Le troisième procès criminel d’un député

Le procès de Christian Van Eyken, le seul député francophone du parlement flamand, qui s’est ouvert sur une fixation d’agenda, lundi matin devant la 90e chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles, ajoute un petit morceau d’histoire à la vie parlementaire belge. C’est la troisième fois (seulement et heureusement) qu’un député se retrouve devant les juridictions criminelles pour y répondre d’un homicide. En 1886, le député bruxellois Auguste Vandermissen avait été condamné à 10 ans de réclusion (il en purgea 2) pour le meurtre de son épouse Alice Renaud, abattue de quatre balles tirées de son pistolet British Bull Dog, allée Verte à Schaerbeek. En 2016, le député wallon Bernard Wesphael, initialement inculpé de l’assassinat à Ostende de son épouse Véronique Pirotton, fut acquitté au bénéfice du doute par la cour d’assises du Hainaut. Un Bruxellois, un Wallon : Christian Van Eyken, député flamand (même s’il est francophone), complète la trilogie fédérale de ces députés traînés sur le banc d’infamie. Renvoyé en correctionnelle Le tribunal a renvoyé au 20 juin la fixation du rôle des témoins à comparaître au cours de ce procès d’exception qui devrait aborder le fond du dossier en septembre prochain. La réforme de la Cour d’assises voulue par le ministre Koen Geens a dévolu au tribunal correctionnel plutôt qu’aux assises et à son jury populaire le soin de débrouiller cette intrigue criminelle dont les protagonistes, le député Van Eyken et sa maîtresse et assistante parlementaire Sylvia Boigelot, se disent innocents. L’un et l’autre auraient pu échapper aux foudres de la Justice si l’attention du médecin légiste commis à l’autopsie du corps de Marc Dellea, 45 ans, un marchand de café de Laeken, époux divorcé de Sylvia Boigelot avec laquelle il avait eu une fille alors âgée de 9 ans, n’avait pas repéré un petit trou à l’arrière du crâne du cadavre. Le médecin de famille, appelé à constater le décès du quadragénaire, avait d’abord conclu à une mort naturelle. Au bout de quinze mois d’enquête, les soupçons s’étaient resserrés sur l’épouse. Les enquêteurs avaient d’abord envisagé l’hypothèse d’un crime de rôdeur, une fenêtre de l’appartement du crime étant ouverte. Ils s’étaient ensuite rendu compte que l’entreprise de Marc Dellea avait été mise au nom de son épouse, copropriétaire également d’une maison achetée en 2012 à Tubize. Lors d’interrogatoires, elle avait admis que son couple battait de l’aile mais qu’ils vivaient toujours ensemble, même si elle logeait souvent chez son amant et patron, le député Van Eyken. Un divorce était envisagé et un conflit existait quant à la garde de la fille du couple. L’incroyable libération Le médecin légiste avait établi que la mort de Marc Dellea, découvert sans vie le 8 juillet 2014, remontait à 48 h plus tôt, donc le 6 juillet. Les caméras de l’immeuble de l’avenue Mutsaard avaient enregistré la sortie de Boigelot et du député, sans plus jamais capter d’images de Marc Dellea. Sylvia Boigelot avait été arrêtée, quelques mois avant le député Van Eyken. Il ne fut incarcéré que deux jours. Le juge d’instruction, qui lui avait signifié son placement en détention avant de l’inculper d’assassinat, avait commis une incroyable bévue : il avait oublié de signer le mandat d’arrêt, le frappant ainsi d’illégalité. Remis en liberté, Christian Van Eyken, assumait depuis ses obligations au parlement flamand qui avait levé son immunité parlementaire.

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