Les sept péchés capitaux du pays


La Belgique n’a pas de vision, pas de chiffres
Personne n’est capable d’estimer aujourd’hui combien d’armes illégales circulent en Belgique. « On a bien une vue sur la détention légale, on n’a absolument aucune vision sur l’illégale, constate Nils Duquet. Nous ne savons même pas combien d’armes sont saisies chaque année par la police, pas plus que leur type, leur origine, le genre d’activité criminelle à laquelle cette arme a été liée : nous ne savons absolument rien. » Le commissaire en retraite Fiévez confirme : « On estime qu’il y a X centaines de milliers d’armes en circulation en Belgique. Mais c’est ridicule ! Celui qui sait combien il y a d’armes illégales en Belgique, c’est qu’il sait aussi où elles sont, et il doit aller les chercher ! C’est complètement idiot. Le registre central des armes ? On a modifié plusieurs fois son fonctionnement, modifié sa base de données. Je peux dire qu’il y a un certain pourcentage d’erreurs dans le registre central des armes, des oublis, des doublons. » Un registre qui, par nature, se concentre sur les armes légales et non sur les clandestines. « De plus, poursuit Fiévez, les chiffres communiqués par le ministère sont erronés : En ce qui concerne les armes officiellement présentes sur le territoire, il n’est pas tenu compte de celles répertoriées dans les registres des armuriers et collectionneurs ; seules les armes faisant l’objet d’autorisations de détention sont reprises. D’autre part, le ministère fait état un nombre important d’armes disparues , on oublie de mentionner que beaucoup ont quitté la Belgique : par exemple, les carabines 22 Long, exportées en masse vers la France. Ces chiffres sont de la poudre aux yeux pour justifier diverses mesures prises par le service arme du ministère de la Justice, résolument anti-armes vis-à-vis des détenteurs légaux. »
Conséquence immédiate : il est impossible de qualifier la Belgique de « plaque tournante du trafic d’armes » puisque ce pays est surtout un trou noir, un angle mort. Un pays aveugle. Lorsque Le Soir a sollicité la police fédérale pour pouvoir interroger sa « section armes », l’interview nous a été refusée au prétexte que le sujet était « politiquement trop sensible » pour le pouvoir de tutelle. Tout est dit. L’indigence belge est pourtant comparable à celle de ses voisins, ni plus ni moins : « Il n’y a pas non plus de chiffres dans les autres pays, relève Nils Duquet. Il est donc très difficile d’affirmer aujourd’hui que la Belgique serait une petite ou une grande plaque tournante, puisque nous ignorons aussi les chiffres des pays voisins : ils n’existent ni en France, ni en Allemagne, ni en Espagne. Mais nous savons que la Belgique est un marché important. Nous sommes désignés comme plaque tournante pour des raisons historiques : nous avons une histoire de production d’armes à feu, nous avons eu très longtemps aussi une culture de la possession et jusqu’en 2006, il était relativement aisé d’acheter une arme en Belgique (…). C’est ainsi que nous avons hérité de la réputation – notamment auprès des criminels – d’un pays dans lequel il est aisé de se procurer des armes. »
Parce que la Belgique n’a pas la culture de politiques gouvernementales dictées par les chiffres et la statistique (c’est vrai pour les armes, c’est vrai pour les stupéfiants), le pays se prive de la capacité d’opérer des choix stratégiques. « Il en va différemment aux Pays-Bas, estime Nils Duquet, qui a décidé il y a quinze ans d’investir dans un bon système d’enregistrement des armes. C’est ainsi qu’ils peuvent estimer aujourd’hui combien d’armes illégales circulent, combien d’armes ils ont saisies, dans quel contexte, etc. Ce qui leur permet de faire des choix stratégiques – sur quel type de trafic allons-nous nous concentrer ? – mais aussi opérationnels : si nous voyons qu’un même type d’arme apparaît à Charleroi et Anvers, il y a de grandes chances pour que ces armes soient arrivées par le même canal, et on peut alors les pister de manière opérationnelle. Mais en Belgique, nous n’avons pas cette culture, nous n’avons jamais investi (ou trop peu) dans l’établissement d’une image du phénomène. »
2.
