Damien Marcq: «On sous-estime Charleroi»

Il fait désormais partie des meubles. Damien Marcq (28 ans) en est à sa quatrième saison à Charleroi et commence à saisir toutes les particularités carolos. On l’emmène en plein dans le chantier du centre-ville, non loin du nouveau pôle culturel. « Je suis un solitaire. Ma femme ne comprend pas, mais cela ne me dérange pas, par exemple, d’aller au cinéma tout seul. Je compte d’ailleurs aller très vite au Quai 10 (NDLR : le nouveau cinéma d’art et d’essai de Charleroi). » Comme cadre, on opte pour le restaurant « Papilles et pupilles » qui a fait le pari, récemment, d’investir un endroit en pleine mutation. Pendant deux heures, le médian français, qui deviendra papa en avril, va se livrer, abordant les playoffs, ses espoirs déçus, son regard sur le monde du football et ses aspirations. Est-ce que cela vous étonne que Charleroi se batte pour les playoffs ? Non, la ligne de conduite du club et du coach est claire. Elle va crescendo. On a envie de refaire les playoffs. On est un bon collectif, sans doute pas la meilleure équipe du championnat, individuellement moins fort que le Standard, Genk ou Anderlecht mais on est là. Quand vous avez vu tous vos concurrents se renforcer cet été et, de votre côté, perdre Ndongala et Perbet, y croyiez-vous ? Quand on voit ces départs, on se dit que ça va être compliqué, mais, au final, on s’en sort toujours. En vivant à l’intérieur du groupe, on voit certaines choses que vous ne voyez pas. Prenons le cas de Pollet : il avait eu une saison compliquée parce que Perbet marquait beaucoup de buts. David marche au mental. S’il a devant lui quelqu’un qui met des buts, petit à petit, on peut le perdre. Cette année, le coach lui a refait confiance et ça lui a redonné un coup de boost au moral. In fine, pensez-vous que les gens croient que vous allez être dans les playoffs ? Non. Les journalistes ont tendance à voir les noyaux et à se dire qu’au final, Genk et Gand y seront et que Charleroi passera à la trappe. Mais, à part trois journées, on a toujours fait partie du top-6 et, sur la durée, je pense qu’on mérite d’y être. Même si la finalité, c’est d’y être au bout de la 30e journée. On nous sous-estime un peu. Certains joueurs de notre effectif, comme Martos, Marinos, Baby ou Diandy ont tendance à être sous-cotés. On n’en parle pas beaucoup dans les médias, mais prenez le cas de Marinos : depuis qu’il est revenu de blessure, il donne du fil à retordre à Felice Mazzù qui doit choisir entre lui et Mata, l’homme du début de saison. Autres exemples : Dessoleil, Willems ou Hendrickx qui ont beaucoup progressé. Pourquoi vous sous-estime-t-on ? Car, on joue à Charleroi. De prime abord, on a tendance à penser qu’un joueur de Charleroi n’est pas un top joueur. Mais, même si on se sent mal-aimé, à nous de montrer qu’on est capable de passer outre. Cependant, le regard des autres formations sur le Sporting change. Elles ont désormais peur du déplacement au Mambourg. Comment décririez-vous le style Mazzù ? Atypique. Je pense qu’il n’y a pas deux entraîneurs comme lui. C’est le seul qui prend le mégaphone à la fin du match pour aller chanter une chanson paillarde. Dans sa façon de fonctionner, il essaye de ne laisser personne sur le côté, de garder tout le monde concerné. Il colle à l’image du club : simple, abordable. Les supporters ont besoin de ce type de coach qui partage avec eux. On vous avait prédit une autre carrière lorsque vous avez percé très jeune à Boulogne. Et pourtant, quelques années plus tard, vous êtes en Belgique. Pourquoi ? A Boulogne, j’avais fait quelque chose de très intéressant. Par après, je n’ai pas réussi à confirmer. Cette valeur marchande (NDLR : il avait été transféré de Boulogne à Caen pour 2,5 millions d’euros) a peut-être pesé sur mes épaules. Je n’aurais sans doute pas dû partir en prêt à Dijon. Je ne regrette rien, mais, si c’était à refaire, j’agirais différemment. Si j’avais fait d’autres choix à certains moments, j’aurais réalisé une carrière plus intéressante que des descentes avec Dijon et Sedan… … et un transfert en Belgique… Bizarrement, si on me demandait de retourner en France, je ne le ferais pas. Sauf s’il s’agissait de jouer pour le PSG et de gagner 800.000 euros par an. Je n’ai plus envie de jouer le maintien. Je préfère rester en Belgique, un championnat peut-être moins coté, mais où je prends du plaisir. A vos débuts, est-ce que vous vous êtes cru top beau ? Totalement ! A Caen, je me suis dit que j’y étais, qu’une fois dans le circuit, il ne pouvait plus rien m’arriver. On ne peut même pas mettre en cause mon entourage. Mes parents ont toujours galéré (NDLR : son père travaillait dans un magasin de poisson et sa mère était assistante maternelle), on n’a jamais roulé sur l’or. Je me suis donc monté la tête tout seul. Je ne me remettais pas assez en question. Avec l’âge, même quand je réalise de bonnes prestations, je ne suis pas satisfait. J’aurais dû avoir cette mentalité-là à 21 ans. Après la relégation avec Sedan, j’ai demandé à mon agent quelles offres s’offraient à moi et il m’a répondu : “On n’a plus rien en L1 et L2”. Il y avait Amiens, en National. Plus belle cathédrale de France ! Oui, c’est vrai. Mais ça me fait une belle jambe comme joueur de foot (il rit). Comme prêtre, j’aurais accepté (il rit). De plus, Boulogne était en National et il était hors de question de me rendre dans le stade de mon éclosion avec le maillot d’un autre club. Si j’avais voulu, j’aurais pu retourner à Boulogne, mais, à 24 ans, je l’aurais vécu comme un échec. Finalement, j’ai opté pour Charleroi. En Belgique, j’ai été impressionné par le niveau de certaines équipes. Moi qui aime le championnat anglais et espagnol, j’ai eu l’impression d’avoir un peu des deux, avec des moments où tu as la possibilité de jouer au foot, et d’autres où tu dois aller au charbon. Rêvez-vous encore d’un plus grand club ? Comme j’ai prolongé mon contrat, cela signifie que je ne suis pas contre le fait de poursuivre l’aventure. Mais il ne faut pas se mentir : je suis arrivé à 24 ans et j’espérais accrocher un top club. Je n’aime pas trop parler comme cela car je donne l’impression de dénigrer Charleroi et ce qu’on fait actuellement. Cependant, connaître un club qui joue le titre ou qui a l’occasion de disputer pleinement l’Europe, ça reste encore dans un coin de ma tête. Vous vous êtes épanoui en Belgique au point de vous mettre en couple avec une Carolo. Comptez-vous y rester à l’issue de votre carrière ? Non. On voudrait vivre dans le sud-ouest de la France, à Biarritz ou Bayonne. On n’y a pas d’attaches, mais cette région nous attire. J’ai été élevé au bord de l’eau, à Boulogne, et ça me manque. Je voudrais que mes enfants grandissent aussi près de la mer. Votre futur, vous le voyez dans le milieu du foot ? Non, c’est un milieu particulier dans lequel je ne me sens pas forcément à l’aise. Parfois, il faut marcher sur les pieds d’un pote pour avoir une place, un contrat ou un transfert et ce n’est pas ce que j’ai envie de vivre, ni d’inculquer à mes enfants. Ma compagne, qui tient un blog de mode, et moi, on aime bien les fringues et on aimerait ouvrir un magasin. Dans votre carrière, quelle place aura Charleroi ? Une étape importante, d’autant plus que j’y ai rencontré ma compagne. Mon enfant va naître ici. Charleroi aura toujours une saveur particulière. Ce que j’ai connu à Boulogne avec la montée en Ligue 1 restera sans doute la plus belle aventure, mais ce qu’on fait actuellement à Charleroi, je ne m’y attendais pas. Quand je suis arrivé ici, Charleroi ne constituait pas ce qui se faisait de mieux en Belgique et, quelques années plus tard, on tient tête à de grosses équipes. Comment percevez-vous votre métier ? Je fais l’un des plus beaux métiers du monde, mais ce n’est pas un métier noble. Malgré le fait que l’on divertisse les gens, il y a des métiers plus glorifiants que de taper dans un ballon. Il y a des gens qui sauvent des vies ! Voilà quelque chose de beaucoup plus noble… Cependant, le plaisir et la ferveur que l’on peut procurer aux gens constituent des sentiments indéfinissables. Quel est votre rapport à votre poste de médian défensif ? Je joue là car je n’ai pas les qualités pour évoluer ailleurs ! Je n’ai pas les qualités de vitesse pour occuper un côté, ou de finisseur pour devenir attaquant. J’aime courir, aller au duel, enchaîner. On retient souvent la fin des actions, mais, moi, j’aime me dire qu’elle a bien commencé. Le travail de l’ombre, on est obligé de l’accepter. Je me suis déjà pris la tête avec Kebano et je lui disais qu’à partir du moment où il me faisait gagner des matchs, cela ne me dérangeait pas de courir pour lui. Vous n’avez pas le jeu typique du nº 6… J’aime le ballon, malgré tout, même si, parfois, je dois rentrer dans le gars en face. J’aime bien prendre un peu de risques et casser des lignes. Ça peut enflammer le public et enclencher une action. Je suis un grand fan des joueurs qui ont une belle longue passe comme Xavi Alonso, Gerrard, Beckham ou Kroos. Vous préférez la passe à la récupération d’un ballon ? Pas spécialement. Récupérer un ballon nous donne confiance et nous fait sentir plus fort physiquement. Quand je gratte un ballon à une bête comme Meïté, je me dis que je n’ai rien à lui envier, malgré un gabarit plus petit. J’aime le combat physique, le duel et le tacle. En revanche, je n’apprécie pas les gars qui font plein de fautes et qui ne supportent pas qu’on leur en fasse. J’ai connu cela avec Balmont de Lille. Il met des pains à tout va, mais on ne peut pas faire épaule contre épaule avec lui.

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