Le mirage d’une immigration au mérite aux Etats-Unis

Les rumeurs couraient dans la presse à la suite d’un entretien informel que Donald Trump a tenu avec des journalistes audiovisuels quelques heures avant son discours devant le Congrès. Le président américain avait en tête de proposer une amnistie aux immigrés sans-papiers n’ayant pas commis de délit. Un geste envers les démocrates pour adopter une réforme complète de la législation migratoire. Une petite bombe : le plan en question consiste peu ou prou en ce qu’Obama a échoué à faire adopter lors de sa propre législature, se heurtant à l’opposition féroce des républicains. [scald=2639425:sdl_editor_representation] Façon de tester l’idée probablement. Car contrairement à ce qu’attendait la presse, la grande annonce n’a pas eu lieu. Mais le président américain, pas complètement avare de surprise, a tout de même joué le contre-pied. Oubliez les vindictes antimigrants – « criminels » –, Donald Trump a non seulement adopté un ton relativement modéré mais il a de surcroît reconnu les bienfaits potentiels de l’immigration d’un point de vue socio-économique : « Selon l’Académie nationale des sciences, notre système actuel d’immigration coûte des milliards au contribuable américain chaque année, déclarait le président devant le Congrès. S’écarter du système actuel d’immigration peu qualifiée, pour adopter à la place un système fondé sur le mérite sera bénéfique à plusieurs titres : cela économisera des sommes folles, augmentera le salaire des travailleurs et aidera les familles en situation de précarité – y compris les familles immigrées – à accéder à la classe moyenne. » Le principe d’une immigration « choisie » ou « sélective » revient régulièrement dans le discours politique. L’idée veut que l’Etat puisse sélectionner les migrants qui lui conviennent le mieux, notamment au regard de son marché du travail, et arrête ainsi de « subir » son immigration. [scald=2639426:sdl_editor_representation] Jeune, surdiplômé, bilingue… Le Canada, cité par Donald Trump, en est probablement le meilleur exemple. Le pays a mis en place un système de points attribués selon l’âge, les langues maîtrisées, le niveau de diplôme, etc. De sorte que le pays recrute essentiellement les candidats dynamiques économiquement, à haut potentiel d’intégration et susceptibles de se reproduire (il s’agit de compenser aussi le taux de natalité). « Le gouvernement fait aussi attention à diversifier ses sources d’immigration, explique le politologue canadien Alain Gagnon. Il restreint l’accès quand trop de demandes émanent d’un même pays pour ne pas créer de ghettos ou de juxtapositions de groupes. » Idéal sur le papier, d’autant que l’important effort en matière d’accueil des réfugiés (40.000 Syriens depuis novembre 2015) se fait sur base de réinstallation : des réfugiés sélectionnés, là encore, pour leur capacité d’intégration. Une solution pour les Etats-Unis ? Pas vraiment. Même si le système américain gagnerait à être simplifié – il consiste en un mille-feuille complexe de visas dont les critères diffèrent selon le secteur d’activité et le pays d’origine –, pas sûr qu’il soit beaucoup moins sélectif que son voisin canadien. A noter d’ailleurs que lorsque Nicolas Sarkozy avait promu « l’immigration choisie » lors de son quinquennat, il avait mis en avant l’exemple… américain. [scald=2639424:sdl_editor_representation] Pas un remède à l’immigration clandestine « L’immigration choisie, c’est un beau slogan mais qui est en réalité assez difficile à mettre en œuvre, explique Philippe de Bruycker, spécialiste du droit migratoire européen à l’ULB. Les dirigeants politiques oublient généralement de préciser que ce levier ne joue que sur l’immigration de faveur et pas sur celle de droit, comme le regroupement familial ou l’asile. » Or c’est précisément le regroupement familial – et l’immigration illégale – que les leaders républicains opposent implicitement à cette « immigration fondée sur le mérite ». Et si le Canada et l’Australie, invoqués par le président américain, peuvent présenter des résultats migratoires idylliques, c’est que les deux pays bénéficient de l’immense avantage de leur situation géographique qui les préserve des entrées incontrôlées sur le territoire. Quant au regroupement familial, « les Etats-Unis ont sans doute plus de manœuvre que les pays européens pour restreindre un peu l’accès mais ils restent tenus par des minimums légaux », poursuit Philippe de Bruycker. « Donald Trump dit beaucoup de choses. Et leur contraire aussi, relativise Elisa Santana, ancienne conseillère Migration au Congrès. Il suffit de voir son entourage pour douter de la sincérité de sa volonté de réforme. » La démocrate rappelle notamment les attaques le président contre les visas H-1B et L-1 feraient l’objet « d’abus » et priveraient les Américains de jobs au bénéfice des étrangers. Or ces visas sont réservés à la main-d’œuvre ultra-qualifiée nécessaire notamment au fonctionnement de la Silicon Valley.

Votre compte

Le mirage d’une immigration au mérite aux Etats-Unis

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

1 Commentaire

Aussi en Monde

Droit à l’avortement: le déclin de l’Amérique

Etats-Unis: voici où l’avortement va être interdit (carte interactive)

L’Ukraine attaquée depuis la Biélorussie

France: Macron veut un gouvernement «d’action» avec Borne pour «début juillet»

Guerre en Ukraine: un centre de recherche nucléaire à nouveau pris pour cible à Kharkiv

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Décodage Ce que le clash Crucke-Bouchez dit du MR

Guerre en Ukraine: un centre de recherche nucléaire à nouveau pris pour cible à Kharkiv

Guerre en Ukraine: la Russie avance dans l’Est et Poutine joue avec la peur nucléaire

Sammy Mahdi (CD&V), le Barack Obama du Aldi, tient sa revanche

France: Macron veut un gouvernement «d’action» avec Borne pour «début juillet»

Etats-Unis: voici où l’avortement va être interdit (carte interactive)

Dépliants toutes boîtes : un vrai service à la clientèle

Le contrôle technique d’Eupen se modernise et veut augmenter ses effectifs

Près d'un Belge sur deux veut travailler dans une PME

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel