Une certitude : les Belges étaient avertis d’une attaque imminente
« La thèse d’une attaque surprise ne tient pas, soutient Hugues Wenkin. En effet, des documents montrent que, dès 1935, tout le monde connaissait les capacités des parachutistes allemands. Plus accablant encore pour l’armée belge : un avion allemand s’était écrasé en janvier 1940 sur le territoire belge, à l’intérieur duquel on découvrit des plans d’invasion allemande et d’attaque aéroportée ! L’information est tellement énorme que certains se demandent si elle est exacte ! Mais aux dates prévues de l’attaque, les 10 au 14 janvier, les troupes belges se mettent malgré tout en position pour répondre à une invasion éventuelle. Par ailleurs des notes émanant du conseiller du Roi, le général Van Overstraeten, attestent de la crainte d’une attaque aérienne qui se produit d’ailleurs au mois d’avril contre un aérodrome de Norvège. Mais ces notes ne seront pas transmises aux responsables du fort d’Ében-Émael. De plus la Belgique et la Hollande sont averties, dès le 9 mai, à 22 heures, que des importants mouvements de troupes allemands se préparent à la frontière. Trois quarts d’heure plus tard, les états-majors sont certains que l’attaque est prévue pour le lendemain et tout le monde est alerte. Dès lors parler d’une attaque surprise n’est pas vraisemblable. » Tout le monde est en alerte, sauf le fort Ében-Émael… Son commandant, le major Jottrand prend même une décision étrange. Le 10 mai 1940, à 1 heure du matin, il fait même descendre tous ses hommes pour déménager les bâtiments administratifs qui sont à l’entrée du fort. Quand les parachutistes allemands sautent, à 4 heures, il n’y a quasi plus personne pour s’opposer à eux. Seuls une vingtaine de soldats sont encore dans la coupole sud pour tirer. Là n’est pas la seule erreur du major Jottrand. Quand il voit arriver un à un des planeurs au-dessus du fort, il donne comme consigne à ses hommes de ne pas tirer sans être sûr qu’il s’agisse bien d’engins ennemis, alors que pourtant, le survol de la place forte est interdit ! Et quand les planeurs se posent, il donne une suite d’ordres inappropriés, comme celui de dire “attaque générale ” et non “attaque sur massif ” (sur le haut), ce qui aurait permis au fort de bien pointer ses canons.
Erreurs en cascade…
« Jottrand a commis erreur sur erreur, comme je l’ai découvert dans les documents classés secrets de la commission d’enquête », insiste l’historien. « Pourtant, il n’a été condamné qu’à une semaine d’arrêt de rigueur. Cette clémence s’explique sans doute par le fait qu’il n’a pas été le seul à commettre des erreurs. La division d’infanterie qui défend le canal Albert et le fort en a également fait. La nouvelle division, arrivée le 1 er mai pour remplacer l’ancienne, communique mal avec le fort. Et quand ses grenadiers arrivent pour défendre le fort, ils ne sont équipés que de fusils, et non des grenades et lance-grenades. Lorsqu’ils en demandent, elles leur sont refusées. Les hommes se battent de surcroît sans jamais recevoir de renfort car les communications téléphoniques ne passent pas entre Ében-Émael et le quartier général de Tongres, tandis que les Allemands, eux, reçoivent des appuis de bombardiers chaque fois qu’ils le demandent. » La défaite d’Ében-Émael fut ainsi un immense gâchis, lié aux erreurs commises par les militaires belges.
“Ében-Émael ”, éd. Weyrich, 184 p., 32 euros.