Ungersheim, modèle mondial de transition écologique
La commune alsacienne est le sujet du dernier documentaire de Marie-Monique Robin. Les réalisations, surprenantes par leur nombre, leur envergure et leur audace, doivent beaucoup au maire du village, Jean-Claude Mensch. La conscientisation y commence à l’école primaire.

Sur le grand écran, les gens ont l’air profondément heureux. « Le bonheur que dégagent ceux qui participent au mouvement de la Transition et que j’ai pu filmer, c’est ce qui frappe véritablement » , assure Marie-Monique Robin, réalisatrice du long-métrage « Qu’est-ce qu’on attend ? », diffusé dans nos cinémas dès le 31 mai.
Ce documentaire raconte comment Ungersheim, une petite ville d’Alsace de 2.200 habitants, est en train de parvenir à quitter l’ère du pétrole. La concentration d’actions visant à réduire l’empreinte écologique tout en rencontrant l’autonomie intellectuelle, énergétique et alimentaire des villageois y est telle que Rob Hopkins, le fondateur du mouvement des villes en transition, y voit l’exemple de transition le plus abouti au monde.
« La transition s’y est vraiment mise en place vers 2008 et, depuis, c’est une montée en puissance , poursuit la réalisatrice qui a suivi cette émulation il y a 2 ans, sur une période de 12 mois.
Autonomie énergétique
La locomotive de la transition écologique, c’est le maire, Jean-Claude Mensch. En place depuis 1989, il n’a de cesse d’innover pour bâtir l’après-pétrole. En 2000, Ungersheim était pionnière en chauffant sa piscine municipale exclusivement au moyen de panneaux solaires. Depuis, un éco-hameau est sorti de terre, composés de neuf maisons passives aux murs de bois, à l’isolation de paille et à la toiture en cellules photovoltaïques. Un cadastre solaire a établi le potentiel énergétique des toitures du village et les habitants sont encouragés à installer des panneaux solaires. Enfin, grâce à la construction de la plus grande centrale photovoltaïque d’Alsace sur un terrain acheté par la mairie, l’autonomie énergétique n’est plus une utopie.
L’autonomie alimentaire du village est également en bonne voie. De même que la distribution de l’eau a été reprise en régie municipale, faisant baisser le prix de 10 %, une régie municipale agricole dotée de chevaux de trait, visant à nourrir les villageois en s’affranchissant des énergies fossiles, a été créée en 2015. Les jardins du trèfle rouge, employant une trentaine d’ouvriers-maraîchers en insertion, sur 8 hectares et en bio, est un des piliers de la filière « de la graine à l’assiette ». Ils proposent des paniers bio à petit prix que les villageois peuvent acheter en radis, la monnaie locale née en 2013 qui devrait bientôt s’étendre jusqu’à Mulhouse, à 15 km de là !
Les Jardins du Trèfle rouge alimentent aussi à 50 % la cuisine bio et collective d’Ungersheim. Plus de 600 repas y sont préparés quotidiennement à destination de huit écoles, dont les deux du village. Les légumes en surplus ? Ils filent à la conserverie où des bénévoles les mitonnent en soupe et ratatouille. D’ici peu, une épicerie en vrac devrait voir le jour.
Selon Marie-Monique Robin, ils seraient environ 200 adultes à porter à bout de bras ces actions de transition. « Sur une commune de 2.200 habitants, dont la moitié d’enfants, ça fait 20 % des adultes, c’est énorme. Si 20 % des communes d’Europe s’engageaient ainsi, ce serait génial. »
120.000 euros d’économies
En quelques chiffres, le modèle d’Ungersheim fait pâlir d’envie. Depuis 2005, la commune a réalisé plus de 120.000 euros d’économies, n’a jamais augmenté les impôts locaux, a créé une centaine d’emplois et a réduit ses émissions de gaz à effet de serre d’environ 600 tonnes par an.
Mais la folle dynamique mise en place n’empêche pas la déferlante du FN. Marine Le Pen y est arrivée en tête des votes tant au premier tour (avec 37,6 %) qu’au second tour (56,55 %). Jean-Luc Mélenchon, pourtant rare candidat à s’intéresser aux défis environnementaux et soutenu par le maire – à en croire ses publications sur son mur Facebook –, n’est arrivé qu’en 4e position, avec 13,75 % des voix, soit 214 votes. Faut-il y voir l’expression d’une non-adhésion d’une partie importante de la population locale à la Transition ? La réalisatrice n’y croit pas. Néanmoins, cela interpelle.
Revenons au film. Il s’ouvre sur une scène étonnante : une calèche tractée par Richelieu, l’un des deux chevaux de trait municipaux, emmène les écoliers d’Ungersheim à l’école du village. Limiter de la sorte les trajets en voiture diminue l’empreinte écologique en économisant du pétrole. Et ça percole dans les têtes blondes. « Du pétrole, il y en a partout, dans les vêtements et les chewings-gum , s’insurge un petit garçon. Il y a même des légumes qui ont besoin de pétrole pour pousser. »
Solutions citoyennes à l’école
C’est qu’à l’école de Ungersheim, les problématiques environnementales et les solutions citoyennes pour aménager la société post-pétrole font partie intégrante de l’éducation dispensée dans chacune des classes. Sous la houlette de leur professeur, les élèves de 4e et 5e primaire ont travaillé durant toute l’année scolaire sur une « aventure citoyenne ». « La première étape de la transition, c’est de prendre conscience de vos droits. Etre libres dans vos têtes, ça vous permettra de réfléchir par vous-mêmes » , explique Jean-Claude Mensch aux écoliers venus à la mairie afin de lui remettre un document. En effet, ils devaient déterminer un droit qu’ils voudraient, par consensus, voir ajouté à la convention internationale des droits de l’enfant. Quel est-il ? « Avoir le droit de vivre sur une planète propre où la biodiversité est préservée » , énonce une fillette de neuf ans.
Dans leur bien nommée école de la Transition, il y a un jardin potager, « mais aussi un programme de réduction de consommation d’énergie. Les enfants ont construit une éolienne. Dans chaque classe, un chef de l’énergie vérifie si les lampes sont bien éteintes et radiateurs fermés quand on sort de la pièce, etc. Ils ont une connaissance sur les énergies renouvelables qui est incroyable à cet âge-là. Ça m’intriguerait de savoir quels adultes ils seront dans 10 ou 15 ans » , conclut Marie-Monique Robin.
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