Les rapports de police sont désuets
En Belgique, lorsqu’une arme est saisie dans un dossier criminel, elle est déposée au greffe et un formulaire est rédigé. C’est un « formulaire 10 » qui reprend ses caractéristiques et qui va être envoyé au Banc d’épreuve de Liège, au greffe, à la police fédérale. « Est-ce que ce formulaire est bien rempli ?, s’interroge le commissaire en retraite Fiévez. La plupart du temps, non. Certains agents marquent n’importe quoi, simplement parce qu’ils ne connaissent pas les armes. » Remplir le formulaire représente une corvée. « Quelle que soit l’arme saisie, un examen attentif s’impose : ce n’est pas parce qu’un pistolet est marqué FN ou Mauser qu’il l’est vraiment (voir Le Soir de samedi). Ce peut être une arme totalement maquillée, un pistolet tchèque ou est-allemand maquillé… et si on ne distingue pas ce maquillage, la recherche sur son numéro de fabrication ne donnera aucun résultat. De plus, un tel travail de maquillage implique une organisation… et ne pas le voir, c’est passer à côté du crime organisé (…). Aujourd’hui, personne ne fait le lien, personne ne va consulter l’arme au greffe. Ces formulaires sont centralisés, mais ils sont mal remplis et ne sont pas exploités. Ce qu’il faudrait avoir avec le formulaire 10, c’est une copie du PV, qui explique le contexte : car si l’arme a été saisie dans une dispute familiale ou dans un bistrot, cela change tout ! Et il faudrait ensuite un suivi : chaque arme saisie dans le milieu criminel devrait passer entre les mains d’un petit groupe d’experts, aptes à déceler les indices d’une filière d’approvisionnement. »
En partenariat avec le ministère de la Justice, le Vlaams Vredesinstituut mène une réflexion sur la meilleure manière de récolter désormais l’information liée aux armes illégales. Histoire de construire une image enfin fiable des trafics. Car c’est vrai, le « formulaire 10 » pose question : « D’abord, ce sont des formulaires papier, et sur ces formulaires ne se trouvent pas toutes les informations contextuelles nécessaires, confirme Nils Duquet. Est-ce une arme trouvée dans le milieu de la drogue, est-ce une arme dont le détenteur s’est manifesté trop tard pour la régularisation ? Est-ce une arme liée à un homicide ? Tout cela manque sur le formulaire 10. Mais le grand problème, c’est le papier : les données ne viennent pas directement dans la Banque de données Nationale Générale (BNG). Ces informations sont conservées sur papier dans les greffes des tribunaux correctionnels. Nous devons investir pour avoir une automatisation de ces données. »
3.
La loi belge est illisible
« La législation belge sur les armes est aujourd’hui incompréhensible, peste le commissaire e.r. Fiévez, le Conseil d‘Etat l’a d’ailleurs établi. On a toujours rajouté des bouts et des morceaux sur une loi qu’on a voulu simplifier en faisant des catégories plus simples, et on se rend compte à chaque fois qu’il faut rajouter ceci ou cela. Cette législation met petit à petit les détenteurs d’armes réguliers dans l’illégalité. C’est ridicule car cela encombre les tribunaux pour rien, et criminalise des gens qui s’efforcent de respecter une loi qu’ils ne comprennent plus. Et pendant ce temps, la police ne s’occupe pas du banditisme. On ne s’attaque que rarement au banditisme ! On s’attaque toujours à la détention d’armes, mais les gens qui détiennent des armes sont des gens qui ont un casier judiciaire vierge, qui sont inscrits dans un stand de tir, qui sont répertoriés, qui ont des contrôles tous les cinq ans, qui possèdent un coffre-fort, un système d’alarme ! Au moindre problème, on vient leur chercher leur arme. Et le gangster, lui, n’en a rien à fiche : dans un bistrot, il achète un flingue et ses cartouches pour 1.000 ou 500 euros. S’il est contrôlé, il en fait abandon volontaire. D’où vient l’arme ? Je l’ai achetée au vieux marché, dans une bourse , nous dira-t-il. Bref la déclaration la plus stupide qui soit, comme d’habitude. Et qu’est-ce qu’il encourt comme sanction ? Pour la simple détention, rien. En pratique, son dossier est classé sans suite parce que l’arriéré judiciaire est trop grand. Et si c’est une transaction, on va lui proposer de payer 150 euros. Quelle importance, puisqu’il s’est peut-être fait un bureau de poste avec son flingue ? »
4.
