Chantal Ladesou: «Je me sens inutile si je ne fais pas rire»

Sa voix est reconnaissable entre 1.000, ses jambes fines et élancées sont souvent mises en valeur grâce à une paire de chaussures à la semelle rouge et son carré blond traverse les décennies. Chantal Ladesou est aujourd’hui considérée comme la reine du boulevard, une référence en matière d’humour. Pourtant, cette popularité est arrivée sur le tard. [scald=66777:sdl_editor_representation] Vous avez étudié le théâtre au cours Simon, joué dans un film de Luis Buñuel, dans des dizaines de pièces de théâtre mais le grand public n’a fait votre connaissance que dans les années 90. Comment expliquez-vous cette célébrité tardive ? Quand je suis arrivée au cours Simon à Paris, j’avais 23 ans, et René Simon m’a dit : “Toi, tu réussiras très tard. Ton personnage doit être étayé par du vécu, être plus âgé pour se permettre de tout dire.” Et il avait raison. On me faisait déjà travailler les personnages de Jacqueline Maillant. Alors, au début, je travaillais, j’avais un succès d’estime. J’étais comédienne et on me trouvait formidable mais je n’arrivais pas à monter un cran au-dessus. Et puis, j’ai fait « La Classe ». J’ai rencontré Pierre Palmade qui, à 18 ans, m’a écrit mon premier one woman show, mais ce n’était pas totalement moi. C’est surtout mon dernier spectacle il y a 6 ans qui a permis de mettre un coup de projecteur sur mon travail. Ce personnage de grande gueule à la voix éraillée qui ose tout dire et envoyer promener les gens, c’est un rôle ou c’est vous ? Je crois que c’est moi-même. Je suis pareille dans la vie. Je force un peu le trait bien sûr mais j’ai un fond comme ça, authentique et il ne faut pas m’emmerder. En même temps, je suis double car je dis ça et, par moments, j’ai peur. Il y a des gens qui m’intimident. Vous avez des noms ? Les médecins me font peur. Je suis une petite fille devant eux. Je les écoute simplement. Et pensez-vous faire peur parfois ? Je crois mais il faut se dire que j’ai aussi peur. Je suis vulnérable en fait. [scald=66831:sdl_editor_representation] Faire rire fait partie de votre stratégie de protection ? J’aime faire rire même à table, c’est une politesse. Je me sens inutile si je ne fais pas rire. C’est ainsi depuis toute petite. Il fallait que je fasse rire sinon on me demandait si j’étais malade. Les gens aujourd’hui se disent : « on va inviter Chantal car on va se marrer. » Maintenant, cela devient une pression. Quand je vais dîner, quelques fois, je me dis que j’ai envie d’être tranquille. Vous faites également partie des rares femmes qui ont fait une carrière dans l’humour sans avoir de tabou. Je ne crois pas qu’il y ait un humour masculin et un humour féminin. Il y a l’humour, c’est tout. Une femme peut faire un camionneur avec sa part masculine et sa finesse. On ne doit pas mettre des cloisons. C’est vrai qu’à l’époque de « La Classe », les hommes étaient très entre eux. Ils faisaient des tournées entre eux et ils ne proposaient pas aux femmes de venir. C’était comme ça et ils ne croyaient pas à l’humour féminin alors que maintenant, on est ex aequo. Cela vous vexait ? Non, c’était ainsi et puis, je crois que je ne m’étais pas encore totalement trouvée. La preuve. Quand je tentais de rentrer au Petit théâtre de Bouvard, j’imitais Anémone. Bouvard m’a dit que j’allais me planter. Et puis, des années plus tard, il m’a invitée aux « Grosses têtes », il m’a à peine reconnu. On s’est tellement plu qu’il m’a demandé de faire partie des sociétaires puis Laurent Ruquier m’a gardée. Aujourd’hui, je fais de la radio, ce qui était un de mes rêves. Cependant, je sais que je n’aurais pas pu le faire avant car j’ai été très timide très longtemps malgré ce personnage de dominant que je véhicule. Je n’osais pas déranger, ni appeler. Et puis, je pense que c’est la maturité qui a fait ça, un jour, j’ai osé être moi-même. C’était il y a une petite quinzaine d’années, je dirais. Quand des jeunes vous disent que vous leur avez donné envie de monter sur scène, quelle émotion résonne en vous ? C’est une sacrée responsabilité et je ne suis pas avare de conseils. Il faut jouer, jouer et encore jouer. Tirer tous les fils et puis cela vient.

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