Qui peut faire peur à Nafissatou Thiam?

Un peu plus de huit mois de digestion, comme elle le dit elle-même, « ça va ! » Ce week-end, pour la première fois depuis son triomphe olympique de Rio, Nafissatou Thiam va enfin retrouver son heptathlon chéri au meeting de Götzis, cette Mecque autrichienne des épreuves combinées, où elle a pris l’habitude d’entamer sa saison depuis 2014. Dans le coquet stade Mösle où s’affrontent chaque année les meilleurs spécialistes (hommes et femmes) de sa discipline, tout est réuni pour briller : l’environnement, les conditions de compétition, la concurrence et le public. Et si elle tombe forcément très tôt au calendrier, cette épreuve constitue généralement un bon banc d’essai et un excellent baromètre. Surtout quand, comme ce sera le cas cette année, le temps est de la partie ! « Je me sens bien, affirme-t-elle. Mais on sait que Götzis tombe toujours un peu tôt et qu’il faut être prudent avec les résultats qu’on y obtient. L’an dernier, j’avais terminé avec 6.400 points (NDLR : 6.491, en fait) et j’en avais obtenu 6.800 (6.810) deux mois plus tard aux Jeux. » Cette édition 2017 sera aussi celle de l’entame d’un nouveau cycle olympique. Un cycle que la Namuroise va démarrer avec le statut d’« athlète à battre » et d’incontestable nº 1 mondiale, encore accentué par le départ à la retraite de ses deux dauphines de Rio, la Britannique Jessica Ennis et la Canadienne Brianne Theisen-Eaton. « Dès le lendemain des Jeux, je savais qu’on allait désormais m’attendre…, précise-t-elle. Je ne pense pas que cela puisse m’atteindre moralement. Je ne veux pas commencer à réfléchir à tout ça ; ce serait une perte de temps et d’énergie. J’ai confiance en moi, je n’ai jamais douté. En même temps, je sais aussi que ce n’est pas un titre mais le travail qui va me faire aller plus vite ! » Même si elle n’aime pas qu’on le dise, surtout ici où elle est venue avant tout pour voir où elle en est, dans une optique de compétition sans attendre « grand-chose », « plus pour les sensations que pour les performances », en heptathlon/pentathlon, il y a toutefois désormais Nafi Thiam et les autres, comme on l’a vu en mars à l’Euro en salle de Belgrade où, malgré une préparation limitée, elle a été impressionnante sur la route du titre. « J’étais curieuse de voir comment elle allait s’y comporter après tout ce qu’elle avait enduré sur les plans médiatique et commercial après Rio dans votre pays où elle est devenue une star, dit la Britannique Denise Lewis, consultante à la BBC et championne olympique 2000 à Sydney. Elle a été fantastique ! Je l’ai trouvée très dynamique sur les haies pour quelqu’un d’aussi grand, très puissante et très forte et je me suis dit : “Mon Dieu, elle sera difficile à battre cette année…” Visiblement, elle a trouvé son équilibre. On voit qu’elle n’a pas peur des attentes et supporte bien le poids de la couronne ! » Pour Lewis, le résultat « énorme » de 6.810 points obtenu par Thiam à Rio – « alors que son heptathlon n’était pas parfait ! » – est une garantie en soi car « il y a vraiment un trou entre elle et les autres, qui n’ont jamais approché ce total. » « J’attends cette année qu’elle se fixe autour de 6.600-6.700 points, que ceci devienne son total de base de manière régulière. Si elle progresse en vitesse-endurance, elle sera très difficile à rattraper, parce qu’elle est déjà excellente en sauts et, surtout en lancers, où la plupart des filles ont toujours des difficultés. Elle, sur un jet, elle peut prendre 100 points à ses rivales ; pour celles-ci, c’est dévastateur sur le plan moral… » Alors, n’y a-t-il vraiment personne pour venir, même à terme, lui damer le pion ? Denise Lewis évoque sa compatriote Katarina Johnson-Thompson « qui a le potentiel pour être aussi bonne que Nafi » mais qui ne sera prête pour la bataille que « quand elle aura réglé ses problèmes. Elle a pris une bonne décision en changeant d’entraîneur et en partant en France, mais je pense qu’il faudra un an pour que se produisent les premiers effets de ce changement. » Elle parle aussi de la Lituanienne Laura Ikauniece-Adminina, qui avait terminé au pied du podium à Rio, de la Néerlandaise Anouk Vetter, la championne d’Europe en titre, « qui a de bonnes bases techniques », voire de l’athlète de la Barbade Aleka Jones « qui doit encore toutefois réussir un heptathlon quand ça compte vraiment. » Nafissatou Thiam, elle, ne semble pas vouloir faire trop attention aux louanges. Elle veut progresser à son rythme parce qu’« il serait inconcevable que je me brûle, de vouloir aller tout le temps à fond ». « Ma motivation, je la prends chez moi, pas chez les autres. Après ce que j’ai fait à Rio, ça va être dur de m’améliorer plus que sur une ou deux épreuves par saison. Mais je me dis que je peux encore faire de chouettes choses ! Etre patiente, pour moi, ce n’est pas difficile. »

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