Sur les routes de France, le carnet d’une folle campagne

En ce mois de janvier, une intuition nous avait saisis. La droite avait désigné son champion à l’automne. Balayé Nicolas Sarkozy et congédié Alain Juppé pour propulser François Fillon, l’homme qu’on n’attendait pas. La gauche allait organiser sa propre primaire après le coup de théâtre du renoncement de François Hollande. [scald=2725795:sdl_editor_representation] Le Front national n’était pas encore dans les starting-blocks. Emmanuel Macron traçait déjà son sillon. La présidentielle allait être confisquée par la chronique vertigineuse d’un système politique en pleine décomposition. Les Français eux-mêmes risquaient d’être les oubliés de la présidentielle. On ne s’imaginait pas encore à quel point. 1. Mercredi 25 janvier, Roubaix. Penelope, les précaires et les muets Le missile vient d’être propulsé le matin-même. Dans tous les kiosques du pays, le Canard enchaîné répand le premier épisode de l’affaire Penelope. A deux cent cinquante kilomètres de Paris, personne ne pressent encore qu’« House of Sarthe » va devenir la série haletante et cynique d’une invraisemblable campagne qui ferait presque passer Franck et Claire Underwood pour des personnages de la « Petite maison dans la prairie ». Roubaix est la ville la plus pauvre de France. Ici, c’est à la fin du mois que l’on songe et le revenu universel de Benoît Hamon nourrit la discussion. Dans les cafés, les musées, les maisons associatives et les cantines solidaires, on parle politique avec appétit. On débat de projets citoyens, on décortique les programmes. Echanges nourris et passionnés sur une élection dont certains croient encore qu’elle pourrait changer la vie. Les édiles, eux, en ont marre des reportages consacrés à la précarité. Le maire LR est aux abonnés absents. Ses adjoints aussi. Même l’attaché de presse de l’hôtel de ville se fait excuser. Curieux, cette façon de se planquer plutôt que d’expliquer les problèmes. « En France, on ne dit jamais les choses », résume si bien le philosophe Marcel Gauchet. [scald=2725669:sdl_editor_representation] Au cours de cette enquête, le maire de Roubaix ne sera pas le seul à nous bouder. Il faudra ferrailler des mois pour pénétrer au cœur de l’ENA à Strasbourg. Cachez cette polémique que l’on ne saurait voir… L’institution préfère longtemps refuser tout reportage que d’avoir encore à répondre sur ces fameuses élites, symboles d’un système dont les Français ne veulent plus et que refuse d’incarner cette école qui a formé tant de présidents. Dont François Hollande. En cinq ans et malgré de nombreuses demandes, le chef de l’Etat, qui a passé cent heures à commenter sa propre action avec des journalistes du Monde, ne nous a jamais reçus. Ni pour parler d’Europe, ni pour parler de la France. Marine Le Pen repousse sans cesse à plus tard le projet d’un entretien pour finir par nous faire dire qu’il n’aura jamais lieu. François Fillon nous propose l’inacceptable principe d’une interview « par écrit ». Et quand Jean-Luc Mélenchon finit par nous recevoir, il choisit les questions auxquelles il daigne répondre. En France, les précaires parlent toutes tripes dehors. Mais l’occupation du Palais ou l’aspiration au Trône continue à nourrir cette image d’arrogance dont le pays ne parvient décidément pas à se défaire. 2. Samedi 4 février, Lyon. Des étoiles, pas des huées [scald=2725667:sdl_editor_representation]s Ce week-end-là, tout le monde ou presque s’est donné rendez-vous à Lyon pour mesurer qui a la plus grosse (affluence). Comme si la campagne, anticipant le sprint final dans le brouillard des sondages, prenait déjà l’allure d’une course de petits chevaux. Avant Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen le dimanche, Emmanuel Macron ouvre le bal au Palais des sports de Gerland. L’homme a pris de l’épaisseur depuis ce premier meeting parisien, l’été dernier, quand les journalistes du monde entier ne cachaient pas leur scepticisme devant ce jeune blanc-bec qui prétendait aller « jusqu’à la victoire en 2017 » mais sans dire encore s’il serait candidat. Il a appris à poser sa voix, aussi, depuis qu’elle est partie en vrille à la porte de Versailles en décembre devant quinze mille personnes avec un « Vive la République, vive la France ! » si haut perché qu’il en a paru ridicule. [scald=2725671:sdl_editor_representation] Le leader d’En Marche ose. Il ose dire qu’il n’y a pas une « culture française » mais qu’il y a une « culture en France » et qu’elle est multiple. Il ose faire flotter des drapeaux européens dans la salle. De mémoire de correspondante, du jamais vu en campagne présidentielle ces quinze dernières années. Encore moins dans celle-ci, où huit des onze candidats envisagent de sortir de l’Europe. Macron fait taire les sifflets et les huées, rites jusqu’alors obligés des arènes de campagne. Un jeune homme est là, qui n’avait jamais voté mais s’est mis résolument « En Marche ». « Macron veut remettre la France ensemble », dit-il pour motiver son choix. On ne pourrait mieux résumer ce qu’on nous répétera si souvent. Si Macron séduit, ce n’est pas seulement parce qu’il vante le renouvellement. C’est aussi parce qu’il refuse d’opposer le public au privé, les actifs aux retraités, les indépendants aux salariés, les minorités à la « majorité », et bien sûr, la gauche à la droite. Beaucoup savent que ce sera difficile mais « en même temps », comme dirait leur nouvelle idole, ils veulent croire au rassemblement. Le vieux rêve d’une union nationale essaime dans une France depuis si longtemps fracturée. 3. Dimanche 5 février, Lyon. Dieu pour Fillon et Fillon pour chacun « Il n’y a que Dieu pour juger les hommes ». Mathieu parle d’évangile. Sur le parvis de l’abbatiale Saint-Just, sur les hauteurs de Fourvière, ce père de famille catho-tradi nous a repérés. Que viennent faire des journalistes européens à cette messe en latin ? On passe à confesse : « Parler politique ». C’est de Fillon qu’il est question après communion. « Ses affaires ne nous regardent pas », dit le paroissien, tout disposé donc à absoudre les péchés du candidat. Son prêche à lui est pour la famille, la vraie. Celle formée d’un père et d’une mère. Celle pour qui la PMA, la GPA sont les initiales du diable. Celle pour qui la théorie du genre vaut crucifixion. « Fillon a le programme qui nous convient le mieux. Voilà ! Après, c’est le ciel qui décidera ! », dit-il. On comprend là que, même s’il perdra quelques plumes dans l’électorat catholique au profit du FN (il passe en deux mois de 49 % à 37 % d’intentions de vote chez les pratiquants), le candidat de la droite, qui n’exclut pas de nommer des ministres issus de « Sens commun » (émanation politique de la Manif pour tous), ne va pas du tout s’effondrer. Peu importe qui le porte, ce qui prime, c’est son programme. La présidentielle devient un magasin des idées où chacun vient consommer le plat qui lui sied. Dans le wagon-bar d’un train qui nous ramène à Paris, un autre homme nous aborde. Il est chef d’entreprise. Il nous a entendus parler de Macron. Il se jette dans la conversation avec aplomb pour défendre Fillon. « La France étouffe ». « Les entreprises crèvent de charges ». « La fonction publique déborde ». « On ne peut pas embaucher puisqu’on ne peut pas licencier ». « On meurt du trop-plein de taxes ». Vient le chapitre privé. « Sous Hollande, nos allocations familiales ont été plafonnées ». On n’en place pas une. Comme si cet électeur, sentant la droite peut-être frustrée de la victoire qu’on lui disait acquise à l’automne, devait décompenser. Après un long monologue déversoir, il finit par tourner les talons. « Quoi qu’il arrive, je voterai Fillon ! ». Le 9 avril, le candidat de la droite répondra à tous ceux-là, venus chercher chez lui ce qu’ils attendent pour améliorer leur propre vie. « La France est plus grande que mes erreurs. Je ne vous demande pas de m’aimer. Je vous demande de me soutenir ». Dieu pour Fillon et Fillon pour chacun… 4. Jeudi 16 février, Béziers. Deux France, deux Algérie Mohamed n’est pas tout de suite à l’aise. On parle