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Paul De Grauwe: «Un Grexit serait inacceptable»

Professeur à la London School of Economics, il décode les raisons du désaccord persistant entre la Grèce et ses créanciers.

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Après plus de quatre mois de négociations, le risque grandit de voir la Grèce bientôt « en défaut de paiement ». Pourquoi un accord est-il si difficile à atteindre ?

Cela tient au décalage complet entre les deux camps. D’une part, les pays créanciers imposent des conditions qui sont de nature à rendre un compromis tout à fait impossible. Ils exigent d’Athènes la poursuite d’une politique d’austérité, dont l’expérience a montré qu’elle ne fonctionnait pas. Et cela, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la logique économique, mais avec une attitude moralisatrice, qui veut que le pays soit puni. D’autre part, la Grèce refuse, sur certains points, d’adopter une attitude plus conciliante, sans doute en raison des dissensions internes à Syriza, dont l’extrême-gauche refuse tout compromis.

Certaines exigences des créanciers sont donc « déraisonnables », comme l’a déclaré le Premier ministre grec Alexis Tsipras…

Tout à fait. L’austérité, qui maintient le pays dans une situation économique désespérée, réduit sa capacité à rembourser sa dette. Les créanciers devraient reconnaître que la stratégie basée sur l’austérité a échoué.

En l’absence d’accord, la Grèce serait incapable de rembourser le FMI en juin et la Banque centrale européenne (BCE) en juillet et août. Le « Grexit » serait-il alors inévitable ?

Tout dépendrait de la BCE. Soit elle continue d’alimenter le système bancaire grec en liquidités ; et la Grèce peut se maintenir dans la zone euro. Soit elle cesse de fournir des liquidités, et la Grèce n’aurait d’autre choix que de quitter l’union monétaire. Des fonctionnaires prendraient alors une décision politique majeure. Ce serait inacceptable. Si les Etats-membres de la zone euro ne veulent plus de la Grèce, c’est à eux de prendre la décision et de l’assumer. Sans doute les traités européens ne permettent-ils pas d’exclure un pays de l’union monétaire ; mais confier cette « mission » à la BCE serait aberrant…

Le retour à la drachme serait, dit-on, une catastrophe pour la Grèce, mais l’union monétaire y résisterait…

A court terme, sans doute. Mais la sortie de la Grèce changerait la nature de l’union monétaire, qui ne serait plus définitive, mais temporaire. Et à la prochaine crise, la question serait : le pays concerné va-t-il quitter la zone euro ? Ce serait terriblement déstabilisateur.

Un accord est-il encore possible ?

Oui. Avec du bon sens des deux côtés et une perception correcte des enjeux : il ne s’agit pas seulement d’arriver à un accord qui permette le versement des fonds promis à Athènes – avec lesquels la Grèce rembourserait ses créanciers. Car cela ne résoudrait le problème que pour quelques mois. La stratégie doit viser plus haut : sortir la Grèce de la dépression et, ainsi, du piège de la dette.

 

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