Non, l’énergie n’est pas trop chère pour les industriels
Le régulateur énergétique (Creg) a commandé une étude sur le coût de l’énergie pour les industriels. Résultat : notre pays est plus compétitif que ce qu’on en dit.
Qui a dit que le coût de l’énergie représentait un « handicap compétitif insurmontable » pour nos entreprises belges ? Le patron de Solvay ? Ça aurait pu. Mais, en l’occurrence, il s’agit de la fédération qui représente l’ensemble des gros consommateurs d’énergie belges (Febeliec). En avril dernier, cette fédération écrivait que « les consommateurs industriels belges se voient confrontés à des prix de 27 à 73 % plus élevés que dans nos pays voisins (pour l’électricité, NDLR) », ce qui constitue « un handicap compétitif insurmontable ». Et Febeliec s’appuie sur une étude du consultant Deloitte pour justifier ces chiffres.
D’où leur idée d’introduire une norme énergétique en Belgique, qui veillerait à ce que les prix de l’énergie n’augmentent pas plus vite chez nous que chez nos voisins. Une idée reprise dans l’accord gouvernemental du fédéral et de la Flandre, mais dont on n’a pas encore vu la couleur.
Dans ce contexte, la nouvelle étude de la Creg (le régulateur énergétique), présentée ce mercredi à la presse, vient ajouter une pièce de choix au dossier. Une étude très fouillée, réalisée par PwC, et validée par l’ensemble des régulateurs de nos pays voisins (France, Allemagne, Pays-Bas et Royaume-Uni). Une étude qui « donne une vision plus fine et plus contrastée pour avoir une bonne compréhension de la problématique », dixit Serge Loumaye (PwC). Une façon élégante de souligner que la réalité est bien plus nuancée et complexe que ce qu’en dit Febeliec.
1 De qui parle-t-on ? L’étude du tandem Creg/PwC se penche uniquement sur les consommateurs industriels. Pour l’électricité, cela concerne un peu moins de 500 sociétés consommant plus de 10 GWh par an. Donc pas question ici des ménages ou des PME (pour lesquels la Creg publie déjà mensuellement un comparatif des prix sur son site internet).
Notons encore que les entreprises dont on parle sont directement reliées au réseau de transport d’Elia (et ne payent donc pas les frais de distribution) pour l’électricité, et ont également un raccordement spécial au réseau de Fluxys pour le gaz.
2 La Belgique ultra-compétitive sur le gaz. Les conclusions de PwC ne laissent pas planer le moindre doute sur la question du gaz : « La Belgique offre les prix les plus compétitifs, suivie par les Pays-Bas et le Royaume-Uni ». Qui l’eût cru !
Pour une consommation annuelle de 100 GWh, ce qui correspond à la demande d’une société de pétrochimie, les tarifs néerlandais sont 4 % plus élevés que les nôtres. En Allemagne, on parle d’un surcoût oscillant entre 6 et 15 % par rapport à notre Belgique. Et dans le sud de la France, là où le réseau gazier est particulièrement mal interconnecté, les factures de gaz envoyées aux industriels sont parfois jusqu’à 32 % supérieures à celles des Belges.
Comment expliquer cet avantage compétitif offert par la Belgique ? Par des frais de transport plus intéressants chez nous que partout ailleurs (exception faite des Pays-Bas), et par un niveau de taxation également inférieur à la moyenne. Le coût de la particule de gaz brute, à l’achat, est, lui, pratiquement similaire dans tous les pays précités.
3 Des résultats variables pour l’électricité. La Creg et PwC se sont entendus pour définir trois profils différents pour la consommation électrique. Et les résultats obtenus varient fortement en fonction de ces profils. Difficile d’être exhaustif dans ces quelques lignes, mais vous comprendrez sans problème que le cas d’un « petit » consommateur industriel qui doit s’acquitter des taxes wallonnes explosives (lire ci-contre) n’est pas le même que celui d’un des plus grands consommateurs à qui certains réservent un régime préférentiel.
Commençons par un industriel (une laiterie par exemple) qui consomme 25 GWh chaque année et qui est connecté au réseau Elia (tension supérieure à 150 kV). Dans ce cas, la Belgique est « relativement bien positionnée par rapport aux pays voisins », écrit PwC. Les tarifs français et néerlandais sont très proches des nôtres. En Allemagne, il est complexe de tirer des conclusions générales, car les taxes prélevées outre-Rhin sont très volatiles et dépendent de plusieurs critères socio-économiques.
Mais c’est du côté de l’île anglaise où le « handicap compétitif » est le plus marqué. Toujours pour une consommation annuelle de 25 GWh, les tarifs anglais sont 43 % plus élevés qu’en Belgique.
Le problème de compétitivité belge pour les industriels énergivores ne concerne en fait que la vingtaine de sociétés électro-intensives. Autrement dit, les vingt plus gros consommateurs du pays (dont la SNCB, BASF, ou Solvay). Des entreprises dont la consommation varie entre 250 et 1.000 GWh par an.
Pour ces sociétés, PwC est catégorique : notre handicap de compétitivité varie entre 15 et 20 % par rapport à la France, aux Pays-Bas ou à l’Allemagne. On est loin des « 27 à 73 % » avancés par Febeliec, mais le problème soulevé par la fédération est réel (notons au passage que l’étude commandée par Febeliec ne mentionnait pas le Royaume-Uni et ne s’intéressait pas au gaz).
Mais soyons clairs, pour cette niche de sociétés, les tarifs belges excèdent ceux des pays voisins à tout point de vue, que ce soit au niveau du coût du transport, des taxes réclamées, ou même de la commodité électrique. PwC explique ce handicap par le fait que la France, les Pays-Bas ou encore l’Allemagne interviennent notamment dans les tarifs de transport, en proposant de généreuses exonérations à leurs plus gros industriels. Ce qui n’est pas le cas chez nous, ni au Royaume-Uni, à qui nos industriels n’ont décidément rien à envier.
4 L’intérêt d’une norme énergétique. Si la Creg refuse de se positionner sur la question de la norme énergétique, les résultats de leur étude sont, eux, très clairs. Si ce n’est pour les vingt plus grands consommateurs d’électricité du pays, cette idée de norme énergétique semble totalement inutile pour l’ensemble du parc industriel.
Car il ne faut pas omettre que, parmi le voisinage européen, notre pays est le plus compétitif pour s’alimenter en gaz. Ce qui pourrait inciter ces fameux industriels à investir dans des centrales de cogénération, qui consomment du gaz pour produire leur propre électricité.
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