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Attentat de Londres: du loup solitaire au «terropportuniste»

Ce que l’on appelle les « loups solitaires » sont rarement tout seuls, constatent les policiers et les spécialistes de la question. À Londres, ils étaient trois. Et ont semé la mort avec des « outils » dérisoires.

Analyse - Journaliste au service Société Temps de lecture: 4 min

Le modus operandi choisi par les trois auteurs des attaques perpétrées cette nuit au cœur de Londres est à la fois reconnaissable et inédit. Reconnaissable parce que très similaire dans son exécution à la course folle de Khalid Massood le 22 mars dernier. On se souvient que le Britannique de 52 ans avait fauché des passants qui traversaient le Pont de Westminster et, après avoir abandonné son véhicule, avait poignardé un policier devant le Parlement.

Londres victime à son tour du terrorisme «low cost»

Inédit parce que la technique de la voiture-bélier n’avait jusqu’ici été utilisée que par un seul exécutant tandis que samedi, c’est bien une cellule qui a reproduit cette méthode aussi basique qu’efficace au vu des objectifs poursuivis par le groupe, à savoir semer la terreur au sein de la population, attiser les tensions entre les communautés et plus largement impacter notre mode de vie.

Solitaires à plusieurs

Que ce soit l’attentat de Nice commis le 14 juillet 2016 par Mohamed Lahouaiej Bouhlel, celui du 19 décembre de cette même année à Berlin par Anis Amri ou encore l’attaque de Londres le 22 mars dernier, l’auteur se trouvait toujours seul à bord du véhicule. Et si complicité il y a eu dans ces attaques, celle-ci s’est arrêtée aux portes des véhicules utilisés par ces bourreaux comme de véritables faucheuses.

Samedi à Londres, on a donc assisté à une première attaque de type « loups solitaires » mais menée par une cellule d’exécutants.

Il faut savoir que la notion même de loup solitaire fait l’objet de nombreux débats parmi les chercheurs et les observateurs de l’évolution du terrorisme islamiste ou plus largement de la criminalité.

On entend par loup solitaire un individu qui commet un acte violent à l’encontre d’un groupe, d’une société ou d’une communauté, guidé par une certaine idéologie ou des motifs qui lui sont propres, mais qui agit seul. Parfaitement seul.

Het Laatste Nieuws ce samedi matin avançait le chiffre de « 20 loups solitaires » (du moins, identifiés comme tels par l’Ocam dans l’un de ses récents rapports) qui se seraient radicalisés spontanément sans tenter de rejoindre un groupe terroriste à l’étranger comme l’Etat islamique ou Al-Qaïda. Et qui sont actuellement suivis de près en Belgique. Selon les Affaires étrangères, ces terroristes potentiels seraient très difficiles à détecter.

20 loups chez nous ?

« Nous souhaitons donc que les communes se dotent le plus rapidement possible d’une cellule de sécurité intégrale locale », ont-elles indiqué à nos confrères du HLN.

En Belgique, la moitié des localités en seraient actuellement pourvues : 213 cellules sur 308 communes en Flandre ; 15 cellules sur 19 communes à Bruxelles ; et seules 56 cellules sur 262 communes en Wallonie.

Revenons-en au loup solitaire qui porte en fait très mal son nom. Dans un entretien accordé au quotidien britannique The Guardian au lendemain de l’attentat commis le 22 mai dernier à Manchester, Richard Barett, spécialiste de l’antiterrorisme du MI6, le service de renseignement britannique, revenait sur ce que ses hommes sur le terrain qualifient de mythe : « C’est le terme même de loup solitaire qui a fait son succès. “Le djihad au bout d’un clic” est une légende ».

Rarement tout seul

C’est aussi la position de Didier Leroy, chercheur à l’Ecole royale militaire et à l’ULB : « A ma connaissance le phénomène du loup solitaire est rarissime. Il est très rare qu’il n’y ait jamais eu le moindre contact physique avec une autre personne radicalisée. Des gens radicalisés uniquement sur internet cela n’existe pas, à l’exception notable d’Anders Breivik. Quand on étudie ces loups solitaires, il y a toujours au moins dans leur entourage une personne ayant eu un contact physique avec un djihadiste précédent ».

On a d’ailleurs pu le constater dans l’enquête sur l’attentat de Manchester et sur le jeune Britannique d’origine libyenne de 22 ans, Selman Abedi, qui s’est fait exploser dans la salle de concert. Les connexions et les liens entre l’exécutant et ses complices et/ou commanditaires n’apparaissent souvent aux yeux des policiers que quelques jours, voire quelques semaines après les faits. Le loup faisait bien partie d’une meute.

Multiculturalisme à l’anglaise: entre bon exemple et… charia

Ce qui, par contre, n’est donc pas à exclure, c’est que les faits commis samedi soir à Londres par ces trois criminels – qui ont, une fois de plus, démontré avec quelle facilité déroutante un acte terroriste abordable, « lowcost », pouvait être exécuté sans éveiller les soupçons des autorités – puissent inspirer d’autres « terropportunistes » fanatisés.

 

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