Sommeil: Morphée nous livre ses secrets







Bien dormir, c’est se soigner !
Quand il est de bonne qualité, le sommeil est non seulement réparateur (il régit la vigilance et la bonne forme), mais il aide aussi à prévenir certaines maladies. Il exerce en effet une action immunitaire contre les infections et offre une protection métabolique contre l’hypertension, les maladies cardiovasculaires et le diabète. Une étude a ainsi été réalisée sur des sujets non à risque mais en excès pondéral, que l’on a privés de sommeil pendant six semaines (ils ne dormaient que quatre heures par jour). Au bout de l’expérience, les chercheurs ont constaté que leur index glycémique avait augmenté. Pourquoi ? Parce que la privation de sommeil avait perturbé leur sécrétion hormonale (leptine et cortisol), notamment en diminuant le taux de leptine, l’hormone dont dépend la satiété. Ils avaient donc plus faim… Un constat intéressant quand on sait que les personnes sujettes aux apnées du sommeil n’ont plus de leptine. L’excès pondéral joue donc un rôle néfaste dans la qualité du sommeil. Les personnes obèses présentent une gorge au diamètre plus restreint, du fait de l’accumulation de graisse, ce qui occasionne ronflements et micro-éveils délétères pour la qualité de leur sommeil. « On constate, chez les personnes qui dorment peu – et c’est de plus en plus souvent le cas – une augmentation de l’hypertension et/ou une intolérance au sucre », remarque le Pr Mwenge.
Dormir pour être bien
Le sommeil évolue dans le temps. Non seulement tout au long de la vie, mais aussi au cours de la nuit. Durant celle-ci, notre sommeil passe par quatre ou cinq phases, appelées « cycles », qui durent chacun entre une demi-heure et deux heures et au cours desquels le sommeil est, en alternance, tantôt paradoxal, tantôt profond. On rêve à tous les stades. Lorsqu’il est en cycle de sommeil paradoxal, notre cerveau est en activité et tous nos muscles sont paralysés, hormis le cœur et les poumons. Le sommeil paradoxal est d’une importance capitale puisqu’il intervient dans notre processus de mémorisation et les phénomènes cognitifs. Les personnes en proie à des troubles du sommeil paradoxal risquent d’ailleurs, à terme, de développer de la démence. « Dans le sommeil paradoxal, il arrive que les gens « actent » leurs rêves, nous explique le Pr Mwenge. S’ils rêvent par exemple qu’ils sont en train de jouer au football, ils vont donner des coups de pied dans leur lit. S’ils finissent par consulter pour cela et que l’on diagnostique une pathologie liée au sommeil paradoxal, un traitement sera envisagé de façon à prévenir la démence. » Le sommeil profond revêt aussi toute son importance car c’est lui qui nous permettra de maintenir notre vigilance et notre forme au cours de la journée. Plus il est profond (on compte généralement quatre niveaux de sommeil), plus il sera réparateur et nous fera bénéficier de ses effets protecteurs. Les enfants ont généralement un sommeil profond de type 3 ou 4, qui diminuera progressivement avec l’âge.
Dodo l’enfant, pas l’ado !
Face au sommeil, les adolescents se comportent en véritables mutants : ils sont complètement et naturellement décalés ! « C’est physiologique et ils n’y peuvent rien, observe le Pr Mwenge. Sauf qu’avec leurs activités nocturnes, notamment l’utilisation des écrans, ils favorisent encore ce décalage en reculant l’heure de leur endormissement. La raison en est que la mélatonine, l’hormone que l’on produit naturellement à la tombée de la nuit et qui favorise le sommeil, est alors sécrétée beaucoup plus tard. » Du coup, les ados sont invariablement en dette de sommeil et dorment jusqu’à midi le week-end, afin de rattraper les heures perdues. Ils en ont besoin et il faut les laisser dormir. N’oubliez pas que le sommeil favorise la mémorisation et la concentration dont ils ont tant besoin pour étudier… « En Grande-Bretagne, des écoles ont adapté leurs horaires destinés aux élèves des grandes classes, raconte le médecin. Les cours commencent plus tard pour eux. Depuis, on y a constaté une nette amélioration des résultats scolaires ! »
Un Belge sur trois est insomniaque !
Rien n’est plus personnel que le « rituel » d’endormissement. Ce qui n’empêche pas 30 % de la population belge d’être insomniaque. Certains peinent à s’endormir, d’autres se réveillent à plusieurs reprises au milieu de la nuit… et en dépit de tous leurs efforts ne parviennent plus à retrouver le sommeil. « C’est à croire même que les gens développent de véritables techniques pour ne pas se rendormir, ironise le Pr Mwenge. Soit ils ruminent leur journée passée, soit ils angoissent sur celle à venir ou alors tentent de s’endormir en fixant l’heure projetée au plafond… Ils finissent par devenir obsédés par leur sommeil, jusqu’à connaître de véritables troubles, comme les apnées du sommeil, de l’hypertension nocturne, des micro-éveils, de l’agitation… » Pour la pneumologue, la meilleure des choses à faire contre l’insomnie est d’apprendre à se connaître, à écouter son corps, à décrypter les causes du mauvais sommeil (angoisses, anxiété, dépression, cause médicale) et à… banaliser les épisodes d’éveil afin de ne pas en faire une fixation. Enfin, certains rituels peuvent aider : éviter de travailler jusqu’à 23 heures, opter pour une lecture apaisante, bannir les écrans, surtout dans la chambre, éviter les bains chauds qui augmentent la température corporelle (on a besoin de froid pour dormir), supprimer la lumière car elle maintient l’activité, notamment les iodes des appareils électroniques, choisir un bon matelas et un bon oreiller, pratiquer quelques exercices de respiration avant de s’endormir…
Pour s’endormir comme un bébé, il faut avant tout écouter son corps
Le Pr Gimbada Mwenge, pneumologue (UCL), et le Dr Frédéric Saldmann, cardiologue français et auteur, nous livrent quelques trucs pour passer de bonnes nuits.
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n Des chercheurs brésiliens ont mis au point des exercices de
« Votre santé sans risque », Dr Frédéric Saldmann, éditions Albin Michel, février 2017.
Mélatonine ou somnifère ?
Sécrétée par la glande pinéale en réponse à l’obscurité, la mélatonine provoque la somnolence qui prélude à l’envie de dormir. Cet « inducteur de sommeil » est aussi un bon antioxydant, qui répare nos cellules pendant que nous dormons. Ce n’est pas pour rien si les personnes qui ont bien dormi paraissent soudain plus jeunes… La bonne nouvelle, c’est qu’il y a moyen de prendre de la mélatonine sous forme de complément alimentaire : elle n’induit pas d’accoutumance et est naturelle, ce qui en fait un meilleur adjuvant de notre sommeil que les somnifères et les benzodiazépines. « Ceux-ci ne sont à prendre qu’en cas d’insomnie passagère, prévient le Pr Mwenge. Lorsqu’on vit un événement stressant ou douloureux, par exemple. Pour bien faire, ils ne devraient être vendus que par trois. Or, les boîtes de somnifères en contiennent toujours plus, ce qui incite les patients à en consommer et les habitue à ne plus s’en passer, c’est dommage. Pour une insomnie légère, on peut aussi essayer les tisanes de valériane ou de passiflore. »