Peur: l’analyse du philosophe
Jusqu’où la sécurité peut-elle empiéter sur nos libertés ? Question complexe mais essentielle pour la sauvegarde de la démocratie.

La tension entre le sécuritaire et les libertés individuelles se situe au cœur des réflexions de la philosophie politique moderne. Reprise par la pensée moderne en général, elle se trouve au départ chez Hobbes, dans son contrat social. « A partir de là, on peut se demander dans quelle mesure les libertés individuelles, et leur expression la plus évidente, les Droits de l’Homme peuvent représenter un barrage à la dérive sécuritaire» s’interroge Thomas Berns, chercheur au Centre de recherche en philosophie, à l’ULB.
A cette question, Thomas Berns répond de façon nuancée. «La pensée moderne s’enracine dans l’idée de multiplicité des individus. Sur cette base-là, elle va développer des droits individuels contre la domination par l’État. Mais ces droits sont également garantis par lui. Il y a donc une sorte de tension, une saine opposition entre l’État, d’une part, et les juristes, les représentants d’associations et les citoyens, d’autre part » explique-t-il.
Cependant, pour le chercheur, le discours sécuritaire rompt cet équilibre. « Par une dramatisation politique et médiatique, ce discours généralise le danger et fait primer le besoin de sécurité, ce qui nous ramène en quelque sorte au contrat social de Hobbes » affirme-t-il. Basé sur le rationalisme, il est très difficile à contester. « Mais cela ne nous empêche pas de noter une sorte de paresse intellectuelle à toujours vouloir en rester à ce moment embryonnaire du contrat social », souligne le chercheur.
Thomas Berns plaide donc pour une meilleure prise en compte des enjeux démocratiques et pour l’arrêt des discours simplistes : « Il faut montrer que l’homme a d’autres besoins que sa sécurité, que la différence peut être aussi bien l’expression d’un danger que d’un enrichissement et que le besoin de sécurité doit toujours être considéré avec retenue. En effet, celui-ci apparaît comme le moyen le plus sommaire de justifier la puissance de l’Etat. Par ailleurs, l’éventuelle réalité d’un danger peut réclamer d’autres types d’analyses que celles qui nous opposent, et donc d’autres types de réponses ».
Lire les analyses de Sybille Smeets et Julien Pieret
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