Bernard Delvaux (Sonaca): « Il y a un problème de gouvernance en Belgique »

Peu après l’annonce par le gouvernement fédéral d’un plan d’investissement dans la mobilité, la transition énergétique, l’agenda numérique et la santé notamment, Bernard Delvaux, CEO de l’équipementier aéronautique Sonaca, à Gosselies, estime que le moment est effectivement venu de se donner des objectifs à long terme. « On peut regretter que cela ait pris pas mal de temps mais si le Pacte d’investissement est en train de se mettre en place, c’est une excellente chose. » Ce qui importe, « c’est de se donner des objectifs inspirants. On a besoin de rêver, surtout dans un monde qui change terriblement et qui est très anxiogène. Humainement on n’aime pas ce genre de situation et on a donc besoin de se projeter dans un futur qui soit plus favorable. On doit l’imaginer ensemble, se fixer des objectifs communs et y travailler. C’est ce qu’on essaie de faire quand on fixe une stratégie dans une entreprise et je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas fonctionner aussi avec un Etat ou avec une région. » [scald=2692814:sdl_editor_representation] Le moment est d’autant plus opportun à ses yeux que l’anxiété, comme l’a confirmé l’enquête Noir Jaune Blues, est au plus haut. « Il y a un sentiment d’urgence chez les citoyens, qui peut être perçu comme une opportunité. Y compris par le monde politique qui peut en profiter pour transformer un système qui montre actuellement ses limites. Les citoyens sont prêts au changement, et il faut éviter qu’ils en choisissent les formes les plus extrêmes, populistes.» La mobilité en exemple Et Bernard Delvaux de citer l’exemple de la mobilité. « On peut se fixer des objectifs très évidents, très positifs, comme réduire dans quelques années les temps de trajets de 30 %, ou les émissions de CO2. C’est possible, car il y a déjà pas mal de budgets disponibles qu’on peut lier avec la fiscalité qui tourne autour des voitures de société par exemple. Si on parvient à se coordonner entre les différents niveaux de pouvoir, c’est tout à fait réalisable. » Même constat dans la transition énergétique : « Ce que les Suédois ont fixé comme objectif à long terme, pourquoi ne serait-ce réalisable par la suédoise ? », lâche-t-il. En filigrane, bien évidemment, la gouvernance en Belgique, dont ce n’est assurément pas le point fort. « C’est d’autant plus compliqué que la lasagne institutionnelle ne conduit pas à une gouvernance forte (…). Le risque quand on évoque ce sujet, c’est qu’on mettre l’argent sur la table et que le tout fasse l’objet d’une foire d’empoigne pour s’en partager les budgets selon des critères régionaux voire sous-régionaux. » Ce qu’il propose : « Faire travailler ensemble les différents niveaux de pouvoir, sur base d’objectifs et de plans d’actions précis. » Quitte à ce que le politique, ayant fixé les grandes orientations, fasse un pas de recul : « A un moment donné, on doit confier à des experts, des spécialistes du secteur, des groupes de travail, le soin de développer des plans d’actions détaillés et peut-être même de les mettre en œuvre. » [scald=2692815:sdl_editor_representation] Soit, ce qui se passe actuellement dans le processus de reconversion du site de Caterpillar et de redéploiement de la région de Charleroi ? « Le site a beaucoup de valeur, il est idéalement situé, mais en avoir repris la possession pour un euro ne suffit pas. Ce n’est pas parce qu’il y a un site que des emplois s’y installent. Le grand défi est de créer les conditions requises non seulement pour la création de startups qui vont employer du personnel qualifié mais aussi pour développer des activités, comme dans la logistique liée à l’e-commerce par exemple, au bénéfice d’emplois peu qualifiés. » Le patron de la Sonaca l’assure : les groupes de travail liés au plan de reconversion « Catch » fonctionnent, des projets concrets sont à l’étude, comme celui de convaincre Ryanair d’effectuer des activités de maintenance de ses avions à Gosselies. « A condition cependant que les conditions de compétitivité soient réunies, ce qui implique que l’on poursuivre aussi l’objectif de réduire à long terme le coût des charges sociales pesant sur les bas salaires. Cela coûterait entre 7 à 8 milliards de diminuer de 20 % les charges sociales sur ces bas salaires, soit moins que les 11 milliards qui sont dépensés chaque année en aides diverses, notamment vers le secteur non-marchand, qui ne favorisent pas l’industrie : la dynamique doit être inversée, au risque sinon de continuer à voir disparaître l’industrie, ses emplois, et dès lors autant de recettes pour la Sécurité sociale qui, par définition, ne sont pas perçues dès lors que ces emplois sont détruits. » [scald=2692813:sdl_editor_representation]

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