Bande dessinée 70 ans d’auteurs et de couvertures : Spirou, quels talents !


« Nous avons privilégié les couvertures du journal et les créations de posters, l’illustration plutôt que les planches, pour mieux souligner le talent graphique des auteurs, explique François Deneyer. Il y a des images saisissantes comme le premier essai de couverture de l’album mythique du Château Maudit d’Eddy Paape, et sur lequel figure encore le premier titre de l’aventure utilisé pour la prépublication dans le journal : Valhardi contre le monstre. Dans le coin du dessin, en bas à droite, figure une petite annotation au crayon, sans doute de la main de l’éditeur Charles Dupuis, disant : “ Non ! Autre titre : Château Maudit ? ” On l’a oublié, mais ce genre de choses était fréquent à l’époque. Les BD étaient créées dans le journal. Toutes n’avaient pas droit à une publication en album. D’autres histoires ont ainsi changé de titre comme Le cavalier magnifique de Jerry Spring, que Jijé rebaptisera Yucca ranch. Il y a aussi dans l’exposition les huit projets que Wasterlain avait réalisés pour un Jeannette Pointu, dont un était inspiré par la momie de Rascar Capac d’Hergé… A travers tous ces dessins, c’est l’histoire du journal que l’on met en scène ».
La Maison de la bande dessinée a choisi de n’exposer que des pièces originales dans une scénographie réduite à sa plus simple expression, mais qui a l’avantage de ne pas distraire le regard du vrai travail des auteurs.
« Les publics français et belges sont très chatouilleux sur les originaux, même si la tendance à les remplacer par des fac-similés augmente pour des questions d’assurance. La valeur cumulée des originaux de notre exposition atteint le million d’euros. Le plaisir, c’est de pouvoir faire sortir ces pièces inestimables des salons privés et des coffres dans lesquels elles dorment habituellement. C’est un vrai bonheur de les revoir. Comme cette pièce exceptionnelle de Rob-Vel, par exemple. Tous les originaux du créateur du personnage de Spirou ont disparu pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais il a réalisé plus tard une couverture d’album pour la réédition des premières aventures de Spirou, où l’on reconnaît Staline, Churchill, De Gaulle, Montgomery… et c’est ce dessin que nous avons le plaisir d’exposer aujourd’hui. A côté, il y a un dessin de l’indémodable Yves Chaland, qui synthétise le caractère nostalgique de Spirou tout en le modernisant dans une extraordinaire couverture réalisée pour le journal en 1982. »
Ce « Coup de chapeau au journal Spirou » ranime aussi les souvenirs de figures oubliées comme Kim Devil de Forton, Hultrasson le Viking de Remacle, Bobo le roi de l’évasion de Deliège, Jess Long de Piroton, Archie Cash de Malik… Des vitrines d’objets ou d’esquisses publicitaires consacrent l’imagination sans limite des Peyo, Roba, Morris avec des porte-clés, des projets d’albums à colorier, de décalcomanies… Ces croquis et gadgets de la première heure soulignent combien les Schtroumpfs, les Boule et Bill et les Lucky Luke étaient des créatures artisanales avant de passer le costume de héros cultes. Les dessins animés et le merchandising font trop souvent oublier aujourd’hui que la bande dessinée est née dans les cases, au bout d’un crayon et d’une plume.
