Comment le Mercator a été rénové

Fringant, le fameux trois-mâts Mercator sera de retour à son port d’attache ostendais ce mercredi. Depuis fin septembre 2015, ce mythique navire-école avait pris ses quartiers à 6 km de là, dans le chantier naval IdP pour y être entièrement rénové. Ce projet titanesque, d’un montant de 3,4 millions d’euros débloqués par le gouvernement flamand, Piet Leeuwerck, du Vloot dab, l’a coordonné de A à Z. « Ce projet, c’est beaucoup d’émotions », et ce d’autant plus que la vieille dame cachait des maux plus graves que ceux diagnostiqués. Et aux grands maux, les grands remèdes. Le premier se nomme hydrojetting. Pour détacher la peinture sans formation de poussières toxiques, de l’eau a été projetée sur la coque à une pression dantesque de… 3500 bars (soit 23 fois la pression d’un karcher). [scald=2687790:sdl_editor_representation] Une fois déshabillée de sa robe blanche, la vieille dame s’est révélée tristement rousse. Couleur de rouille. Particulièrement à tribord. Lorsqu’elle était amarrée au dock, c’est en effet son côté droit qu’elle offrait au soleil de midi. « Cela favorise les bactéries qui mangent la peinture. Ensuite, le vent fort a entraîné la réaction en chaîne de la corrosion », explique-t-il. Sans oublier l’effet dévastateur des 78 tonnes de rails de chemin de fer placés comme ballaste dans les cales du Mercator afin que celui-ci puisse passer sous le pont de Willebroek, lors d’une escapade dans la capitale au siècle dernier. Laissés à bord depuis lors, la rouille a attaqué le fond du bateau. Afin de cesser cette destruction de la coque, 21 tôles ont été remplacées et pas moins de 1.500 rivets ont dû être remis en place. Mais pas question de dépareiller l’ancêtre. Alors que la technique du rivetage employée en 1931, année de la construction du Mercator, est tombée aux oubliettes, un forgeron spécialisé dans les métaux à chaud a pu compter sur l’aide de son grand-père pour réapprendre le métier de jadis. De quoi rendre à la vieille dame ses atours de jeunesse. [scald=2687791:sdl_editor_representation] Pour qu’elle soit éternelle, c’est de la peinture blanche pour brise-glace qui recouvre désormais ses flancs. Chargée d’éclats de verre, elle est un allié de choc contre la corrosion. En effet, lors de son application, les lamelles de verre se disposent en un dédale impossible à pénétrer par la dangereuse vapeur d’eau transportant l’oxygène rongeur du fer contenu dans les métaux. « Avec une couche de 1,2 mm, c’est une protection gigantesque contre la corrosion », précise Piet Leeuwerck. Quant à la mâture, un budget de 1,2 million d’euros lui a permis d’être rénovée entre 2008 et 2009. Si les trois mâts se dressent aujourd’hui fièrement au-dessus du pont remis à neuf, preuve que l’histoire finit bien, l’évocation d’un épisode fait encore se serrer les estomacs. Lors de son démâtage, le mât d’artimon s’est brisé en deux sur le quai. « C’était un problème de fatigue sur les soudures. A la construction, en 1931, on commençait à peine à utiliser la technique de soudage, on n’en connaissait pas les limites, poursuit-il. Comme on ignorait la constitution des mâts, on les a passés aux rayons X. Sur les 140 m de soudures observées par radiographie, pas moins de 40 mètres ont dû être totalement refaites ! ». Les travaux de rénovation orchestrés sur le Mercator remplissent les conditions de la Charte de Barcelone. Qu’importe le matériau utilisé, l’aspect d’origine doit être préservé à tout prix. L’ancien gréément courant (cordage pour manoeuvrer les voiles) en chanvre pourrissait vite. Remplacé par des fibres synthétiques stabilisées contre les rayons UV, on n’y voit que du feu. Les plafonds d’origine ont tous été démontés. Les meubles, dont l’arrière était rongé par l’humidité, reconstruits à l’identique, avec la patine du temps en prime. Les radiateurs bouchés par la rouille remplacés par des confrères vintages. Seule touche contemporaine, cinq dessicateurs d’air pour éviter la condensation sur les zones froides. [scald=2687792:sdl_editor_representation] A l’avant du navire, la rénovation du carré des sous-officiers a demandé beaucoup d’effort tant les dégâts aux parements muraux étaient importants. A terre, une trappe à deux volets. A l’intérieur, la garde-robe de la vieille dame. Soit ses 15 voiles pour un total de 1.260 m2 de voilure. Rebattront-elles un jour au vent ? Certainement pas. De même que la possibilité que le Mercator aille taquiner un peu la mer, même au moteur, semble improbable. « Le Mercator a navigué l’équivalent de 16 fois le tour du monde. Il a vécu des grosses mers. La fatigue des matériaux a fait son travail. Il a mérité une belle retraite », explique Piet Leeuwerck. Il sera à bord pour son dernier voyage.

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