Calvitie: c’est un peu la faute à Maman…

Alors qu’une étude a identifié 200 gènes responsables de la calvitie, un spécialiste nous explique pourquoi il n’y a plus qu’un cheveu sur la tête à Mathieu. Et pourquoi cela pourrait bien encore durer 1.000 ans…

Temps de lecture: 6 min

La nouvelle paraît pour le moins tirée par les cheveux, autant vous avertir d’emblée. Il y a quelques jours, des chercheurs de l’université d’Edimbourg ont annoncé avoir identifié plus de 200 groupes de gènes impliqués dans l’alopécie (perte progressive des cheveux). Une découverte qui, selon eux, pourrait aider à prédire, à l’aide d’une formule, le risque de calvitie pour les hommes. En revanche, pas l’ombre d’un traitement révolutionnaire en vue. En matière de connaissance du phénomène de la calvitie, il faut se rendre à l’évidence : la science n’a avancé que d’un poil. « On se doute depuis longtemps que la calvitie est une affection régie par une multitude de gènes », tient à rappeler le Dr Dominique Van Neste, dermatologue, spécialiste du cheveu. « Le monde de la génétique a malheureusement tendance à rapidement claironner que la solution est à portée de main, alors que l’on sait pertinemment que le chemin sera encore long. » Il y a 20 ans, on disait déjà qu’il y a un gène pour chaque maladie. Par exemple, dans le cas de la pathologie “hairless” – les bébés naissent avec un duvet sur la tête mais la structure de leur cuir chevelu est incapable de poursuivre son travail et ils restent chauves toute leur vie – un seul gène est à l’origine de cette maladie. L’étude d’Edimbourg ne manquera cependant pas de susciter l’intérêt de la gent masculine… dont 80 % des effectifs seront chauves à 80 ans. Pour Saskia Hagenaars, coauteure de l’étude : « Ce phénomène peut avoir des effets psychosociaux importants, qui modifient l’image que l’on a de soi et celle que l’on pense renvoyer ». Et d’ajouter : « En plus de la modification de l’apparence physique, certaines études (mais pas toutes !) ont identifié des problèmes de santé en lien avec la calvitie, comme un risque accru de cancer de la prostate et de maladie cardiovasculaire. »

À un poil près…

En matière de calvitie, il est une règle facile à retenir : à 50 ans, 50 % des hommes (de type caucasien) ont déjà perdu 50 % de leurs cheveux. On peut rajouter cinq ans aux Africains et quinze ans aux Asiatiques. La masculinité ne se marque en effet pas partout de la même façon. « Les Japonais, par exemple, s’ils sont du sud, sont imberbes mais fort chevelus, tandis que les Japonais du nord (ex-envahisseurs en provenance de Mongolie) sont très poilus mais aussi très chauves ! », nous raconte le Dr Van Neste. Dans le règne humain, la calvitie a toujours été considérée comme une preuve de virilité. Elle est l’équivalent, dans le monde animal, de la crête du coq ! Mais au fil du temps, les critères de la masculinité ont changé. Et l’on peut ainsi imaginer que, dans des milliers d’années, les hommes ne perdront plus leurs cheveux.

L’étude qui prédit le risque de calvitie

L’étude “Genetic prediction of male pattern baldness” (“Prédiction génétique de la calvitie masculine”) publiée dans la revue américaine “Plos Genetics” a été réalisée par Saskia Hagenaars et David Hill, deux chercheurs spécialisés en génétique statistique de l’université d’Edimbourg. Menée auprès de 52.000 hommes âgés de 40 à 69 ans, tant chauves que chevelus, cette étude sur l’alopécie androgénétique a mis en évidence trois choses : 1. l’identification de 287 groupes de gènes à l’origine de l’alopécie.

2. La création d’une formule permettant de prédire le risque pour un homme de perdre ses cheveux. Cette formule se base sur la présence ou l’absence de certains marqueurs génétiques jouant un rôle dans la structure et le développement des cheveux.

