À quoi sert le Premier ministre français?
Le chef du gouvernement français est le numéro deux de l’État. Son influence varie en fonction des rapports de force politiques.

Le chef du gouvernement français est le numéro deux de l’État. Son influence varie en fonction des rapports de force politiques, se renforçant à mesure que le président faiblit.
Nommé par le président de la République, le résident de l’hôtel Matignon détient notamment une partie du pouvoir exécutif et dirige l’action du gouvernement. Dans le concret, ces attributions renvoient à des pratiques du pouvoir diverses.
Le rôle du Premier ministre varie en fonction des rapports de force parlementaires. Lorsque le président de la République dispose d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, la relation est asymétrique. « Le Premier ministre a du mal à exister et traduit dans la forme législative le programme du président, explique le constitutionnaliste Pascal Jan, professeur des universités à l’institut d’études politiques de Bordeaux. Le chef du gouvernement fait l’interface entre le président et le parlement. » Michel Verpeaux, professeur de droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, complète : « Le Premier ministre peut difficilement faire des choses qui vont à l’encontre du président de la République. » Ce cas de figure est symbolisé par le binôme composé par Nicolas Sarkozy et François Fillon. L’ancien président avait prononcé en 2007 une formule restée célèbre : « Le premier ministre est un collaborateur. Le patron c’est moi. »
Lorsque le président s’affaiblit, le Premier ministre se renforce
Les choses sont différentes lorsque le président de la République n’obtient, au Parlement, qu’une majorité relative (le chef de l’État est soutenu par davantage de députés que ses concurrents mais ne dispose pas de la majorité absolue). Cette situation s’est présentée en 1988, peu après la réélection de François Mitterrand à la tête de l’État. Le Premier ministre Michel Rocard en a profité pour occuper le devant de la scène. « Dans cette configuration, le chef du gouvernement est à la manœuvre pour dégager une majorité sur les textes importants, analyse Pascal Jan. Michel Rocard a pris une dimension plus importante que bien d’autres de ses prédécesseurs. »
Le pouvoir du Premier ministre est encore renforcé lorsque le président est en minorité à l’assemblée. Il s’agit d’une cohabitation. Le chef du gouvernement est issu d’un courant politique différent de celui du président de la République et se comporte en patron de l’exécutif. Il applique sa propre politique, sans rendre de compte au chef de l’État. « Le président continue de jouer un rôle, notamment en matière de défense et de politique étrangère, mais ne peut réellement s’opposer au Premier ministre, décrypte Pascal Jan. En 1986, lors de la première cohabitation de l’histoire entre François Mitterrand et Jacques Chirac, le président socialiste a par exemple refusé de signer des ordonnances qui auraient permis au patron de la droite de réformer plus vite. Malgré cet écueil, ce dernier a quand même pu appliquer son programme grâce à sa majorité parlementaire. »
« La domination du président de la République est donc très fluctuante », résume Michel Verpeaux. Lorsque le président s’affaiblit, le premier Ministre se renforce.
Vers la fin du rôle de « fusible »
Selon la théorie du « fusible », le Premier ministre français prend les coups pour le président. Lorsque le chef du gouvernement est critiqué, le chef de l’État s’en débarrasse afin de sauver sa cote de popularité. « En 1993, Jacques Chirac a même refusé d’être nommé Premier ministre afin de mieux se préparer pour l’élection de 1995 », se remémore Pascal Jan. L’ancien dirigeant gaulliste est le seul ancien Premier ministre, avec Georges Pompidou, à avoir été élu à la magistrature suprême. Jacques Chaban-Delmas, Raymond Barre, Édouard Balladur, Lionel Jospin et François Fillon ont tous terminé troisième au premier tour d’une élection présidentielle. Laurent Fabius, Dominique de Villepin, Alain Juppé, Manuel Valls ou Michel Rocard ont quant à eux essayé de se présenter sans obtenir l’investiture de leur parti ou les 500 signatures d’élus indispensables à leur candidature. Le passage du septennat au quinquennat, entré en vigueur à l’occasion de l’élection présidentielle de 2002, constitue toutefois un changement important. « La durée de mandat du président de la République concorde environ avec celle de la législature. Durant le septennat, je vois mal comment un premier Ministre aurait pu rester pendant l’intégralité du mandat du président, comme cela a pu être le cas pour François Fillon lors de la mandature de Nicolas Sarkozy. Le président de la République n’a plus la même perception du temps », explique Michel Verpeaux.
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