Les réformes françaises, clé d’un succès européen de Macron

Promettre est une chose. Gagner – sur foi de ses promesses – en est une autre. Et enfin les concrétiser une fois au pouvoir en est encore une autre. En matière de questions européennes – qui ne sont autres que des questions intérieures débattues ou décidées au niveau européen –, Emmanuel Macron s’est engagé à tenter d’infléchir le cours de la politique européenne : créer un budget pour la zone euro qui serait géré par un véritable ministre des Finances européen, sous le contrôle d’un parlement de la zone ; promouvoir un «Buy European Act» qui favoriserait dans les marchés publics les entreprises produisant en Europe ; développer les « coopérations permanentes » de défense… Le nouveau président a été ministre de l’Economie pendant deux ans : assez pour avoir appris la complexité des processus de décision européens. Il sait parfaitement que le champ du possible en la matière n’est pas déterminé par sa volonté et son ambition, combien grandes fussent-elles, mais par la résultante des différentes tendances qui traversent l’Europe. Passé l’enthousiasme unanime d’avoir vu Macron défaire sèchement Marine Le Pen, les questions concrètes reprendront vite le dessus. Avec comme premier enjeu : le président élu réussira-t-il à obtenir un assouplissement des règles budgétaires afin de favoriser les investissements ? Et au-delà, sera-t-il en mesure de donner une impulsion à un renforcement de la zone euro que tout le monde souhaite, mais pas toujours de la même façon ? [scald=2760711:sdl_editor_representation] Tout le monde sait qu’à ce sujet, c’est à Berlin que le successeur de Hollande devra négocier la réponse. Car si la France, depuis toujours à la peine pour respecter les critères budgétaires sanctuarisés dans le traité de Maastricht, est à la tête des pays demandant plus de flexibilité et de solidarité, l’Allemagne est la gardienne de l’orthodoxie. « Il ne faut attendre aucun pas majeur avant les élections allemandes en septembre », explique Fabian Zuleeg, directeur du think tank European policy centre. Et si la probabilité du renouvellement de la grande coalition conservatrice et sociale-démocrate est haute, avec Merkel restant à sa tête, le poids du SPD pourrait modifier la donne. » S’il se renforce, il pourrait obtenir le ministère des Finances, traditionnellement tenu par les faucons de la CDU, tel l’actuel titulaire Wolfgang Schaüble. Or l’actuel ministre des Affaires étrangères Sigmar Gabriel a professé, lundi à l’occasion de la présentation de son livre, que « la victoire de Macron porte en elle un devoir pour nous en Allemagne, car il faut que Macron réussisse. S’il échoue, Madame Le Pen sera présidente dans cinq ans et l’Europe disparaîtra. » [scald=2760740:sdl_editor_representation] Il y a toutefois un préalable : « C’est de savoir avec quelle majorité Macron se retrouvera après les législatives , explique une source belge de haut niveau. S’il a une majorité qui lui permet de gouverner au centre ou au centre droit, cela pourrait déclencher le déclic chez Merkel. » Avec ce paradoxe que relève Karel Lannoo, le patron d’un autre think tank, le Centre for European political studies : « Dans la campagne législative, Macron devra continuer à faire plaider pour une réforme de la gouvernance budgétaire européenne. Mais s’il le fait trop, cela risque de peser très négativement sur la campagne allemande. Les Allemands sont devenus sur ces questions encore plus allemands, comme le montre le débat qui fait rage sur la politique accommodante de la Banque centrale européenne. » La faiblesse des taux d’intérêt y est en effet très mal vécue, notamment par les pensionnés/rentiers. « Avant toutes choses, Macron devra prouver à Merkel qu’il peut produire des résultats, en particulier sur la réforme du marché de l’emploi », complète Zuleeg. Lequel imagine que « le moment venu, encore très hypothétique, Berlin et Paris pourraient convenir d’un « paquet. Il devrait comporter des mesures concrètes qui iraient au-delà de la flexibilité. Notamment vers la création d’une capacité fiscale pour la zone euro. » [scald=2760741:sdl_editor_representation] Le thème du « package » avec son volet « investissements », est ardemment défendu par le Premier ministre belge chaque fois qu’il en a l’occasion auprès de la chancelière.« On pourrait conclure un accord sur un calendrier qui serait conditionné par des réformes : cela permettrait déjà de donner un signal, explique notre source belge parlant sous couvert de l’anonymat. La question ultime, c’est évidemment la mutualisation des dettes à l’échelle de la zone euro. Mais il faudra en passer encore par pas mal d’étapes intermédiaires avant cela. » La raison : l’Allemagne et tous les pays (plutôt nordiques) aux comptes équilibrés craignent par-dessus tout de finir par payer pour les dettes de ceux qui ne font pas les mêmes efforts. Emmanuel Macron envisagerait, selon une bonne source qui l’a confié au Soir, d’inclure la défense dans un éventuel « package » : un domaine où – tout le monde le sait aussi – l’Allemagne contribue très peu, tandis que la France qui sera la seule grande puissance militaire de l’UE une fois le Royaume-Uni sorti, en supporte un effort inversement proportionnel. Macron trouvera là-dessus de solides alliés parmi les Nordiques. Le Premier ministre finlandais Sippila a laissé entendre sur son blog, au lendemain de la victoire de Macron, à la fois sa tiédeur sur un budget de la zone euro géré par un ministre des Finances européen, et sa satisfaction quant à l’importance que le nouveau président veut accorder à la coopération en matière de défense. Car c’est une Finlande inquiète qui partage 1.340 kilomètres de frontière commune avec la Russie… Mais sur cela, comme sur le reste, la Finlande comme tous les autres partenaires de la France sont dans l’expectative, les yeux rivés sur les résultats des législatives françaises qui diront si Macron, qui dispose d’un grand capital favorable, aura les moyens de gouverner.

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