Nucléaire: les 18 questions critiques de la Commission européenne à Marghem

Le débat de cet après-midi à la Chambre s’annonce intense.

Chef du service Enquêtes Temps de lecture: 4 min

C’est le Conseil d’Etat qui avait levé le lièvre : la prolongation de dix ans de la durée de vie des réacteurs nucléaires de Doel 1 et 2 pourrait être assimilée à une aide d’Etat. « Le dispositif se heurte aux prescriptions du droit européen dans le domaine des aides d’État », écrivait le Conseil. C’est principalement l’accord conclu entre Electrabel et l’Etat belge qui inquiète l’institution. On y prévoit notamment de garantir pendant dix ans un cadre fiscal inchangé à l’exploitant nucléaire, et de lui verser des indemnités si le gouvernement venait à faire marche-arrière dans le futur.

La ministre de l’Energie, Marie-Christine Marghem (MR), réfute cette thèse. Il n’est aucunement question d’aide d’Etat selon elle. Mais elle a tout de même accepté de dialoguer avec la Commission européenne, compétente sur les aides d’Etat.

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Une liste de 18 questions

Le 20 janvier dernier, une première réunion s’est tenue entre les deux parties. La Commission avait promis d’envoyer une liste de questions à la ministre Marghem pour prolonger les échanges. Et elle a tenu parole le 3 février dernier. Le Soir a obtenu ce courrier. Et, une chose est sûre : les questions sont (très) larges et (très) nombreuses (et la ministre a 20 jours ouvrables pour répondre).

Dans le désordre, la Commission souhaite recevoir une copie des lois et des conventions signées avec Electrabel. Détail croustillant, elle ne se limite pas au cas de Doel 1 et 2, mais demande également tous les documents relatifs à la prolongation de Tihange 1, adoptée par le gouvernement Di Rupo.

Arrivent alors les questionnements sur le fond. « Veuillez nous expliquer pourquoi vous estimez que les droits et obligations (des deux parties prenantes à la convention, à savoir l’Etat et Electrabel) sont équilibrés », interroge la Commission. Elle réclame également plus de détails sur « la nature des travaux à effectuer par Electrabel » pour prolonger les centrales, et des éclaircissements sur la méthode de calcul des différentes taxes nucléaires (taxe forfaitaire pour Doel 1 et 2, variable pour Tihange 1, on y perdrait son latin).

Tout cela était-il bien nécessaire ?

Mais l’un des passages les plus intéressants concerne certainement la nécessité de relancer pour dix ans ces centrales nucléaires. « Lors de notre réunion, vos autorités nous ont expliqués que la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires était nécessaire pour des raisons de sécurité d’approvisionnement de la Belgique. Néanmoins, la Convention n’a été signée que le 30 novembre 2015, c’est à dire après l’accord de l’AFCN (l’Agence nucléaire, NDLR) sur le redémarrage des centrales de Doel 3 et Tihange 2 (les deux réacteurs dont les microfissures sont sans danger, NDLR) ». Arrive alors la question : « Veuillez nous expliquer en détail comment vous avez déterminé que la Belgique avait besoin d’environ 1.000 MW de capacité de production additionnelle (l’équivalent de Doel 1 et 2, NDLR) ». La Commission réclame aussi les dernières études justifiant la nécessité de prolonger ces unités nucléaires. Ce qui est particulièrement cocasse, car les derniers rapports publiés démontraient clairement qu’à court terme... Doel 1 et Doel 2 n’étaient absolument pas nécessaires à la sécurité d’approvisionnement du pays.

Ecolo demande une trève

Ce mardi après-midi, la ministre Marghem est attendue à 14 heures en commission Economie, pour défendre son projet de loi lié à la convention signée avec Electrabel. Nul doute que le courrier de la Commission sera au centre des débats. Le député Ecolo Jean-Marc Nollet en annonce déjà la couleur : «  Manifestement, ce dossier ne passera pas comme une lettre à la poste, contrairement à ce que la ministre nous disait. Derrière chacune des questions de la Commission européenne, on sent poindre le constat d’une aide d’Etat, ce qui sera fatal au projet de prolongation de Doel 1 et 2 ».

Et d’ajouter : « Vu l’ampleur des critiques sous jacentes aux 18 questions, les écologistes demanderont cet après-midi à la ministre de suspendre les travaux parlementaires jusqu’à la décision définitive de la Commission européenne ou, à tout le moins, d’introduire un amendement de prudence conditionnant l’entrée en vigueur de la loi au oui de la Commission, comme le ministre des Finances l’a fait pour la taxe diamant ».

La séance de 14 heures s’annonce intense !

 

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