Peur: notre perception de l’autre
Le rejet de l’autre n’est pas neuf. Aujourd’hui, le fossé semble se creuser entre stigmatisés et majoritaires… avec un risque de renforcer peur et repli.

Il y a aujourd’hui chez une frange non négligeable de la société belge le sentiment d’être menacé par les migrants et les citoyens belges de confession musulmane », souligne Antoine Roblain, chercheur du Centre de recherche en psychologie sociale et interculturelle, ULB. Une menace qui est à la fois économique - les migrants musulmans sont des profiteurs - et symbolique - les musulmans vont nuire à notre identité, notre culture -. Ce sentiment de menace cible aujourd’hui la communauté musulmane, mais se retrouve également à différentes époques, en différents lieux : lors de la Première Guerre mondiale, les réfugiés belges qui fuyaient le pays sont souvent devenus des boucs émissaires à peine tolérés, stigmatisés, qui vivaient repliés entre eux…
« Le rejet de l’autre, ce n’est pas neuf. Dans les années ’80, il y avait un niveau de préjugé contre l’immigration très répandu au sein de la société ; les mobilisations telles que Touche pas à mon pote ont permis de réduire les stigmatisations ; néanmoins, elles sont toujours bien présentes à un niveau élevé et ont pris de nouvelles formes d’expression. Mais surtout, aujourd’hui, les musulmans se sentent plus mis à l’écart par la majorité, plus stigmatisés, comme l’indique notamment l’enquête RTBF-Le Soir, Noir, Jaune, Blues », observe le chercheur.
« Une des raisons, un des principaux problèmes, c’est la distance, le fossé qui existe autour des communautés stigmatisées. Les personnes ne se rencontrent plus et cela induit une série de biais perceptifs : plus la distance physique, identitaire, sociale est élevée, plus ceux qu’on observe nous apparaissent comme appartenant à un bloc homogène. C’est ainsi qu’on parle, par exemple, des musulmans, comme étant tous les mêmes, plutôt qu’un ensemble d’individus avec leurs différences. Et cette tendance ne fait qu’alimenter le sentiment de menace et la stigmatisation ».
Personne n’aime vivre dans la peur ; il est donc temps d’aller à la rencontre de l’autre
Le fossé se creuse… avec pour conséquence possible, un repli, un renforcement de l’entre-soi et une peur de l’autre. « Personne n’aime vivre dans la peur ; il est donc temps d’aller à la rencontre de l’autre, d’entrer un peu dans son intimité », avertit Antoine Roblain, « Nous devons confronter nos peurs et les discuter ; nous devons simplement partager des expériences de vie avec l’autre pour avoir une vision moins biaisée de lui. Même si cela signifie d’abord, de rentrer dans une certaine forme d’inconfort… ».
Pour poster un commentaire, merci de vous identifier.
Vous n’avez pas de compte ? Créez-le gratuitement ci-dessous :
S'identifier Créer un compteQuelques règles de bonne conduite avant de réagir0 Commentaire