L’autorité de la concurrence enquête sur Immoweb

Immoweb, l’incontournable site d’annonces immobilières, est dans le collimateur de l’auditorat du Conseil de la concurrence. Celui-ci a ouvert une enquête le 30 janvier afin de déterminer si le portail se rend coupable de pratiques visant à restreindre ou fausser la concurrence sur le marché des annonces immobilières. Un questionnaire a été envoyé début septembre aux différents acteurs du marché afin de les consulter. L’enquête se concentre sur les relations qui lient Immoweb aux plates-formes internet (les softwares) qu’utilisent les agences immobilières pour gérer et distribuer leurs annonces vers les grands portails immobiliers. Elles sont au nombre d’une quinzaine en Belgique. Tous les mois, elles facturent aux agences immobilières un abonnement mensuel pour prix de l’utilisation du logiciel. En outre, pour chaque annonce reçue, les portails doivent leur payer une somme qui était à l’origine de 2 euros et qui, avec l’indexation, se situe aujourd’hui entre 2 euros et 2,5 euros. Ces plates-formes facturent donc des deux côtés à la fois. Côté agence et côté portail. « Une situation qui n’existe nulle part ailleurs », fait remarquer Fabian Thylmann, un homme d’affaires allemand qui a investi dans le site immo Shelterr… Plus intrigant, ces plates-formes facturent toutes à peu de chose près le même montant aux portails (entre 2 et 2,5 euros) alors qu’elles sont censées être en concurrence les unes avec les autres…. [scald=65837:sdl_editor_representation] Le Conseil de la concurrence soupçonne Immoweb d’avoir inséré dans les contrats conclus avec ces plates-formes la clause dite du « client le plus favorisé ». Elle implique que si une plate-forme décide – dans le cadre d’une négociation commerciale – de faire un geste vis-à-vis d’un portail en diminuant ses tarifs, Immoweb est en droit de lui réclamer le même tarif. Une perspective plutôt dissuasive. Aucune plate-forme n’aurait un intérêt financier à rentrer dans ce jeu-là vu le poids d’Immoweb sur le marché (plus de 50 % du marché en termes de chiffre d’affaires selon nos informations). Selon le Conseil de la concurrence, « cette clause pourrait entraîner des effets restrictifs de la concurrence dans le sens où elle rendrait plus difficile la concurrence avec d’autres entreprises présentes sur ce marché et/ou pourrait constituer une barrière à l’entrée pour des nouvelles entreprises ». Joe Chtouki, patron du nouveau portail immobilier Immoportal, ne peut qu’acquiescer. « Ce n’est pas pour rien qu’il n’y a quasiment pas de concurrence sur le marché des annonces immobilières en Belgique, explique-t-il. Il est pratiquement impossible de lancer un site. Beaucoup se sont déjà cassé les dents. C’est à cause d’Immoweb, qui a mis en place un système qui cadenasse entièrement le marché. Quand vous vous lancez, vous êtes peu connus et vous avez peu de visiteurs. Pour convaincre des agences de mettre des annonces sur votre site, vous devez pouvoir les attirer avec des tarifs très intéressants. Par exemple, trois mois gratuits. Problème, comme vous devez passer par ces plates-formes pour être approvisionnés en annonces, il vous faut quand même payer 2,5 euros par annonce. Impossible de négocier un rabais. Cela représente des dizaines de milliers d’euros qu’il faut sortir sans avoir de rentrées financières. Cet investissement énorme vient s’ajouter à tous les frais que vous avez lorsque vous débutez : développement du site, publicité…. Il faut avoir les reins solides pour supporter cela. » Certains portails essaient de contourner ces 2,5 euros en allant directement copier sur les sites des agences immobilières les annonces. Mais se pose alors le problème de la mise à jour des données qui devient difficile. Des biens vendus depuis des mois continuent à s’afficher sur le site, nuisant à sa crédibilité. Eric Spitzer, patron d’Immovlan, a déjà, à plusieurs reprises, entendu parler de l’existence de la clause problématique. « Elle entrave les négociations commerciales avec les plates-formes. Je ne vois pas pourquoi ma relation avec celles-ci est polluée par un tiers. En outre, je ne connais aucun secteur d’activité pour lequel il n’y a pas une forme de dégressivité dans les prix en fonction du volume d’achat. Ici, pourtant, il n’y en a pas. » C’est aussi un frein au développement de nouveaux business model. La start-up Shelterr voudrait facturer les agences non plus en fonction du volume d’annonces postées sur le portail, mais sur base d’un forfait mensuel variant en fonction des services proposés. Un modèle difficile à développer vu le régime des 2,5 euros par annonce. Si de nombreux portails disent se sentir victimes du système d’Immoweb, ce sentiment est aussi répandu auprès des agents immobiliers. « Nous nous sentons complètement prisonniers, témoigne la responsable d’une agence préférant garder l’anonymat. Chaque année, Immoweb augmente ses prix parce qu’il se sait incontournable. On voudrait pouvoir s’en passer mais les nouveaux arrivants ne tiennent jamais très longtemps ».

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