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Se battre pour une Europe plus forte

Le projet d’intégration européenne a rarement essuyé autant d’attaques que ces dernières années. Pour enfin devenir adulte, l’Europe doit préserver ses héritages et aller de l’avant.

Carte blanche - Temps de lecture: 5 min

L’Europe célèbre son anniversaire. Le 25 mars 1957, il y a 60 ans, les pays fondateurs signaient les traités de Rome. Cette date a marqué la première étape décisive du projet de liberté, de paix et de prospérité le plus réussi que le monde ait jamais connu.

Nous pouvons nous réjouir de ce succès.

Après 60 ans d’Europe, nous voici toutefois à un tournant. La crise financière et l’arrivée massive de réfugiés ont brutalement mis à nu les faiblesses du projet d’intégration européenne. Dans quelques jours, la Grande-Bretagne enclenchera le processus de sa sortie de l’Union européenne. C’est un signal d’alarme. Nous devons nous mettre d’accord sur ce que l’Europe représente pour nous, la direction dans laquelle nous voulons aller avec elle et ce que nous sommes prêts à y investir.

Voilà ce qui compte vraiment avec cet anniversaire célébré à Rome.

Le projet d’intégration européenne avait rarement essuyé autant d’attaques qu’aujourd’hui, des attaques venant de l’intérieur comme de l’extérieur, de populistes qui brandissent des solutions de facilité, d’autocrates hostiles à nos valeurs. Tous veulent déconstruire l’Europe voire la détruire.

Plus forts ensemble

Il est clair pour moi que l’intégration européenne est la bonne et la seule voie à suivre. Ne nous leurrons pas : dans notre monde ébranlé par les crises et où tant de certitudes ont disparu, les États européens ne peuvent efficacement défendre leurs intérêts et leurs valeurs que s’ils parlent d’une seule voix. Aucun pays d’Europe, y compris l’Allemagne, ne peut plus y parvenir seul. Ensemble, nous représentons incomparablement plus et sommes incomparablement plus forts que la somme des différents États membres. Pour ce faire, nous devons nous rapprocher encore davantage.

Ce 60e anniversaire doit donc être un symbole d’espoir, un appel à se battre pour l’Europe. Nous n’avons pas le droit de nous taire quand certains aspirent à la fin de l’unification européenne.

Se battre pour l’Europe veut dire défendre nos valeurs communes, défendre les valeurs européennes. Nous voulons que l’Europe qui nous a assuré liberté et stabilité pendant des décennies soit en mesure d’affronter l’avenir. L’État de droit et la démocratie, la solidarité et la diversité forment la clef de voûte du projet européen. Nous devons nous en porter garants à l’extérieur comme à l’intérieur de nos frontières.

Préserver les héritages

Se battre pour l’Europe signifie également préserver ce que nous avons accompli. Détricoter notre intégration ne nous apportera rien. C’est ensemble que nous avons surmonté la crise des dettes publiques. Nous tâchons de faire en sorte que tous dans la zone euro puissent se tourner vers l’avenir avec confiance, que la croissance revienne partout et que de nouveaux emplois et de nouvelles perspectives soient créés. Nous allons devoir approfondir encore l’Union économique et monétaire. Pas pour nous isoler mais parce nous sommes plus que jamais étroitement unis par notre monnaie commune.

Mais il faut aller plus loin : nous sommes confrontés à une tâche historique, celle de créer une Europe meilleure, une Europe plus forte. Nous devons investir ensemble dans l’Union européenne et parer le plus important projet de paix et de prospérité de notre ère pour l’avenir.

Relever les défis

Premièrement, dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité : il est temps de cesser de croire que nous, en Europe, n’avons pas la responsabilité de notre sécurité. Il est vrai que l’Europe doit enfin devenir adulte. Le partenariat avec les États-Unis et l’Otan sont les deux piliers de la communauté transatlantique. Mais l’Union européenne doit être en mesure de résoudre par ses propres moyens les crises et conflits dans son voisinage. De premiers pas ont été franchis, d’autres doivent suivre.

Deuxièmement, nous avons besoin d’une protection de nos frontières extérieures digne de ce nom. Les frontières jouent un rôle beaucoup moins essentiel à l’intérieur de l’Europe. C’est un formidable acquis. Mais des frontières extérieures solides le sont tout autant. Les crises dans notre voisinage et les flux de réfugiés nous montrent combien il est important de protéger efficacement nos frontières. Quiconque tient à Schengen doit attacher du prix à la protection de nos frontières extérieures. Des actions ont été engagées mais nous devons faire plus. C’est une tâche européenne qui nous incombe à tous, et pas seulement à ceux d’entre nous qui sont les plus touchés.

Troisièmement, l’Europe doit améliorer sa sécurité intérieure. La lutte contre le terrorisme est une mission collective. Nous pouvons et devons devenir plus efficaces en coopérant davantage et en renforçant nos échanges. On ne doit pas permettre que les populations européennes aient peur. Que ce soit à Bruxelles, à Paris, à Berlin ou ailleurs. Liberté et sécurité vont de pair.

Quatrièmement, nous devons bien davantage garder à l’esprit que la promesse européenne a toujours été aussi une promesse de prospérité. Pour la plupart des citoyens et pendant longtemps, le marché intérieur a, en effet, été synonyme de prospérité. Mais trop d’Européens ont l’impression de ne plus profiter de l’Europe communautaire et éprouvent un sentiment d’abandon. Nous devons le comprendre et agir en conséquence. Se battre pour l’Europe signifie donc pour moi renforcer le marché intérieur et prendre au sérieux la dimension sociale du projet européen. Nous avons besoin d’un nouveau cadre pour la croissance et la prospérité, notamment d’investissements européens dans les infrastructures numériques ainsi que dans l’éducation et la recherche. Nous ne sommes pas des débiteurs et bénéficiaires nets. Nous serons tous des gagnants nets de l’Europe si nous réussissons à mieux employer les ressources dont nous disposons et si, dans le même temps, nous sommes tous prêts à entreprendre les réformes nécessaires au maintien de notre compétitivité.

Nous entendons nous serrer les coudes afin que le message délivré à Rome soit celui-ci : nous, Européens, agissons, nous nous engageons pour l’Europe, nous voulons mieux faire ! Nous y parviendrons si nous ne nous laissons pas gagner par l’inquiétude, si nous ravivons l’esprit européen avec courage et assurance, si nous rassemblons tous les Européens et remettons en question certains états d’âme nationaux.

L’Allemagne y est prête.

 

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