De Wever veut façonner sa police

Bart De Wever veut plus de policiers allochtones dans les rues d’Anvers et se donne les moyens d’y parvenir. Durant deux ans, une commission locale de sélection recrutera les agents anversois dans le cadre d’un projet pilote qui débutera au printemps prochain. Des aspirants qui ne suivront donc pas le parcours habituel et qui échapperont à la (trop) longue procédure de sélection (entre un et deux ans) organisée par la police fédérale. Le bourgmestre espère recruter 500 agents, notamment en menant des campagnes ciblées pour inciter les jeunes, surtout d’origine étrangère, à intégrer ses commissariats. Un cadre complet, une police multiculturelle pour une ville qui l’est tout autant : séduisante à première vue, l’idée de Bart De Wever est pourtant loin de faire l’unanimité… Certains y voient plutôt une tentative à peine voilée du président de la N-VA de défédéraliser le recrutement et la formation des policiers. « Monsieur De Wever est un excellent communicateur. Il présente ce projet comme une solution miracle à la lenteur de la procédure d’engagement », réagit Bernard Clerfayt (FDF), bourgmestre de Schaerbeek, zone qui compte 15 % d’effectifs d’origine étrangère et qui affiche un cadre complet. « En démantelant le caractère unique d’une police fédérale à deux niveaux, il apporte une mauvaise réponse au problème. Ce qu’il aurait fallu demander au ministre de l’Intérieur, c’est une accélération de la procédure de recrutement « pour tous ». « C’est une mini-réforme de l’État ! » En effet, pour amortir les futurs départs à la pension – qui, on le sait, seront très nombreux – 1.500 agents devraient sortir chaque année de l’école de police. Or, ils ne sont actuellement qu’un petit millier. De précieuses recrues que les zones qui peinent à remplir leurs cadres s’arrachent. Il y a donc bien un véritable problème de timing. Cela, personne ne semblait le nier ce jeudi. « Bart De Wever essaye surtout de casser le modèle fédéral qu’est la police intégrée et qui, il est vrai, ne fonctionne pas très bien pour le moment. Notamment parce qu’il est sous-financé, poursuit Bernard Clairfayt. C’est une mini-réforme de l’État ! » L’audace anversoise inspirera-t-elle d’autres communes, au point, comme le craint le bourgmestre de Schaerbeek, que la Commission de sélection de la police fédérale se retrouve vidée de ses compétences ? En théorie, c’est possible. Il suffirait que d’autres communes se portent candidates et obtiennent le feu vert du ministre de l’Intérieur. « Mais », précise Jean-Marie Brabant, président de la Commission permanente de la police locale, encore faudrait-il qu’elles en aient les moyens. Dans le cas d’Anvers, le manque d’effectifs est tel que l’on a souhaité aller au plus court ». Une procédure express qui coûtera cher à la zone. Anvers devra en effet assumer le traitement de chaque recrue locale pendant son écolage à l’Académie de police, soit environs 1.600 euros nets par mois, ainsi que le coût de la formation et les charges patronales, apprend-on encore auprès de la Commission permanente. « Et par ailleurs, poursuit Jean-Marie Barbant, il faudra voir après deux ans si on a bien la garantie que la qualité des tests est équivalente à celle de la procédure fédérale ». Des tests auxquels échouent quatre candidats sur cinq. « Bart De Wever n’a rien inventé » « Ce constat, qu’il manque des recrues, a été posé il y a quinze ans », pointe Vincent Gilles, président du SLFP-Police. « À l’époque déjà, on avait tenté d’utiliser la discrimination positive pour remédier au manque d’effectifs dans certaines zones. Le problème, c’est que la plupart des candidats d’origine étrangère, même de deuxième génération, échouent au test pour un problème de manque de maîtrise de langue officielle. Bref, Bart De Wever n’a rien inventé ! » Pire, estime Vincent Gilles, son projet va à l’encontre du principe de « police intégrée » et n’a pour vocation que de court-circuiter la commission de la police fédérale. Le SLFP annonce qu’il compte demander des explications au ministre de l’intérieur.

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