Musulmans: les pratiques religieuses sont multiples
On l’imagine unitaire; la communauté musulmane est pourtant plurielle entre ceux qui pratiquent, ceux qui bricolent et les autres.


On nous parle de communauté musulmane à l’envi. Mais de qui parle-t-on ? Des musulmans turcs ou marocains ? De la première génération venue travailler en Belgique ou de leurs enfants et petits-enfants nés en Belgique ? Des musulmans de gauche ou de droite ? De la classe ouvrière ou supérieure ? Des hommes ou des femmes ? De Bruxellois, d’Hennuyers ou de Liégeois ? « D’un point de vue sociologique, la communauté musulmane n’existe pas », observe Corinne Torrekens, chercheuse au GERME (ULB) et directrice de la spin-off Divercity, « Même sur le plan religieux, il n’y a pas un islam comme l’affirment les groupes fondamentalistes mais différents courants – sunnites, chiites, etc. – et ce depuis la création de l’islam et la mort du prophète. Or, aujourd’hui, la représentation médiatique dominante, c’est les musulmans, comme s’ils étaient tous identiques » !
D’un point de vue sociologique, la communauté musulmane n’existe pas
Corinne Torrekens a mené, en 2015, une vaste étude, Belgo-Marocains, Belgo-Turcs : (auto)portrait de nos concitoyens. Elle y a notamment observé un morcellement de la pratique religieuse et a établi trois profils de musulmans : ceux, majoritaires qui pratiquent de manière consistante ; ceux, minoritaires, qui ne pratiquent pas ; et, troisième catégorie, ceux qui bricolent, qui individualisent leur pratique, respectant certaines consignes religieuses et d’autres pas…
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« Les musulmans sont globalement assez pratiquants, même si certains ne vont qu’occasionnellement à la mosquée, par exemple. On remarque que les 2e et 3e générations sont plus structurées autour de normes sociales comme, notamment, le halal… La jeune génération n’est donc pas moins pratiquante que les générations précédentes ; ce qui n’est pas forcément un résultat surprenant : c’est classiquement à cet âge que les processus d’identification sont les plus affirmés », constate la chercheuse.
Sentiment de discrimination et religiosité
Les chercheurs le voient : un lien statistique existe entre le sentiment de discrimination et la religiosité renforcée. Mais, ils ne peuvent pas encore l’expliquer : les musulmans qui se sentent discriminés sont-ils discriminés parce qu’ils pratiquent plus, ou ont-ils commencé à pratiquer de manière plus importante après certaines expériences vécues comme discriminantes ? La question doit encore être étudiée. Elle est d’autant plus pertinente que, prévient Corinne Torrekens,
« Il y a un problème structurel de discrimination en Belgique : à l’école, à l’emploi, etc. La manière dont aujourd’hui, la société belge réagit aura une influence directe sur la manière dont l’islam sera vécu et pratiqué dans 15 ans ! Or, le risque de polarisation existe, comme l’a notamment pointé l’enquête RTBF-Le Soir Noir, jaune, blues ».
Et d’ironiser : « On a pensé l’immigration comme provisoire ; et aujourd’hui, imagine-t-on dire à des jeunes qui sont nés et ont grandi ici et qui ont la nationalité belge, de partir ? Pour aller où ? en Musulmanie ? ».
Corinne Torrekens défend l’idée d’une Belgique aussi musulmane pratiquante. Ecoutez-la ici.
Corinne Torrekens et Ilke Adam, Etude Belgo-Marocains, Belgo-Turcs : (auto)portrait de nos concitoyens, Fondation Roi Baudouin, 2015
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