Crise politique belge: des failles béantes
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Jan Jambon et Koen Geens ne pouvaient rien faire d’autre que de présenter leur démission face aux éléments concrets quant au manque de rigueur et au laxisme de leurs services dans la gestion de la liberté conditionnelle d’Ibrahim El Bakraoui. Il est absolument terrible de constater qu’avec un respect rigoureux et professionnel du système de contrôle (un système, rappelons-le, mis en place après… l’affaire Dutroux), les forces de l’ordre auraient pu, sans doute, arrêter le terroriste avant les attentats de Paris et de Bruxelles. On n’est plus dans le « Belgium bashing » caricatural, mais bien dans un cas concret qui met en lumière des fautes lourdes.
«Responsable mais pas coupable»
Jambon et Geens devaient démissionner. C’était leur responsabilité politique. Ils ont d’ailleurs ressorti le couplet du « responsable mais pas coupable » hier soir à la télévision, dans un exercice d’équilibrisme bien compliqué. Mais Charles Michel n’avait d’autre choix que de refuser – temporairement – leur démission.
Pour des raisons politiques et politiciennes qu’il faudra évoquer plus tard, mais surtout pour éviter d’ajouter du chaos au chaos. Car un départ des ministres, surtout Jambon, poids lourd de l’exécutif et du premier parti du pays, aurait pu remettre en cause la vie même du gouvernement et il n’est pas imaginable d’avoir un pays sans gouvernement alors que deux terroristes courent toujours, que le niveau de la menace reste élevé et que la population attend des réponses à des questions fondamentales.
Car, et c’est le plus important, bien au-delà du sort de Jambon et Geens (qui ne sont qu’en sursis à nos yeux, il ne faudra pas oublier d’examiner leur cas plus tard), seul cet aspect-là compte vraiment aujourd’hui : il faut calmer les choses, rassurer les Belges et leur permettre de comprendre dans quel pays ils vivent. La pression montait, ces derniers jours, sur les services de renseignement, montrés du doigt de toutes parts, mais on se rend compte désormais que c’est aussi la justice et la police qui sont, comme souvent ces dernières années, dans le collimateur. C’est un fait quasi récurrent dans le Royaume, la faiblesse des fonctions régaliennes.
Le gouvernement n’a pas de plan B devant lui : il doit définir les responsabilités précises, corriger les dysfonctionnements et tenter de réinstaurer la confiance dans les institutions. C’est une montagne. Un Everest. Et cela passera par une commission d’enquête digne de ce nom, un exercice douloureux mais ô combien indispensable. On évoquait hier dans ces colonnes la nécessité de clarté et de transparence. C’est ce qu’on attend, c’est ce que les Belges attendent de cette commission : comprendre, analyser, corriger.
Sans faux-fuyant. Les résultats des derniers exercices de ce genre, à différents niveaux (la commission Galant sur les marchés publics, celle sur les tunnels bruxellois ou l’Office wallon des déchets) n’incitent pas à l’optimisme, mais cette fois, il en va de la crédibilité du gouvernement fédéral et de services fondamentaux de l’Etat. Les faits sont cruels, terribles, brutaux : un homme belge, sous liberté conditionnelle après une condamnation à 10 ans de prison, s’est rendu deux fois à la frontière syrienne, a échappé à tout contrôle et s’est fait exploser à Zaventem mardi. Pour regarder les familles des victimes en face, le monde politique doit s’expliquer sur ce constat accablant, quoi qu’il lui en coûte. Et avec dignité.