Les services répressifs sont sous-financés et sous-équipés
Bien que la lutte contre le trafic d’armes soit une des priorités du plan national de sécurité, les services de terrain ont trop peu de capacités opérationnelles : trop peu de moyens d’analyse, trop peu d’équipement, trop peu de personnel. « La section armes de la police fédérale est un service très utile, très important, souligne Nils Duquet : il assume les enquêtes de tous les autres services de police dès qu’une arme est en cause. Ils ont l’expertise. Mais le service est trop petit. Il faut l’élargir et non le limiter, car si demain la lutte contre les trafics d’armes n’est plus une priorité du nouveau plan national de sécurité, la section armes risque d’être impactée. Or ce service – important – doit pouvoir travailler. Il lui faut suffisamment de personnel, suffisamment de matériel informatique, de budget, suffisamment de capacités d’analyse et de capacités légales pour faire leur job. C’est un service d’appui à tous les autres services. » Oui, cela demande des budgets et une continuité budgétaire. Pour l’élu politique, il est plus facile de riposter par une initiative législative – fut-elle émotionnelle et intempestive – que par l’adoption d’une ligne de budget. Mais cet investissement paye : « Au Royaume-Uni, ils ont commencé il y a une vingtaine d’années à investir dans une bonne analyse balistique. Presque chaque incident fait l’objet d’une analyse. Cela coûte beaucoup d’argent, mais la conséquence est qu’ils peuvent enquêter de manière proactive sur des marchés précis. » L’impact est vertueux : les armes qui sont ciblées deviennent plus rares, donc plus chères, et les petits criminels y ont plus difficilement accès.
C’est malheureusement la tendance inverse qui semble s’imposer en Europe continentale : en Belgique, en Allemagne, beaucoup d’armes restent dans l’illégalité sans qu’une répression les cible. Donc le prix des armes chute, et elles deviennent accessibles aux petits criminels. « C’est la dynamique dans laquelle nous nous trouvons et qu’il faut tenter d’arrêter », martèle Nils Duquet.
5.
La capacité légale d’enquête est insuffisante.
Le commissaire e.r. Pierre-Yves Fiévez peste contre les incohérences d’une législation qui, ces dernières années, empêchait les policiers d’utiliser les méthodes particulières de recherche pour démanteler un trafic d’armes, puisque la lettre de la loi sur les méthodes particulières n’autorisait les écoutes que lorsqu’il s’agissait d’« armes de guerre », et que cette qualification d’« armes de guerre » avait disparu de la loi sur les armes. Surréaliste : « Quand on a changé la législation en 2006, la qualification d’armes de guerre a disparu, et on les a regroupées sous l’appellation d’ armes soumises à autorisation , une catégorie fourre-tout n’ayant pas de correspondance dans les pays limitrophes. Donc, terminées les écoutes téléphoniques puisque la loi sur les écoutes n’était plus adaptée à la législation sur les armes, il fallait établir l’association de malfaiteurs pour pouvoir encore justifier des écoutes. On a évidemment alerté nos autorités, mais pendant plusieurs années, nous sommes restés dans le flou, dans l’incapacité juridique d’utiliser ces techniques pour enquêter. »
Le chercheur Nils Duquet a une autre lecture du problème, mais cette lecture montre elle aussi toute l’incohérence de la loi : « L’article 90 ter du Code pénal énonce très clairement dans quel cadre une demande d’écoute téléphonique peut être faite. Et cet article fait toujours référence à la loi fédérale du 1991 sur l’import-export d’armes. Or, depuis 2003, cette compétence est désormais régionale et les trois régions ont chacune voté en 2012 un nouveau décret, avec de nouvelles règles. Donc jusqu’en 2012, la loi de 1991 restait valable. Puisque l’article 90 ter du code pénal n’a pas été modifié et fait toujours référence à la loi de 1991, les enquêteurs ne peuvent plus introduire de demande d’écoute téléphonique sur l’import-export d’armes. Donc l’esprit de la loi autorise bien ces écoutes, mais littéralement, ce n’est plus possible. » Et ce n’est pas tout : une bonne part de la circulation d’armes illégales n’a rien à voir avec l’import-export et demeure à l’intérieur du territoire : des personnes qui, à Anvers, Bruxelles ou Charleroi, vendent des armes à des criminels ou des terroristes. Pour être efficace, il faudrait donc que la loi sur les écoutes fasse aussi référence à des articles de la loi de 2006 sur le simple commerce des armes. CQFD.
