Claude Brasseur: «Ma plus belle réussite, c’est mon fils. Un mec très bien»

Quel rapport y a-t-il entre Clemenceau, Jacky Pic et monsieur Henri ? Claude Brasseur. A 79 ans et près de 60 ans de carrière, l’acteur qu’on a aimé dans Un éléphant ça trompe énormément, La guerre des polices, Une histoire simple, La Boum ou Le souper, continue d’enchaîner les rôles au cinéma et au théâtre avec jubilation. En tournée théâtrale avec La colère du tigre où il campe Clemenceau, cela ne l’empêche pas d’assumer le tournage de Camping 3 où il retrouve avec jouissance la panoplie de Jacky Pic, campeur indécrottable en socquettes blanches aux Flots Bleus, tout en faisant la promo du film d’Ivan Calbérac où il interprète un vieux ronchon solitaire obligé d’accueillir une étudiante. Trois rôles très différents, le théâtre, la promo, un tournage… Comment préservez-vous votre envie de ce métier ? Contrairement à beaucoup de mes camarades intellectuels, je suis un instinctif. Ce que j’aime, et qui me paraît le plus important, c’est de me déguiser. J’adore. En socquettes dans Camping, avec une grosse moustache pour Clemenceau, en M. Henri, c’est très amusant. Et c’est très important, le costume. On ne se tient pas de la même façon si on est en jeans/tee-shirt ou en smoking. Quand je joue des polars, j’ai un gros revolver et un blouson de cuir et je montre qu’il n’y a pas intérêt à venir me faire chier. Dans la vie, je ne me servirais pas d’un revolver. Hélas, j’ai dû m’en servir quand j’étais soldat… Dans « L’étudiante et monsieur Henri », vous communiquez votre plaisir d’acteur… C’est exact. Je me sens beaucoup de points communs avec monsieur Henri. Notamment la pudeur. Je n’aime pas trop dire les choses, par timidité. Je vais vous faire un aveu : il m’arrive encore, à mon âge, d’avoir une petite hésitation de quelques dixièmes de seconde, avant d’entrer tout seul dans un restaurant. Ça me gêne un peu. Je ne suis pas très amateur de ce qu’on appelle la popularité. Je préfère la célébrité. Dans le premier cas, on reconnaît la personne, dans l’autre, on la connaît. Votre popularité est arrivée quand, d’après vous ? Assez tôt, avec Vidocq en télé. Mais pour moi, la popularité, c’est quand je remplis les salles. J’ai la chance, en ce moment, de faire 800 personnes tous les soirs avec La colère du Tigre. Les gens viennent nous voir, au contraire de la télévision où nous allons les voir. « L’étudiante et monsieur Henri » parle de l’accomplissement. Vous-même, vous avez tout de suite su la voie à prendre pour vous accomplir ? Je ne suis pas « le fils à papa », je suis le fils d’une famille. Il y avait mon père, bien sûr, mais aussi ma mère, mon grand-père, mon arrière-grand-père, etc., un héritage depuis 1820. Ça fait un moment qu’on encombre ! Mais était-ce une évidence ou vous êtes-vous posé des questions ? Jamais. Ce serait comme demander à un petit Noir : « Mais pourquoi es-tu noir ? » Il dirait : « regardez mes parents ». Moi, j’ai l’impression que j’étais acteur avant d’être né. D’ailleurs, j’en ai rarement parlé à mes parents. Ça s’est fait comme ça, tout naturellement. Mes parents, c’étaient mes parents, sans plus. Une fois, j’ai demandé un conseil à mon père car j’hésitais sur un rôle. Il m’a répondu d’une boutade, mais intelligente : « Travaille avec les gens avec qui t’as envie de boire un coup et bois un coup avec les gens avec qui tu as envie de travailler ». C’est très vrai. C’est important d’être heureux d’aller travailler, même si je n’ai jamais considéré ce que je fais comme un travail. Autour de vos parents, il y avait aussi tout un petit monde… Par leur intermédiaire, j’ai été élevé par leurs collègues de bureau : Sartre, Perrier, Montand, Signoret… Je n’ai eu que très tard la conscience de leur importance. Mon parrain était Hemingway, à qui mon père me confiait pendant certaines vacances. Moi, tout ce que je pouvais dire quand j’en rentrais, c’était « ouh, j’aime pas. Tonton a une barbe, et ça pique ». Mais ils m’ont tous apporté quelque chose inconsciemment. Vous vous souvenez de vos débuts, car je pense à la jeune Noémie Schmidt qui a dû être impressionnée à vos côtés ? J’aime bien cette question car oui, je m’en souviens, c’était en face de Monsieur Jean