très peu aux journalistes, à la Devèze, dans cette banlieue populaire de Béziers où Robert Ménard ne manque pas une occasion de souligner qu’il a grandi. [scald=2725678:sdl_editor_representation] Mais, au pied des immeubles, on finit par mettre le jeune chauffeur routier en confiance. Le matin même, le maire (soutenu par le FN) a prétendu qu’en tant que Pied-noir, il avait une complicité immédiate avec les familles d’immigrés algériens. Qu’il se surprenait même à se laver scrupuleusement les mains comme le faisait sa propre famille, et que ça le rapprochait des ablutions des musulmans. Qu’il avait acquis le vote des cités parce qu’il refusait de marier les gays. Qu’il avait le tutoiement immédiat avec ces populations dont il se sentait si proche par ses racines. Mohamed assure qu’il n’a jamais vu Robert Ménard à la Devèze. Ou alors si, une fois, en période électorale. Il raconte que sa mère vient du même bled que le maire. Mais qu’elle n’a aucune forme d’affinité avec cette extrême droite. Pas la moindre. Que ce ne sont pas les lieux, mais les idées qui font la proximité. La veille, de l’autre côté de la Méditerranée, Emmanuel Macron a parlé de « crime contre l’humanité » à propos de la colonisation en Algérie. Fin connaisseur, l’historien Patrick Weil avait vu juste quand il nous avait reçus quelques jours plus tôt et qu’il avait préféré parler d’une «algérisation» que d’une « lepénisation » des esprits. « Certains croient aujourd’hui revivre ce qui s’est passé en Algérie. Ils pensent qu’ils vont être obligés de s’en aller comme en 1962, et qu’un “grand remplacement” se prépare. Pendant que d’autres, issus de l’immigration des musulmans d’Algérie, croient revivre la discrimination coloniale. Il faut arriver à déconstruire tout cela », nous confiait-il. Visiblement, cette présidentielle n’y sera pas encore parvenue. [scald=2725675:sdl_editor_representation] 5. Lundi 20 février, Hayange. Une France figée en argentique Il est midi mais les nuages bas ne sont pas dispersés. Face à la Vierge qui domine la colline d’Hayange, les hauts fourneaux éteints d’Arcelor sont comme des ombres grises sous le crachin. « On va manger ? » On va vite mesurer l’inanité de la question. Dans cette commune de 15.000 habitants gagnée aux dernières municipales de 2014 par le Front national, pas un restaurant n’est ouvert ce lundi. [scald=2725666:sdl_editor_representation] Les passants nous regardent éberlués quand on les interroge. Il y a bien longtemps que le centre-ville de l’ancienne cité ouvrière paraît déserté. C’est au Luxembourg que les jeunes vont au ciné. Quand ils y vont. « Vous auriez pu aller au Château », s’étonnera le maire FN, en évoquant la très chic demeure bâtie au siècle dernier à l’écart de la ville par le maître des forges Guy de Wendel. On pense à Arnaud Montebourg qui promettait de redynamiser « la France de Raymond Depardon ». L’homme de Frangy a bu la cuvée du rétrécissement mais il avait raison. Elle est là, cette France des années septante figée en argentique. Elle est à Hayange comme on l’avait déjà vue à Brignoles, dans ce canton du Var gagné en 2013 par le FN. Elle est à Béziers où Robert Ménard planque les commerces fermés en recouvrant les tristes vitrines de publicités touristiques. Elle est à Albi où un reporter du New York Times s’est arrêté.« La France perd, une à une, ses villes de province (…) où les juges rendaient justice, où Balzac situait ses romans, où les préfets émettaient des ordres et où les citoyens pouvaient acheter une cinquantaine de fromages différents », écrit le journal américain. C’est fou ce que les Français, pour réaliser, ont si souvent besoin de voir écrit ailleurs ce qu’ils ne voient pas sous leurs yeux. [scald=2725676:sdl_editor_representation] Christophe Guilly nous avait prévenus. Le brillant géographe s’était étonné quand on était allé le voir. « Vous allez faire un reportage sur la France rurale et un autre sur la désindustrialisation ? » On comprend maintenant ce qu’il voulait dire. Ces deux France sont les mêmes. Des France périphériques où vivent les oubliés de la mondialisation. 