Isha: «J’ai appris à mener un projet jusqu’au bout»

Après l’album (La vie augmente, coup de pouce de JeanJass et Veence Hanao inclus), Isha s’en va désormais balader en live son flow chaloupé et ses textes écrits à l’encre de l’honnêteté. Avec la même passion. [scald=2765194:sdl_editor_representation] Vous présentez ce que vous faites comme quelque peu « différent » : par rapport à la vague actuelle du rap belge francophone ? La différence est dans le discours. Je sais que je parle beaucoup de moi, et je n’entends pas souvent des rappeurs qui en disent autant sur eux. C’est quelque chose que j’apprécie chez un rappeur : quand j’écoute son projet, à la fin, je sais qui il est. J’ai ce truc-là, je suis moins pudique, et c’est en ça que je me sens un peu plus « ovni ». Et puis, c’est aussi par rapport à la tranche d’âge : j’ai déjà plus de vécu que la plupart des rappeurs d’aujourd’hui. Quand j’écoute deux, trois morceaux de nombre d’entre eux, je trouve qu’ils ne racontent pas grand-chose. En même temps, je ne savais pas si c’était une qualité, je ne savais pas si ça allait fonctionner, si les gens allaient aimer ça. Mais quand je vois les premiers retours, ça fait plaisir. Il y a eu un tournant dans votre parcours ? Vous avez commencé sous le pseudo de Psmaker avant de « reprendre » votre prénom : vous vous êtes mis à écrire autrement aussi ? Non… J’ai toujours écrit dans ce sens-là, mais ça a mûri. Avant, j’essayais, et je pense que là, je le fais mieux qu’avant. Dans le contenu, il n’y a pas eu de changement, il est dans la manière de travailler. Je suis quelqu’un qui peut vite baisser les bras, se décourager (NDLR : on croit savoir qu’il a dans ses cartons deux ou trois mixtapes inédites), mais aujourd’hui, j’ai appris à mener un projet jusqu’au bout. Pour la première fois aussi, il y avait des gens autour de moi qui attendaient quelque chose. Je dois travailler, maintenant, c’est beaucoup plus sérieux. On connaît l’univers bien marqué de quelques-uns de ces rappeurs belges : celui de Caballero & JeanJass, « Bruxelles arrive », c’est Roméo Elvis… Et vous, vous avez écrit un texte comme « Frigo américain », dans lequel – histoire vécue – cet électroménager est une métaphore de la réussite sociale. C’est le plus « intime » ? Celui-là et celui de La vie augmente. En termes d’émotion. Je le sais parce que quand j’écoute La vie augmente, j’ai encore la chair de poule, et toujours au même moment… Ça veut dire que je vis le truc, et c’est là que je sais que j’ai réussi l’exercice. Comment naît un tel morceau ? Tout part d’un sentiment, d’une pensée, d’un souvenir. D’un ressenti. Après, je le vis au travers des semaines ou des mois, avant de commencer à écrire. Beaucoup de morceaux ont été construits dans ma tête avant d’être écrits. Et en général, ces morceaux-là, ça coule, je les écris sans ratures, et ce sont les meilleurs, les plus… deep. Mais c’est du dosage : il y a des écritures un peu plus sales et d’autres un peu plus propres, et puis, j’essaie de mélanger. Si c’était un verre, je me dirais : « Je vais mettre 30 % de sale, des trucs plus intimistes et puis un peu d’humour… » Ces temps-ci, la tendance est aux textes « sales », crus, qui accrochent bien les gamins… Il faut dire ce qui est : ils aiment ça, et même nous ! C’est ce que Booba appelle le « trash talking ». Ce sont des images très sales, mais étrangement, la plupart des jeunes, ça les fait rire. Je compare ça à des scènes de films un peu gore, où le mec sort sa tronçonneuse et ça découpe, tu vois ? Plus c’est bête et méchant, plus ça va amuser. Ça se ressent dans l’humour, dans le cinéma, regarde Django… Après, tu as les artistes qui ont compris que ça fonctionnait et qui ne font que ça, et tu as les artistes un peu plus smart et qui saupoudrent leur musique de ce genre de chose. Pour moi, il faut doser. La France s’intéresse aussi à « nos » rappeurs… Qu’ont-ils de différent ? Ma théorie, et c’est la même depuis longtemps, est qu’on écoute de la meilleure musique, on a de meilleures références que les Français. J’ai l’impression qu’on a une meilleure culture, on connaît mieux nos classiques qui sont à la limite les leurs, et on creuse plus. Je pense que c’est dû au fait qu’à l’époque, on était un peu isolés, il fallait se déplacer pour trouver les nouveautés, les bonnes mixtapes, et on a gardé cet esprit de recherche. Alors qu’en France, ils allument Skyrock, Générations, ils entendent, « OK, c’est bon, on écoute et on va au concert ». Le 19 mai aux Nuits Botanique, avec Caballero & JeanJass (c’est complet), le 1er juillet à Couleur Café. Album : La vie augmente (distr. Universal). [scald=2765196:sdl_editor_representation] [scald=2765195:sdl_editor_representation]

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