«Macron, c’est et la gauche, et la droite…»

Comment analysez-vous le phénomène Macron ? Emmanuel Macron, comme Marine Le Pen, sont enfantés par le même phénomène : l’échec au pouvoir de la droite et de la gauche, alternativement, depuis 1981. Le discrédit des deux grands partis de gouvernement a produit deux phénomènes. Un phénomène de rejet populiste : « ni la droite, ni la gauche » – le FN colonise ce terrain depuis plus de 25 ans. Et plus récemment, le phénomène « et la droite, et la gauche ». On va pendre les plus raisonnables de la gauche, les plus modérés de la droite et on va essayer de faire avec ça une majorité « centrale ». Pas « centriste », « centrale »… Giscard a réussi cela entre 1974 et 1981, mais il n’a pas réussi à l’installer durablement dans le pays. Bayrou a caressé cet espoir en 2007 et puis ça s’est effondré. On retrouve ce phénomène-là avec Macron, mais arrivé à maturité : on va faire venir non seulement des personnalités mais des électeurs, des couches sociales, de la gauche et de la droite, pour une dernière tentative de réforme du pays – avant, si ça échoue, de partir vers des embardées populistes. Les temps étaient-ils mûrs ou a-t-il bénéficié d’un concours de circonstances ? Les temps étaient mûrs parce qu’avant même les mésaventures de Fillon et de Hamon, il avait déjà franchi plusieurs degrés. D’abord, il a réussi à lancer son mouvement il y a un an. Il a réussi à survivre à l’actualité, qui était très dure – la crise, les attentats, etc. Il a réussi à survivre à la sortie du gouvernement. Et ensuite, seulement, il a eu une certaine chance dans les circonstances. Mais il faut noter que Fillon a commencé à baisser dans les sondages avant l’affaire « Pénélope » et que la gauche était en crise avant que Hamon ne gagne la primaire, notamment avec le fait que Hollande n’ait pas pu se représenter. Donc, ce ne sont pas des coups de chance mais des phénomènes de fond qui ont rendu l’épanouissement de Macron possible. A gauche, on dit que Macron est un « banquier », à droite, qu’il est le fils spirituel de Hollande. Où le situez-vous ? C’est compliqué car son programme est moins audacieux que lui-même. L’individu Macron était assez transgressif, n’ayant pas hésité à dire qu’il fallait supprimer les 35 heures ou que l’ISF (l’impôt de solidarité sur la fortune) était inutile. Le candidat Macron est plus prudent. Il y a déjà là une première difficulté qui, d’ailleurs, peut lui causer des ennuis. A force d’arrondir les angles, il est en train de se transformer en « eau tiède ». Personne ne le déteste, mais pourquoi voter pour lui ? Mais si on regarde plus profondément, il y a chez Macron un vrai libéralisme. On l’a souvent accusé d’être un social-libéral, ce n’est pas vrai : c’est un libéral social, c’est différent. Macron explique qu’il faut absolument relancer une machine économique performante, nous requalifier dans la compétition économique mondiale, et qu’à partir de là on aura des richesses à redistribuer. Ce libéralisme social-là, il est assez inédit en France. C’est ce qu’on trouvait un peu chez Giscard, même si c’était quand même d’abord l’homme du business et des entreprises. Macron essaye de retrouver cela mais « 2.0 ». [scald=2720750:sdl_editor_representation] Qui sont ses électeurs ? Il a beaucoup de déçus de la gauche ; une petite moitié de l’électorat de Hollande va vers lui. Ensuite, il y a un gros bloc centriste : des gens qui étaient restés centristes – modèle « Bayrou » – ou qui étaient allés faire un tour du côté de la droite en se disant que c’était le seul moyen de gagner l’élection, des gens qui ont été associés à l’aventure Sarkozy et qui en sont sortis déçus. Et là, Macron arrive tandis que la droite s’est donnée à Fillon, qui est très à droite sur les valeurs sociétales et qui vient du « séguénisme »(de François Séguin), qui est donc un converti tardif à l’Europe… Ils sont donc très attirés par la pensée libérale, européenne et moderne en termes de société de Macron. Là encore, on retrouve le giscardisme.

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