3. La confirmation que le chromosome X (dont les hommes héritent par leur mère) est à l’origine d’un bon nombre de gènes prédisposant à la calvitie. Ce sont donc principalement les ascendants du côté maternel qui influencent le fait que les hommes perdent – ou non – leurs cheveux. Jusqu’à présent, seuls quelques gènes avaient été identifiés, notamment en 2008, au cours de deux études (l’une émanant de l’université de Montréal et l’autre des universités de Bonn et Düsseldorf) qui avaient démontré un lien entre la chute de cheveux à partir de 45 ans et une zone bien précise sur le chromosome 20. Mais ces études avaient déjà mis en évidence le rôle du chromosome X dont les hommes héritent de leur mère.

Cinq questions au docteur Dominique Van Neste

Pourquoi devient-on chauve ?

Les 200 gènes qui prédisposent à la calvitie ont chacun une fonction particulière : il suffit que l’un d’eux freine la vitesse de croissance du cheveu, en diminue le calibre ou la coloration, et le développement de vos cheveux sera modifié.

Pourquoi les cheveux ne poussent-ils pas comme les poils ?

Parce qu’en fonction du “territoire” où elle se trouve (torse ou crâne…), la cellule ne réagit pas de la même façon. Pourrait-on greffer des cellules de cheveux de femme sur les crânes des hommes ? Ce n’est pas compatible. En revanche, il y a, dans le follicule pileux, une petite papille dermique qui a, elle, l’avantage de n’être pas reconnue comme “étrangère”. C’est un mécanisme que l’on commence seulement à décrypter. Il n’y a eu jusqu’à présent qu’un seul essai connu, entre un scientifique et son épouse : une petite papille dermique de celle-ci a été greffée dans le poignet de son mari… et un poil a poussé.

Mais alors, la solution est toute trouvée !

Ah mais non ! (rire), parce qu’il faudrait lui enlever toutes ses papilles dermiques pour pouvoir rendre une chevelure complète à son mari ! Un jour peut-être trouvera-t-on le moyen de fabriquer des papilles dermiques… Il paraît aussi que les orangs-outans seraient d’excellents donneurs…

Comment sait-on que l’on est en train de perdre ses cheveux ?

En deçà de 30 % de perte de cheveux, le problème passe souvent inaperçu. Le médecin traitant qui connaît bien l’histoire familiale de la calvitie, se trouve en première ligne. Si la perte de cheveux est perceptible et l’hérédité lourde, il passera la main dans les cheveux pour “sentir” la diminution de leur calibre. Chez les garçons les plus sensibles, cela peut démarrer dès l’installation de la puberté.

De quels remèdes dispose-t-on aujourd’hui ?

S’il y a lieu de traiter, le minoxidil, un stimulant non spécifique (c’est-à-dire non lié à la sensibilité aux hormones) est le seul médicament qui ait obtenu une autorisation de mise sur le marché dans cette indication. C’est une lotion à 2 % ou 5 % à appliquer sur le cuir chevelu en faisant bien attention à ne pas en mettre ailleurs, sinon des poils pourraient aussi faire leur apparition comme effet indésirable… Les vitamines et acides aminés ne servent pas à grand-chose en matière de repousse des cheveux. Pour d’autres options plus spécifiques (greffes, perruques…), il faudra s’adresser à son médecin.

Un produit stimulant… interdit en Belgique

Un traitement de fond dont l’efficacité a été démontrée est un inhibiteur enzymatique qui existe depuis les années 90 mais n’a pas reçu l’autorisation de mise sur le marché en Belgique. Son rôle est d’empêcher la fabrication, à l’intérieur de la racine des cheveux, d’une hormone DHT super-négative. Ce produit stimule ainsi la repousse des cheveux. Il n’est vendu à l’heure actuelle que dans certains pays européens comme la France, l’Angleterre, l’Italie et l’Allemagne.

 

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