6. Mercredi 22 février, Saint-Germain-des-Prés « On ne saura jamais » Un café avec Gilles Boyer. L’ancien directeur de campagne d’Alain Juppé a pondu en quarante jours le récit de la défaite. « Juppé aurait-il pu être un plan B ? », lui demande-t-on. « On ne saura jamais, Joëlle », me répond, la voix presque cassée, celui qui pendant toute la campagne était inaccessible et devient soudain si touchant. L’éloignement du pouvoir transforme les hommes. 7. Dimanche 5 mars, Trocadéro. Plus de parapluie pour la droite [scald=2725664:sdl_editor_representation] Il pleut à verse au Trocadéro. Dans le camp Fillon, depuis deux jours, c’est la débandade. Mais « la base », le « socle » du candidat de la droite est là, qui résiste sous les bourrasques. On n’ose plus sortir un carnet. Un premier coup de canne, reçu d’un supporter fillonniste lors d’un précédent meeting à la Villette, fait passer l’envie de se revendiquer journaliste. On n’avait plus connu ça depuis les meetings des Le Pen, surtout ceux du père. On discute incognito avec les militants. Un plan B Juppé ? Aucun de ceux-là n’en veut. « Juppé, ce n’est plus la droite ! », glisse une retraitée. [scald=2725672:sdl_editor_representation] Qui avertit : si on la prive de Fillon, elle votera le Pen. Il pleut et c’est la digue entre droite et extrême droite qui prend l’eau. Fillon jure d’être le meilleur rempart contre le FN. Un sondage, il y a quelques jours, fait frémir. En cas de second tour Fillon/Le Pen, le candidat de la droite ne l’emporterait qu’avec 52,5 % des voix. La marge d’erreur. En 2002, Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen avait rassemblé 82 % des Français. C’était il y a quinze ans. Il y a une éternité. 8. Mardi 7 mars, Charroux. « Un autre monde » Le pick-up roule sous une pluie battante à travers les chemins de la Vienne, quelque part entre Poitiers et Angoulême. « J’ai quelque chose à vous faire voir », nous a prévenus Dominique Pipet. Voilà des jours que ce paysan de soixante ans prépare notre venue. Il n’en revient toujours pas qu’on vienne l’écouter, lui, cet éleveur qui n’en peut plus de voir tomber ses copains, suicidés pour s’évader d’une vie qui pour eux n’en était plus une. [scald=2725665:sdl_editor_representation] Des années qu’il crie mais que personne ne l’entend. Il crâne pour planquer sa douleur. « Le Français est comme le coq. C’est le seul animal capable de chanter les pieds dans la merde », rigole-t-il. Au bout d’un chemin boueux, il coupe le moteur. La salle de traite de son ami Patrick est là. Flambant neuve et pourtant vide. Pas une vache. Pas un sou. Pas de trésorerie. Pas d’avenir. Juste des dettes. Et le souvenir maintenant silencieux des jours heureux, quand le métier était prospère et que plein de gens venaient voir ses vieux. Deux jours plus tôt, le salon de l’Agriculture vient de fermer à Paris. Passage obligé des candidats à une présidentielle. C’est ici, porte de Versailles, que Chirac le Corrézien s’empiffrait de fromages et de saucisson en caressant la croupe des Salers. Ici que Sarkozy a lâché son « Casse toi pauv’ con ». Ici que Jospin avait essuyé des jets d’œufs avant le désastre de 2002. Ici que Marine Le Pen vient de passer dix heures (dix heures !) dans le vacarme ambiant. Ici surtout que pour quelques heures, on a cru Fillon promis à l’abattoir. Quand il a renoncé à la dernière minute à sa venue pour annoncer lui-même sa prochaine mise en examen. Mais qu’il est finalement remonté ragaillardi l’après-midi même sur sa moissonneuse-batteuse en garantissant que des terres brûlées jaillirait le blé d’un meilleur avril. Du salon, on n’a retenu que ça. Le FN qui laboure et la droite qui chancelle. [scald=2725670:sdl_editor_representation] Complètement étouffé par le bruit et la fureur d’une folle campagne, qui a vraiment entendu le cri désespéré des paysans ? Comme d’ailleurs celui des chômeurs ? Des ouvriers ? De ceux qui n’ont eu que si peu voix au chapitre et dont les populistes guignent le vote ? « Pour vous, nous avons été le support photo d’un reportage d’une journée. Pour nous, vous resterez ces gens venus d’un autre monde pour nous entendre saigner et que l’on n’oubliera jamais », m’écrit Dominique Pipet. Il signe : « un paysan parmi d’autres ». 