Lutte antiterroriste: pourquoi ne pas s’inspirer de l’expertise italienne?

En dehors des « états d’alerte », quelles sont les mesures concrètes prises par les pays européens pour lutter contre le terrorisme ? Il est choquant de constater la faiblesse de nos institutions et l’anachronisme de leurs actions. Le combat livré par les autorités italiennes contre les Brigades rouges et contre la mafia peut fournir une bonne base de réflexion.

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Vingt-deux mars 2016, Bruxelles est ravagée par les attentats, suscitant peur et émotion.

Mais, en analysant les mesures concrètes prises par l’Europe, nous avons été choqués de constater la faiblesse de nos institutions et l’anachronisme de leurs actions. Ainsi, le Rapport du 4 mars 2016 du coordinateur antiterrorisme de l’UE fait état des «  progrès accomplis » dans la lutte contre le terrorisme, entre février 2015 et mars 2016 et précise aussitôt que «  des progrès sont certes accomplis (…), mais qu’il est nécessaire et urgent d’améliorer davantage encore l’échange d’informations et la sécurité aux frontières ».

Le Rapport pond ensuite des «  recommandations » quant aux actions à mettre en œuvre, visant tous azimuts l’ensemble des acteurs (Europol, Eurojust, Interpol, la Sécurité des frontières, etc.), mais fait cependant preuve de clairvoyance en avouant : «  toutefois l’échange d’informations n’est toujours pas à la hauteur de la menace », ce qui confirme qu’un problème de communication subsiste entre les pays membres et les services européens ayant pour mission de gérer ces échanges !

Il faut pourtant constater que des moyens ont été déployés, notamment la création du Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation et le Centre européen de la lutte contre le terrorisme, créé en janvier 2016, qui constitue une plateforme «  permettant aux États membres de renforcer l’échange d’informations et la coopération (…) ». Enfin le 24 mars, lendemain des attentats, la « Déclaration commune des ministres l’UE, sur les attentats terroristes du 22 mars 2016 » se limite à relater les derniers propos du staff européen dans un esprit commun d’indignation.

Faut-il que d’autres victimes périssent de cette folie meurtrière avant que les « recommandations » ne se concrétisent ? Le paquebot « Europe » est trop lent et sa structure trop complexe, manifestement incapable de protéger ses citoyens. Pourtant, certains pays tels que l’Italie ont une longue pratique de la lutte antiterroriste. Dans son ouvrage Au nom des ministères publics, M. Gargani, ex-parlementaire européen, rappelle la notion de « repenti » qui, en échange d’une promesse d’amélioration de sa situation judiciaire, décide de trahir son organisation et collabore avec la Justice. M. Gargani, tout en reconnaissant les faiblesses de ce système, souligne qu’il a permis de combattre efficacement les Brigades rouges et la Mafia.

En outre, la loi antiterrorisme du 15 avril 2015 a apporté des innovations importantes dans le code pénal. M. Stefano Dambruoso, magistrat antiterrorisme et actuellement député italien nous les a résumées, citant en particulier l’insertion de nouvelles incriminations, dans le but de punir les « foreign fighters » à savoir «  tous ceux qui organisent des voyages à l’étranger ayant pour finalité l’accomplissement des actes terroristes ainsi que toute personne qui, après avoir appris l’usage des armes ou des explosifs ou s’être formée pour mettre en œuvre des actes violents à finalité terroriste, assume un comportement qui peut être interprété, objectivement, comme mise en œuvre de ces actes ». La loi italienne établit l’expulsion immédiate du territoire, décision administrative ordonnée par le préfet, y compris à titre de mesure préventive. Selon le député, cette «  interception préventive est un des moyens principaux de la lutte, qui ne nécessite pas nécessairement qu’une poursuite pénale ait lieu ».

A cela s’ajoute une nouvelle peine accessoire : la déchéance de l’autorité parentale pour toute personne ayant impliqué un mineur lors de l’accomplissement d’un acte terroriste. Cette peine est particulièrement importante pour la protection des mineurs mis en danger par leur environnement. Enfin, la coordination de ce type d’enquêtes des différents parquets nationaux est confiée à un organe unique, la Direzione nazionale antimafia e antiterrorismo, ce qui évite tout manque de coordination ; ce manque qui s’est tragiquement révélé en Belgique lors des derniers événements.

En Italie, depuis le 1er janvier 2015, 113.000 personnes ont été contrôlées et 2.310, fouillées sur la seule suspicion d’« être en relation avec l’extrémisme religieux ». Ces contrôles ont mené à l’arrestation de 422 personnes et à l’expulsion du territoire de 75 autres constituant un danger pour la sécurité nationale. La collaboration avec les communautés islamiques et la surveillance ont mené à l’expulsion de 5 imams. Enfin, le procureur national antimafia a un rôle centralisateur dans le combat contre le terrorisme et ce, dans le but de combattre tous les crimes à échelle transnationale, qu’il s’agisse de trafic de drogue ou de personnes. A cet égard, l’Etat islamique peut être considéré un « Etat-mafia », organisation mafieuse qui commet des crimes à échelle transnationale grâce à des relations nouées à l’extérieur de son organisation et avec l’aide de personnes qui la soutiennent. Selon le député, «  pour la gestion du problème il faut l’unité des politiciens, l’application des lois existantes et la disponibilité des ressources ». L’interactivité et la collaboration entre les différentes institutions nationales (la magistrature, les services secrets et les forces de police) ainsi que l’adoption des incriminations créées par l’Italie pour la prévention et le combat contre le terrorisme.

Les blindés dans les rues ne suffiront pas à combattre le terrorisme. C’est la Justice, au sens technique du terme, avec un code pénal adapté à l’ampleur du problème qui pourra protéger les citoyens.

 

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