Les grandes banques belges aiment les énergies fossiles

Entre début 2014 et fin 2016, les quatre principales banques belges, BNP Paribas Fortis, ING, KBC et Belfius, ont consacré plus de 40 milliards d’euros au financement du secteur des combustibles fossiles sous forme d’emprunts, d’émissions d’obligations et d’achats d’action. Plus de 19,4 milliards d’euros sont allés à des entreprises actives dans le secteur du charbon, 20,6 milliards au pétrole et au gaz. C’est ce que Le Soir a pu lire dans un rapport du réseau FairFin pour le compte de la Coalition Climat, un regroupement d’organisations qui lance aujourd’hui une campagne visant à pousser les institutions financières à se retirer des énergies fossiles. Selon le rapport, « BNP représente à elle seule les trois quarts des emprunts, émissions et détention d’obligations/actions : près de 30,4 milliards d’euros. ING suit, en tant que deuxième banque, avec un peu moins d’un cinquième du financement total, soit 7,14 milliards d’euros. KBC prend à son compte, avec 2,2 milliards, une part plus faible des investissements. Chez Belfius, on ne trouve ni emprunts ni émissions d’actions ou d’obligations ». La banque publique belge se concentre davantage sur le marché national. Les trois banques, ainsi que Candriam, le fournisseur de fonds d’investissement que Belfius propose à ses clients, disposent pour plus de 7 milliards d’euros d’actions d’entreprises du secteur fossile. BNP en tête BNP Paribas assure à elle seule plus de 60 % du financement dans le charbon. ING a financé un peu plus de 6 milliards d’euros (32 %) d’entreprises actives dans ce secteur. On notera également que le montant financé par KBC pour l’ensemble des combustibles fossiles est entièrement destiné au charbon. KBC a acquis la principale banque tchèque, très active dans cette énergie. L’entreprise détient également un important portefeuille d’actions dans le charbon, le pétrole et le gaz. Dans ce dernier secteur, les banques belges ont notamment financé deux des entreprises canadiennes les plus actives dans le pétrole de sables bitumineux, un pétrole dont l’exploitation est particulièrement préjudiciable à l’environnement. Dans la foulée d’autres institutions financières, les quatre banques belges ont cependant commencé à faire évoluer leur politique à l’égard des énergies fossiles. BNP a décidé de ne plus accorder de financement à des mines de charbon ni à des entreprises spécialisées dans le charbon. La banque française, dont l’Etat belge est actionnaire à hauteur de 10 %, a instauré des critères pour ses investissements dans les pétroles controversés. Des balises insuffisantes, juge la Coalition Climat. ING s’est également engagée à ne plus financer de mines de charbon ni de centrales, mais ici aussi la pratique de la banque reste critiquée (voir par ailleurs). L’an dernier, KBC a émis des restrictions en matière de financement du charbon (pas de mines ni de nouvelles centrales), mais la banque continue à accorder son soutien à des entreprises houillères en République tchèque et « ne s’interdit pas d’y financer de nouvelles infrastructures », estime Mathias Balcaen, un des auteurs de l’étude. KBC promet cependant de supprimer progressivement les crédits au charbon d’ici à 2050. Belfius a l’ambition de ne plus accorder de nouveaux crédits en faveur des énergies fossiles. Ces crédits disparaîtront d’ici à 2020. « Une démarche très positive », commentent les ONG. Mais il faut continuer sur cette lancée et étendre cette politique au financement en actions et obligations. [scald=2721807:sdl_editor_representation] De lents « scénarios d’extinction » Si des « scénarios d’extinction » se profilent, il faut presser le pas, disent les défenseurs du climat. « Certaines institutions financières sont en train de changer, sous la pression des actions internationales, confirme Sarah Schlitz, coprésidente de la Coalition Climat. Nous sommes satisfaits qu’elles se montrent réceptives, mais ce n’est pas encore assez, et pas assez vite. Par ailleurs, il subsiste un problème de transparence ». Pourquoi désinvestir ? Ce mouvement est dans l’intérêt de la planète, puisqu’il faut éviter de brûler toutes les réserves d’énergies fossiles connues. Mais retirer ses billes est aussi dans l’intérêt des institutions financières elles-mêmes, disent les activistes. Le mouvement de désinvestissement des énergies fossiles est en route, le coût des renouvelables est en forte baisse : les positions des entreprises actives dans les énergies fossiles vont se fragiliser. Mieux vaut se détourner de cette « bulle carbone », ces avoirs qui pourraient devenir « toxiques ». Il faut donc « organiser rapidement la sortie du charbon, du pétrole et du gaz pour toutes les formes de financement », insiste le rapport. Les banques devraient s’engager à « devenir zéro fossile ». Quant à l’Etat, qui est actionnaire de certaines de ces banques (un peu plus de 10 % pour BNP, 100 % pour Belfius), il doit engager plus franchement la transition énergétique et en faire une priorité politique. Et instaurer une obligation de rapportage des banques concernant leurs investissements liés au climat. « Aujourd’hui, à moins d’opérer un travail de fourmi, il est difficile, voire impossible, de connaître les activités des banques. Dans quoi investissent-elles ? A quelles entreprises prêtent-elles de l’argent ? Quelles activités réalisent-elles dans les paradis fiscaux ? »

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