9. Jeudi 16 mars, Nice. Ceux qui croient et ceux qui ne croient pas Latifa Charrihi nous attend sous le soleil dans le parc qui domine la plage de Nice. Là où elle a rendu hommage à sa maman, Fatima, première victime du camion fou le 14 juillet dernier. Latifa porte le voile depuis peu de temps. La foi l’aide à tenir, dit-elle. Mais elle ne croit pas qu’en Dieu. Elle croit aussi en la France, ce pays qui lui a tout donné, dit-elle, et qui risque de se fracturer. Elle veut se battre contre tous les imposteurs et les racistes. Ceux qui tuent en dévoyant l’islam. Et ceux qui injurient en pratiquant l’amalgame. Elle n’a que sa douleur et ses petits bras. Mais elle déplacerait des montagnes. Elle choisira celui des candidats qui saura le mieux rassembler, dit-elle. [scald=2725677:sdl_editor_representation] Dans ce pays dont le premier parti pourrait être dimanche celui des abstentionnistes, celui de ceux et celles qui ne croient plus, Latifa a décidément la foi. Elle ne parle pas de sécurité, mais à sa façon, d’une identité qui fait honneur à la France. Ce jour-là, l’émotion nous étreint. Ce n’est pas un candidat mais une citoyenne qui, dévastée par le chagrin, parle le mieux, avec ses mots simples, d’un pays à reconstruire. [scald=2725668:sdl_editor_representation] A quelques jours du scrutin, le ministère de l’Intérieur évoque des menaces graves, précises et imminentes avant qu’un attentat soit déjoué. La présidentielle se déroulera pour la première fois sous état d’urgence. 10. Samedi 18 mars, République. Le moment Mélenchon La place de la République est bondée. Comme l’était déjà la Bastille en 2012. On cite Pablo Neruda.« L’histoire n’en a pas fini avec la gauche ! », lance l’écrivain Laurent Binet. Dans sa veste de couvreur qui ne le quitte pas de la campagne, Jean-Luc Mélenchon a l’air aux anges. Le pavé gronde et la ferveur secoue les courbes des sondages. Dans deux jours, l’« Insoumis » décollera pour de bon après le débat à cinq. Celui où il parle des « pudeurs de gazelle » sur les affaires. [scald=2725674:sdl_editor_representation] En cinq ans, Mélenchon a beaucoup appris. Il chante plus souvent « La Marseillaise » que « L’Internationale ». Les balais, symboles en 2012 du « dégagisme », ont été remplacés par des drapeaux tricolores. Et l’ancien socialiste prend soin de ne plus faire l’éloge d’une France métissée comme il l’avait fait à Marseille il y a cinq ans. Il faut conquérir les classes populaires, au sein desquelles beaucoup sont partis au FN. Bizarre comme les contradictions éclatent pourtant encore au grand jour. Il refuse que la foule scande « Jean-Luc président ». Mais beaucoup de ceux qui soutiennent son mouvement confient leurs doutes sur le personnage, évoquent spontanément son « autoritarisme ». Dans son livre « Il est comment, Mélenchon, en vrai ? » (Grasset), Marion Lagardère m’étonne. Elle m’apprend que celui qui est incontestablement le meilleur tribun de la campagne déteste en réalité la foule. Et qu’en fait, s’il crie tout le temps, c’est parce qu’il est sourd. Trompe l’œil, comme son hologramme. Mélenchon veut une campagne «festive», appelle à répondre aux attaques avec « humour », harangue les foules en leur disant « Marrez-vous ! » et conclut ses clips par « Viennent les jours heureux ». Il est pourtant, selon une saisissante étude du Cevipof (Centre d’étude de la vie politique française) celui qui, derrière Marine Le Pen, séduit ceux qui ont le coefficient de « bonheur intérieur brut » le moins élevé. Autrement dit, ceux qui se sentent les plus malheureux. [scald=2725673:sdl_editor_representation] Les dés sont jetés. Dans cette campagne où tout n’est que rejet, la victoire pourrait dépendre de la colère des perdants.

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