Mais depuis le temps que ces incohérences sont pointées, comment se fait-il que le législateur n’ait jamais toiletté les textes ? « Pour nous aussi, cela reste un mystère, lâche Nils Duquet. Ces dernières années, nous avons vu plusieurs propositions soumises au parlement fédéral, mais sans qu’il y ait un vote. Or ces initiatives sont venues tant des majorités que de l’opposition. »
6.
Il faut contrôler réellement les exportations belges
Imagine-t-on une grande société wallonne d’armement exporter des armes de guerre à l’adresse d’une société qui n’existe pas, gérée par un homme qui n’a pas d’agrément pour le commerce des armes ? Pourtant, cela s’est produit.
Quoi, personne ne vérifie ? Non. C’est ainsi que dans les années nonante, des mitrailleuses lourdes destinées à une société fictive se sont envolées pour Orly, où elles ont été saisies sur le tarmac et rapatriées lors que les autorités belges se sont aperçues que l’identité du commanditaire avait été mal vérifiée… Pierre-Yves Fievez : « A-t-on vérifié qui achète ? Non, rien ! Du moment que l’argent était là… Ce genre de mesure éviterait pourtant une crise de gouvernement sur des exportations mal vérifiées. J’ai été confronté dans le temps à des end users (NDLR : document authentifiant le destinataire final de commandes d’armes passées par des Etats) qui étaient fabriqués dans une cave à Jette. Et l’ambassade du pays concerné, pourtant, avait confirmé au ministère du Commerce extérieur que les documents étaient authentiques ! La personne qui avait vérifié cela n’avait manifestement pas fait son travail. » Pierre-Yves Fiévez plaide donc pour un contrôle physique des exportations : « Il suffirait d’une personne, qui n’est pas liée à l’usine et qui n’est pas commercialement intéressée, qui suit physiquement la marchandise et atteste de sa livraison, conformément au contrat légal. Comme aujourd’hui ce sont les régions qui donnent les licences, il faut que les exportations soient contrôlées par un office central, fédéral. »
Ce contrôle central, l’ancien policier rêve d’y associer les douanes, et de les faire ainsi sortir de leur rôle purement financier : « Lorsque vous avez un container qui vient de Bulgarie, qui est chargé sur un bateau à Anvers mais n’est pas repris sur le manifeste de cargo du bateau, que se passe-t-il ? Est-ce que quelqu’un inspecte ce container ? Non. Les douanes fixent une amende, et le bateau part ! On contrôle souvent ce qui rentre, c’est vrai. Mais ce qui transite, jamais ! »
Nils Duquet confirme que le contrôle sur l’exportation peut être amélioré. Ce qui explique que des armes théoriquement destinées à l’exportation ne soient en réalité… jamais exportées et se retrouvent sur le marché illégal. « C’est très difficile de contrôler : si vous avez un certificat de end user , vous pouvez exporter officiellement, mais le contrôle – pour vérifier si cette exportation a réellement eu lieu – est très minime. Ces dernières années, nous avons eu des commerçants qui ont officiellement exporté de grandes quantités d’armes, mais qui en réalité ont conservé ces armes et les ont vendues d’une autre manière. » Les douanes ne peuvent pas tout contrôler, elles travaillent donc sur base de profils de risques. Les armes sont une marchandise qui subira bien entendu des contrôles plus fréquents, mais pas systématiques. Et ce contrôle est souvent documentaire, sur papier uniquement. « Contrôler si dans une caisse, il y a cent ou cent vint armes, cela ne se produit presque jamais », constate Nils Duquet.
