Christine Defraigne: «La N-VA? Je ne suis pas naïve!»
La présidente du Sénat – que la N-VA veut voir disparaître – recadre la participation de son parti à la majorité fédérale : « Loyauté, et vigilance. »

Présidente du Sénat, elle se frotte tous les jours à une N-VA qui freine les travaux de l’institution parlementaire, veut sa suppression à terme, conformément à son programme politique indépendantiste. Christine Defraigne défend l’existence de l’ex-« Haute Assemblée » transformée en une enceinte où, suivant la sixième réforme de l’Etat, se retrouvent des élus des entités fédérées, et partant requalifie la majorité fédérale gouvernementale MR/N-VA/CD&V/VLD…
Le groupe Ecolo-Groen, la sénatrice Cécile Thibaut en particulier, a mis en cause la gestion du fonds de pension du Sénat, qui financerait des entreprises dans les secteurs de l’agriculture intensive, du tabac et de l’armement.
Dans ces fonds de pension, il y a une partie, achetée avant 2009, qui a trait à quelque 500 sociétés, qui vaut encore 6 millions d’euros sur 210 au total et, là-dedans, une ou deux sociétés posent problème. On se débarrasse des produits problématiques au fur et à mesure. Et puis, ce genre de remarque se fait d’abord en conseil d’administration. J’ai vu les procès-verbaux des réunions, Mme Thibaut a fait une remarque sur des investissements pétroliers, une autre en assemblée générale sur Monsanto, et c’est tout… C’est un très mauvais procès, notamment pour des sénateurs comme Philippe Mahoux qui a déposé des résolutions sur les bombes à fragmentation, ou Olga Zrihen, Bert Anciaux, à la manœuvre de cette caisse des pensions et qui ont certainement autant de préoccupations éthiques que Mme Thibaut ! Mme Khattabi, coprésidente d’Ecolo, est membre elle aussi de la caisse de pensions, je n’ai pas vu un P-V où elle protestait…
Cela étant, l’image du Sénat reprend un coup. On pense à l’hostilité de la N-VA…
C’est un autre problème. Ils sont anti-Sénat, c’est autre chose. De fait, la N-VA se livre régulièrement à des attaques dans la presse flamande. Ce n’est pas un scoop. Je vis avec ça depuis que je suis à la présidence du Sénat. De temps en temps je réagis, sinon je laisse « couler », je les laisse faire leurs petites crises d’urticaire. L’article 1 des statuts de la N-VA, c’est l’indépendance de la Flandre, l’article 2, ça doit sûrement être la suppression du Sénat, je dis ça en plaisantant… Une image : le Vésuve, près de Naples, est endormi jusqu’à preuve du contraire ; en revanche, les solfatares, les fumerolles qui recrachent du soufre sont à ciel ouvert, et les gens vivent près du volcan et près de ces solfatares… Eh bien, les attaques de la N-VA, ça me fait penser à ça ; les solfatares, il faut vivre tout près. Les nationalistes flamands veulent montrer qu’ils sont présents, ils « communiquent ».
A côté de la « communication », il y a tout de même un positionnement fondamental…
Ah ! fondamentalement, les solfatares sont à côté du Vésuve, en effet…
Vous n’avez pas le sentiment que l’on vit le dernier mandat du Sénat ?
Techniquement, il faut réviser la Constitution pour cela, les articles ne sont pas ouverts à révision, et il faut des majorités spéciales de toute façon. Et quand je lis que Bart De Wever ne veut plus jamais négocier avec les socialistes, dont acte, il va falloir les trouver ces majorités spéciales ! Cela dit, à propos du Sénat, je ne comprends pas la logique de la N-VA : même si l’on devait suivre sa logique confédérale – que je récuse –, ce serait la Chambre qui devrait disparaître, pas notre assemblée, où opèrent des représentants des entités fédérées ! Il y a une faille dans le raisonnement N-VA. Pour le reste, Paul Magnette, ministre-président wallon, a très bien résumé la situation quand il est venu s’exprimer ici, au Sénat : il y a un outil, faisons le fonctionner.
Quid de la thèse selon laquelle la N-VA fait un travail de sape au fédéral, travaille discrètement à la destruction des institutions fédérales de l’intérieur ?
Je vois quand même que le ministre de la Défense veut refinancer un département parfaitement fédéral et régalien. J’enchaîne : refinançons aussi la justice, qui en a besoin. Il me revient encore que les choses ne se passent pas mal au sein du gouvernement.
Selon vous, la N-VA est donc parfaitement loyale ?
Au gouvernement, je pense qu’un ministre comme Jan Jambon est quelqu’un de loyal, il fait son job. Mais je ne suis pas naïve, et Bécassine dans sa tour d’ivoire ! Je vois le chemin parsemé d’embûches. J’ai voté la participation au gouvernement fédéral, je suis cohérente. Il n’y a pas de regrets à avoir à partir du moment où on nous avait éjectés des Régions au mépris de notre victoire électorale et que l’intention était bien de nous laisser dehors au fédéral aussi. Cette majorité fédérale, ce n’était pas mon choix, notre choix, mais nous n’avions pas d’autre solution. Ce qui ne signifie pas qu’on ne doit pas être vigilants, résistants. Du reste, je souhaite que les francophones se reparlent vraiment. Le fédéralisme est harmonieux lorsque le fédéral et les entités fédérées se parlent.
Vous souhaitez que les présidents de partis francophones « se reparlent » ?
Oui. Il y a des contacts déjà. Si l’on veut dessiner notre avenir, il n’est pas sain que tous se regardent en chiens de faïence. En tout cas, les socialistes ont quand même compris que nous mépriser comme ils l’ont fait n’était pas la bonne solution. Le PS a du mal à trouver son souffle dans l’opposition au fédéral. J’ajoute qu’avec cette majorité fédérale, on a la chance de pouvoir mettre en œuvre une politique socioéconomique que l’on n’aurait pas pu mener avec les socialistes à bord.
Tout de même, vous ne montrez pas beaucoup d’enthousiasme pour la suédoise.
Je suis totalement loyale dans cette majorité fédérale ; maintenant, évidemment, je ne peux pas nier qu’au quotidien, par rapport à mon institution, j’ai peut-être une perception différente de celle qui prévaut au gouvernement.
Certains soutiennent que la deuxième étape de l’opération MR, c’est d’écarter la famille socialiste de Wallonie…
Spéculation. Je n’ai pas ce souhait à titre personnel. J’en appelle plutôt à ce que l’on puisse se parler. Je viens de Liège, une région qui a des défis économiques et sociaux que l’on ne mesure pas. Il faut que les forces vives puissent se parler et construire un projet commun.
Pour de grandes réformes en Wallonie, il faut donc selon vous réunir au moins les deux grandes familles ?
Oui, je le crois. Ou alors les trois partis « traditionnels », en union sacrée.
En cours de législature ?
Les élections auront lieu en 2019 ! Mais je souhaite que le fait fédéral fonctionne harmonieusement, et pour cela nous devons nous parler entre francophones.
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