responsabilité pour la stratégie culturelle de l’école, offre de formation, etc. Il y aura également de nouveaux besoins en matière de tronc commun polytechnique, de remédiation. L’ensemble de ces éléments, alliés au maintien des règles en matière de nomination et mise en disponibilité, démontrent combien les éventuels professeurs nommés qui seraient confrontés notamment aux fermetures d’options qualifiantes devenues obsolètes pourront être formés ou réorientés vers de nouvelles fonctions clés, sans perte d’emploi ou de statut selon des modalités à discuter certes avec les syndicats.
- Les enseignants doivent-ils craindre une dégradation de leurs conditions de travail ou de salaires ? Non ! Voilà justement un Pacte qui mise avant tout sur eux, qui veut revaloriser leur autonomie, mieux les respecter, leur donner plus de liberté d’action, plus et mieux de formation de qualité, comme ils le demandent, qui les incite enfin à travailler de manière collaborative, ce qui non seulement constitue une aide précieuse pour eux mais casse également un certain isolement et augmente les performances des élèves. Voilà un Pacte qui renforce l’accueil, l’accompagnement et la stabilisation des nouveaux enseignants, qui redéfinit enfin la charge de l’enseignement avec plus de souplesse comme demandé, moins d’heures face à la classe notamment pour les professeurs de pratiques professionnelles, une meilleure prise en compte des prestations de formations, de services à l’école, de préparation. Voilà un Pacte qui va enfin, avec la réforme de la formation continuée et initiale et de nouveaux soutiens et encadrement pédagogiques et numériques, réinvestir dans le capital humain de ceux qui exercent une des professions les plus indispensables et les plus belles de notre société : enseigner, éduquer, faire grandir, transmettre des valeurs.
- Alors, bien sûr face à tant d’ambitions et d’axes de changements indispensables, certaines peurs peuvent se comprendre, des demandes d’explications et d’informations complémentaires sont nécessaires, des clarifications et précisions peuvent être données, un processus participatif plus large encore peut être organisé notamment pour les plans d’action et l’opérationnalisation. Certes, il est possible et souhaitable de préciser voire adapter et améliorer le cadre de financement. Certes, le financement doit être mieux ciblé, optimalisé vers les priorités du Pacte. Mais ne nous trompons pas de combat ! Les réformes dont nous avons avant tout besoin sont plus qualitatives et peu onéreuses que quantitatives et chères. Le problème prioritaire de notre enseignement, en général mieux financé que dans les autres pays de l’OCDE, n’est pas son besoin massif de refinancement notamment après le renforcement de plus d’un milliard dont il a bénéficié depuis les réformes de la Saint-Boniface et à Saint-Polycarpe, et j’en sais quelque chose pour l’avoir activement négocié.
J’en appelle aujourd’hui à la responsabilisation de chacun de ceux qui sont parties prenantes dans ce processus majeur depuis son lancement et que je remercie par ailleurs pour la qualité et l’ambition du travail accompli.
Nous vivons un momentum et une démarche d’envergure historique attendue par tous depuis longtemps tant dans son ampleur, sa méthode, ses objectifs que son processus participatif. C’est une chance que nous ne pouvons ne pas saisir !
Si je comprends les craintes d’une « base » qui est informée pour la première fois de certaines réformes et reçoit hélas parfois de multiples désinformations telles que notamment l’idée fausse selon laquelle le redoublement serait interdit alors que seul l’objectif d’une diminution de 50% de ce taux est prévue, si le texte issu pourtant d’un accord entre tous les acteurs est évidemment perfectible et ouvert sans remise en cause de l’essentiel, si les réformes seront bien négociées de manière participative, je ne peux conclure qu’en disant qu’échouer n’est pas une option ni arrêter et encore moins revenir en arrière !
Par contre, continuer à avancer ensemble avec courage, enthousiasme, sens du compromis, écoute mutuelle, dépassement des jeux et pratiques classiques entre acteurs, refus des surenchères excessives et ambition collective pour l’école est le seul chemin à prendre.
Bernanos a écrit « Toute espérance est un risque ».
Alors, prenons le ce risque sans hésiter ! L’avenir de nos enfants le mérite bien !
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La seule et unique manière de réussir un Pacte est de construire sur le terrain avec les acteurs de terrain l'école de demain ... et pas uniquement avec leurs "représentants" ... Ces acteurs de terrain : enseignants, directions , parents , enfants/jeunes / élèves doivent être les premiers acteurs de ce processus à long terme d'une refondation indispensable de notre système éducatif.... or ces acteurs sont "échaudés " (le mot est faible) par 37 années de communautarisation de l'enseignement passant du rénové au décret Missions avec un détour par le contrat pour l’École. Ils attendent les premiers de pacification des responsables politiques : titres et fonctions, socles de compétences, décret inscription, job clair du ministre qui cumule les fonctions de régulateur et opérateur PO d’écoles .... A noter aussi que le système finlandais s'est réformé très progressivement. La réforme a débuté dans le Nord du Pays et s'est étendue de proche en proche avec les acteurs de terrain pour terminer à Helsinki avec l'adhésion des gens de terrain qui ont été responsabilisés concrètement .... l'administration /inspection/ contrôles gratuité et autres joyeusetés se réduisant au strict nécessaire
le tronc commun est déjà en application : il suffit d'observer la chute de population scolaire en 3 TQ dans les écoles (conséquences du ceb "grandement" réussi, de délibés suivant les ce1d nettement "favorables" et le passage automatique de 1° en 2°....) et la grande difficulté de gérer des classes avec des élèves qui n'ont pas les bases essentielles à la compréhension efficace des programmes des cours où ils se trouvent ... 4 ans de formation pour les instituteurs et régents ....cela ne servira à "presque " rien ....il vaudrait mieux se pencher sur les 3 ans actuels et les perfectionner ( ..plus économique. )...! pour rappel :certaines catégories de profs sont déjà en voie de disparition ce n'est pas la formation de 4 ans qui en fera réapparaître ni en quantité suffisante , ni en qualité suffisante .... A méditer aussi : 1/quand on voit le fiasco dans la modification des cours de religion/morale , on peut craindre le pire pour la modification de nombreux cours dans un tronc commun futuriste ....2/ les syndicats étaient présents à la rédaction du pacte ; la base syndicale a rejeté nettement le fruit de ce travail .....d'où la question : la méthodologie de ce travail et la méthode de concertation démocratique dans ce groupe central étaient-elles efficaces ? Si la réponse est "non" , ce n'est pas rassurant pour l'Ecole , lieu de pédagogie et démocratie.. .entre autres ....
Quand j'entends aujourd'hui le plaidoyer de certains en faveur de classes plus petites, c'est toujours la petite ritournelle des années quatre-vingt qui repasse en boucle: "Plus nos moyens sont petits, plus vos petits seront moyens"! Aucun rapport, mais c'est syndicalement vintage