Cette situation semble aberrante, mais elle est due notamment à l’importance de la production de la FN Herstal : « Nous parlons de dizaines de milliers d’armes exportées chaque année de la seule Wallonie, commente le chercheur flamand. Si on doit placer un contrôleur sur chaque caisse, les douanes n’auront plus la possibilité de pister quoi que ce soit d’autre. »
Alors, ne peut-on pas renforcer le système des « end users », s’assurer que les Etats acheteurs respectent leurs engagements ? Enquêter auprès d’eux sur ce que deviennent à long terme les armes qui leur sont vendues ? « C’est très difficile, constate Nils Duquet. L’industrie y est opposée car elle voit ce contrôle comme un désavantage, un handicap comparatif : si la Suisse demande à suivre les armes qu’elle a livrées mais que la Belgique ne le demande pas, avec qui l’acheteur va-t-il faire affaire ? » Reste une piste : « L’Allemagne réfléchit à une solution new for old : vous pouvez obtenir de nouvelles armes chez nous si les anciennes disparaissent d’une manière indiscutable, qu’elles soient revendues, placées sous surveillance ou détruites. »
Quant à associer les douanes aux contrôles d’exportation, le chercheur flamand soulève un autre lièvre : la nomenclature douanière – la manière dont les douanes catégorisent les marchandises – est elle-même inadaptée à la lutte contre le trafic d’armes. « Si vous quittez le champ des armes à feu, beaucoup de composantes d’armes ne tombent même pas dans la catégorie “armes” pour les douanes. Cela rentre dans des catégories plus vastes : métaux, véhicules, instruments optiques, etc. Les catégorisations sont trop vastes, il n’y a pas de catégorisation suffisamment précise pour pouvoir distinguer ce qui pourrait être utilisé comme arme. Cela est aussi lié au rôle joué par les douanes qui ont longtemps été des services gouvernementaux liées à la seule fiscalité, aux revenus. Aujourd’hui, le rôle des douanes est toujours celui des taxes, mais doit aussi couvrir les risques en matière de sécurité. Et ce basculement douanier, nous n’avons pas encore pu le faire totalement (…) C’est un problème mondial. »
7.
Il faut s’attaque vraiment à l’illégal, pas aux collectionneurs.
S’il a incarné durant des années les répressions des trafics d’armes en Belgique, le commissaire Pierre-Yves Fievez l’admet sans ambages : la police belge manque de capacité de pénétration du milieu criminel. « À Molenbeek, les jeunes qui reviennent de Syrie savent y trouver l’armement qu’il leur faut. Rien d’exceptionnel, mais des kalachnikovs M70 fabriquées en Yougoslavie, des armes remises en état. Ce n’est pas du matériel hyper-récent, mais ça viendra. Or Molenbeek, c’est un milieu impénétrable. Nous, police belge, on a bien l’une ou l’autre source d’informations mais on n’a pas d’amis dans ce milieu. »
Dès lors, il est plus facile de prendre pour cible les collectionneurs. « Mais les armes du Bataclan, de l’Hyper Cacher, de Coulibaly, ce ne sont pas du tout des armes de collectionneurs ! Il n’est pas impossible qu’existe parfois une connexion entre le marché des collectionneurs et celui des truands », note le commissaire (NDLR : le cas de Patrick Halluent, détaillé dans nos éditions de samedi, est effectivement interpellant). Mais ce n’est pas sur les bourses qu’on va trouver une M70 de l’ex-Yougoslavie. Si on ne vise que les bourses, on se trompe de cible, ça, c’est certain. Il y a des liens possibles, occasionnels, mais ce n’est pas la Zastava ou la kalach’ bulgare qu’on va trouver sur la bourse d’Arlon ou de Ciney. C’est même le genre de matériel qui, s’il apparaît en bourse, sera dénoncé parce que les collectionneurs vont se rendre compte que ce genre de matériel va trop loin, que leur crédibilité est en jeu – une crédibilité obtenue après bien des efforts – et que c’est tout le système des bourses qui est en danger. Les collectionneurs n’aiment pas ça. Maintenant, il est toujours possible qu’un P38 traîne… et tombe entre de mauvaises mains. C’est inévitable. »