Gabin. Inutile de vous dire que bien que Jean et mon père furent très copains, j’étais dans mes petits souliers. J’avais les jetons, j’étais très impressionné. Avec M. Henri, pour différents aspects, je me doutais que Noémie devait l’être aussi. Mais moi aussi, malgré mon âge, j’étais comme elle, impressionné de travailler avec une remarquable et ravissante comédienne. Et puis, j’aborde un rôle toujours comme un débutant, j’écoute mon metteur en scène. Pour Noémie, elle était en droit de se dire : mais qu’est-ce que je fous devant ce vieux con, il a fait plein de films et la moitié doit être à chier ! Dans le film, on parle aussi de la notion de réussite et d’échec. Quels sont vos réussites et échecs dans votre carrière à 140 films ? Je revendique ma plus grande réussite : mon fils. Un mec très bien, avec qui je m’entends admirablement bien. J’espère, dans l’avenir, avoir encore quelques années pour pouvoir prendre ma femme et mes enfants dans mes bras. Le reste, à mon âge, je n’ai plus rien à prouver. Je ne voudrais pas que ce soit pris d’une façon prétentieuse mais bon, j’ai tout connu. J’ai eu un tas de récompenses, des Césars, des Molières. J’ai eu la chance d’avoir des triomphes mais la chance, aussi, de connaître des bides. Et puis, triomphe, échec, ça dure un quart d’heure. Ça va, quoi. Tous les plus grands acteurs du monde, dont je ne fais pas partie, ont connu des échecs. Pour moi, le plus important, c’est de réussir sa vie. Parfois, un échec ou une réussite influence la réussite de la vie. Pas moi. Les gens que j’aime – ma famille, quelques amis – n’ont jamais changé d’un iota après un triomphe ou un bide. La bise restait la même. A votre fils, que pensez-vous avoir légué ? L’amour. Il aurait voulu être charcutier ou ébéniste, je l’aurais aidé de la même façon. Il a voulu me suivre. Normal. Que vous a apporté ce film ? Beaucoup de joie. D’abord, parce que je m’y suis retrouvé, dans la pudeur de cet homme. Et il est drôle. Et les gens rient. C’est merveilleux de créer de l’émotion. Que ce soit au cinéma ou au théâtre, je ne joue jamais « pour » le public, alors on fait la pute. Non, je joue « avec » le public. J’aime lui transmettre une émotion, même la peur ou l’angoisse. J’ai adoré voir les gens rigoler et finir en larmes. Que vous apporte le cinéma ? Beaucoup d’argent ! Non, pas beaucoup… Mais un travail d’équipe. Au cinéma, tous les corps de métier ont la même importance. La seule différence, c’est que seul l’acteur ne peut pas être remplacé. Même un metteur en scène se remplace, et je l’ai vécu. Ce métier… C’est pas un métier, c’est un art de vivre. Mais c’est un métier d’enfant. Comme le rugby, que j’adore. On joue mais on fait aussi de la comédie, en équipe. C’est comme lors de l’adolescence : entre les cours, il y a la récré et les petits garçons y jouent souvent aux gendarmes et aux voleurs. Qu’est-ce que je fais aujourd’hui ? Un jour, je suis gendarme, un autre, voleur. Ou empereur, homosexuel, etc. C’est la récré, quoi ! [scald=78056:sdl_editor_representation]

Votre compte

Claude Brasseur: «Ma plus belle réussite, c’est mon fils. Un mec très bien»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Cinéma

L’actrice Anne Heche est décédée

Parfums de scandale : tour d’horizon de 83 films parmi les plus dérangeants de leur temps

Médias: l’audiodescription pour les malvoyants, un vrai défi pour la RTBF

Tax shelter: deux dossiers font exploser le montant des rejets fiscaux

Cinéma: retrouvez toutes nos critiques de films

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

L’enquête du FBI sur Trump concerne une possible violation de la loi sur l’espionnage

Salman Rushdie: un symbole poignardé

Guerre en Ukraine: bras de fer autour de l’envoi d’experts de l’AIEA à la centrale nucléaire de Zaporijia

L’actrice Anne Heche est décédée

Monténégro: au moins onze morts dans une fusillade

Olivia Newton-John, Daniel Lévi… la mort des artistes ne se monnaie plus guère en radio

Gestion des salaires : quand la Belgique est à la pointe de la technologie

Combiner travail et études : voici vos droits et obligations

Voiture de société et grandes vacances : tout ce qu’il faut savoir

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel