Carte blanche: les éléphants d’Afrique seront-ils oubliés à jamais?


De façon alarmante, la population d’éléphants d’Afrique a diminué de 61 % au cours des trois dernières décennies. Chaque année, environ 30.000 éléphants meurent à cause du braconnage, selon l’autorité de la faune sauvage d’Ouganda. Les experts avertissent qu’un éléphant est tué toutes les 15 minutes afin de produire des ornements, des bibelots et des statuettes de valeur, qui sont vendus ensuite sur le marché asiatique, en particulier en Chine et à Hong Kong.
Une Conférence primordiale
La 17e session de la Conférence des Parties à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), qui se tiendra à Johannesburg fin septembre 2016, pourrait modifier de manière irréversible le sort des éléphants. Étant la plus large exportatrice d’ivoire et fondatrice primaire de la CITES, ce qui représente le plus grand bloc de vote, l’UE a un poids significatif au sommet. Pourtant, il semble qu’elle ne sera pas à la hauteur des attentes puisqu’elle se refuse d’altérer le statu quo. En particulier, les États membres ayant des anciennes colonies en Afrique, y compris la Belgique, ainsi que les pays d’Afrique australe, font du lobbying pour le maintien des exceptions dans le système actuel au lieu d’introduire une interdiction totale du commerce d’ivoire.
Déjà en 1989, tous les éléphants d’Afrique ont été répertoriés comme « espèces menacées d’extinction » à l’Annexe I de la CITES. Le bannissement actuel mis en place en 2007 sur les ventes d’ivoire, qui arrive à échéance en 2017, n’est que partiel étant donné que les exportations d’ivoire sont autorisées dans quatre pays africains (Botswana, Namibie, Afrique du Sud et Zimbabwe). L’éléphant est inclus à l’Annexe II dans ces quatre pays sous prétexte que les populations d’éléphants enregistrent une croissance, ce qui implique donc qu’il y ait moins de risque d’extinction. Néanmoins, certains constatent qu’en raison de ces exceptions, le commerce d’ivoire a plus que doublé et le nombre d’éléphants est passé de 600.000 à 400.000.
Un crime très lucratif
La Convention permet également de vendre de l’ivoire d’une manière légale chez les antiquaires et aux ventes aux enchères sous licence si elle est acquise avant 1975. L’existence d’un marché légal tend à déclencher le commerce illégal et stimule l’émission de faux certificats considérant qu’il est extrêmement difficile de différencier l’ivoire de la pré-Convention de celle brut et travaillée.
De plus, il est reconnu, par le Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU), que le commerce d’ivoire alimente des groupes terroristes dans certaines régions d’Afrique. Quelques exemples sont Boko Haram au Nigeria, Al-Shabaab en Somalie et l’Armée de résistance du Seigneur en Ouganda, qui gagnent environ 600.000 $ (env. 530.000 euros) par semaine grâce au braconnage illégal, selon Vera Weber, présidente de la Fondation suisse Franz Weber. Le trafic d’ivoire, revigoré par la corruption étendue et une grande demande en Asie, est l’un des crimes les plus lucratifs dans le monde créant une valeur de 8 à 20 milliards d’euros annuellement, selon l’UE.
Attitude irresponsable
Pour arrêter cela, la CEA propose d’éliminer les lacunes existantes au cours du sommet imminent en rassemblant tous les éléphants à l’Annexe I, ce qui signifierait un arrêt global des marchés d’ivoire. Elle plaide également en faveur de la destruction des stocks d’ivoire, comme ce fut le cas au Kenya, qui a brûlé un stock d’une valeur de 100 millions de dollars (env. 88 millions d’euros) cette année. Alors que la Chine et les Etats-Unis ont annoncé qu’ils allaient entièrement fermer leurs marchés intérieurs d’ivoire, la Commission européenne a déclaré le 1er Juillet qu’elle est en faveur du maintien des exceptions. L’UE insiste sur le fait qu’un compromis soit décidé entre les pays africains « … pour maintenir l’unité africaine ». En fait, c’est le répertoriage scindé des éléphants, poussé par les quatre pays d’Afrique australe, qui est la raison même de l’absence d’unité sur le continent sur la question. L’attitude plutôt détachée et irresponsable de l’UE est largement critiquée par les militants de la faune. Avaaz a récemment lancé une campagne intitulée « Europe : halte au massacre des éléphants » et a recueilli autour de 1.500.000 signatures jusqu’à présent.
Une source de financement terroriste
L’UE pourrait encore modifier sa position commune avant le sommet de l’ONU en raison des agendas divergents de ses États membres. Certains pays de l’UE ont pris une démarche exemplaire en arrêtant l’émission de certificats, qui permettent les exportations d’ivoire. Ceux-ci comprennent la République Tchèque, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Slovaquie, la Suède et le Royaume-Uni. La France a également annoncé une interdiction totale du commerce d’ivoire sur ses marchés domestiques. Il est nécessaire de mettre plus de pression afin de transformer ce genre d’initiatives en une politique à l’échelle européenne, en l’absence de laquelle ces mesures seraient extrêmement inefficaces.
L’UE devrait finalement être rationnelle et agir de façon responsable en introduisant une interdiction totale du commerce d’ivoire. Les lacunes existantes mettent en danger des vies de milliers d’éléphants, tout en fournissant une source significative de financement au terrorisme qui déstabilise la région. Personne ne voudrait payer le prix de voir que les éléphants seraient oubliés à jamais ou de rester dans les mémoires comme les collaborateurs des seigneurs de guerre qui dominent du haut de leurs trônes financés par l’ivoire.